Garder six mois le bébé dans la chambre des parents : pour ou contre ?
Votre mère s’étonne que vous fassiez dormir le bébé dans votre chambre… A vos amies déjà mères depuis quelques années ou votre mère, il a été déconseillé d’habituer bébé à dormir dans la chambre des parents. Pourtant, vous ne faites que suivre ce qui vous a été recommandé à la maternité. Alors qui croire ?
Faire dormir bébé dans la chambre : une recommandation ou un mode d’emploi ?
Annick Simon, psychologue, qui a longtemps exercé dans un service de néonatologie, estime que c’est aux parents de choisir l’endroit où installer le bébé. Il n’y a pas un mode d’emploi unique pour s’occuper de son enfant. Elle fait confiance à la "créativité" des parents et à leur capacité à "sécuriser" le nouveau-né en "inventant" ce qui est le meilleur pour chacun.
Mais dans le carnet de santé qui vous a été remis à la naissance de votre enfant, il est clairement indiqué qu’il est "préférable, si cela est possible, de placer le lit de votre bébé dans votre chambre pour les 6 premiers mois au minimum". Pourquoi une telle recommandation ?
Priorité à la prévention de la mort subite du nourrisson
Pour élaborer le nouveau carnet de santé, le Ministère de la Santé et des Solidarités s’est entouré de nombreux spécialistes : pédiatres, médecins de PMI, généralistes, sages-femmes, puéricultrices, parents, représentants du Ministère… La priorité affichée est de faire baisser le nombre de décès dus à la mort subite du nourrisson (MSN) ou à sa mort inexpliquée (MIN) – un drame terriblement difficile à surmonter pour les parents qui y sont confrontés.
Et dans ce domaine, la France est moins bien placée que la plupart des pays européens, tant en terme de prévention qu’en nombre d’accidents : environ 250 décès dans la première année de vie, essentiellement dans les 6 premiers mois, soit 3,2 décès pour 10 000 naissances.
Les études de 17 pays européens et des études américaines ont démontré que la surveillance du sommeil du nourrisson dans la chambre des parents permet de réduire le risque de MSN. Ces résultats ont logiquement conduit les autorités à inscrire cette recommandation dans le carnet de santé.
L’attention des parents, le travail du bébé
Respirer demande un effort au nourrisson, dit Annick Simon. Pour s’y résoudre, il doit être porté par une pensée, une sollicitation, l’attention que lui offrent ses parents. Mais ne confondons pas "faire attention" à l’enfant et lui "donner de l’attention".
Apprendre à dormir fait partie des nombreux apprentissages auxquels doit se livrer le bébé. C’est un "petit travail" qui lui incombe, explique-t-elle. "Le rôle des parents, c’est de délivrer à leur enfant une sécurité interne qui lui permette de chercher ses ressources à l’intérieur de lui-même".
Pour la psychologue, lorsque la maman a peur de quitter le bébé, elle lui communique son angoisse. "Une vigilance excessive est pour les parents, leur manière de se défendre contre la crainte de ne pas être à la hauteur mais, pour le bébé, une menace qui l’insécurise. En présence d’un adulte confiant, en revanche, l’enfant va expérimenter d’être en lien avec lui-même" estime Annick Simon. Avec le temps, l’enfant intériorisera la présence sécurisante de l’adulte et pourra partir seul vers le monde, c’est-à-dire bien accompagné.
Le sommeil bruyant de l’enfant, la sexualité des parents
Mais tous ceux qui l’ont expérimenté, vous le diront : pas évident de dormir dans la même pièce que son bébé ! Les suçotements, les grognements du nourrisson peuvent avoir une conséquence néfaste sur le sommeil de ses parents et donc sur leur humeur et leur disponibilité pendant la journée.
Le bébé, quant à lui, n’est pas équipé intellectuellement pour comprendre ce qui se passe entre les parents lors de rapports sexuels, met en garde Annick Simon. Ce qu’il perçoit lui apparaît comme un acte violent et angoissant, y compris s’il dort. Les parents doivent donc avoir des rapports dans un autre espace que celui où est installé leur enfant.
La technologie, un recours contre l’anxiété ?
Si vous êtes dévorés d’inquiétude, vous pouvez toujours faire l’acquisition d’appareils de surveillance du sommeil de bébé : les babyphones vidéo connectés qui permettent de surveiller à distance, le tapis "détecteur de mouvement", conçu pour prévenir la mort subite du nourrisson et qui capte le moindre geste du bébé. Si le bébé ne bouge pas ou ne respire plus pendant plus de 20 secondes, le tapis se met à sonner. Mais il faut se souvenir que la technologie ne pourra jamais se substituer à l’amour attentif des parents.
Le rôle des parents : protéger
On l’aura compris, chaque parent se doit de veiller à ce que l’enfant ne soit ni en danger physique ni psychique. Selon Agnès Grison, responsable de l’actualisation des guides Laurence Pernoud – J’attends un enfant, J’élève mon enfant –, le message doit être clair. S’appuyant sur les études de prévention de la mort inattendue du nourrisson, "J’élève mon enfant" recommande depuis déjà plusieurs années, de faire dormir le bébé, pendant les premiers mois, dans la chambre des parents.
Gérer ses angoisses pour le bien-être du bébé
Vivre dans la terreur de perdre son bébé est contre-productif. Les parents doivent contrôler leurs angoisses pour éviter de les transmettre, s’ils ne veulent pas alimenter chez l’enfant la peur de dormir et celle de grandir. Annick Simon nous le rappelle, être parent est un art. C’est à chacun(e) de trouver ce qui convient le mieux.
Au final, quelle que soit la solution choisie – le bébé dans la chambre des parents ou dans sa propre chambre –, la vigilance prônée par le Ministère de la Santé doit être prise au sérieux. Passés six mois, cependant, le bébé doit laisser au couple parental son intimité, lui-même se construisant la sienne dans son propre espace.