Anniversaires luxueux pour enfants : plaisir parental ou réel bonheur pour les petits ?
Ce week-end, Manon et Julien Tanti, couple d’influenceurs issus de la téléréalité, ont fait réagir la toile avec les images de l’anniversaire hors-normes organisé pour leur fillette de seulement 4 ans. Qu'en penser ?
Un château de princesse grandeur nature, des jeux gonflables, un bar à cocktails, une cabine de photobooth et… beaucoup de photos sur les réseaux ! Jeudi dernier, la famille Tanti, connue depuis la téléréalité des Marseillais, s’est fait plaisir. Pour les 4 ans de leur petite Angelina, elle n’a pas lésiné sur les moyens. Sur Instagram, les photo défilent, et dévoilent une fête de rêve, digne des films américains, entre émerveillement et opulence.
Les influenceurs rivalisent dans la démesure
Les Tanti ne sont d’ailleurs pas les premiers ni les seuls à se fendre d’un anniversaire démesuré pour leur enfant : Nabilla en avait fait de même en 2023 pour son fils, et des images circulent régulièrement sur les comptes des influenceurs du monde entier. L’événement, cependant, est loin de faire l’unanimité : entre envie et inquiétude pour le développement des enfants, les commentaires ne sont pas tendres. Et ciblent en majorité une fête inappropriée pour un enfant si jeune. Mais qu’en est il vraiment ? Ont-ils raison de profiter de leur moyens (et tant pis pour ceux qu’ils appellent "rageux"), ou est-ce néfaste pour l’enfant en jeu ? Nous avons demandé son avis à Amélie Boukhobza, psychologue.
Un événement davantage profitable aux adultes
Pour notre experte, derrière l’intérêt sincère de célébrer l’anniversaire de leur enfant, se cache une soirée plus pour adultes que pour enfant et une volonté de faire le buzz.
"Difficile de ne pas voir dans ces fêtes somptueuses un désir des parents de briller à travers leurs enfants. On est loin d’un simple anniversaire d’enfant : c’est un spectacle, un moyen de faire le buzz, de se mettre en avant. En réalité, ces parents semblent surtout se faire plaisir à eux-mêmes", analyse-t-elle.
Plus problématique pour elle, (et les parents ne s’en cachent pas d’ailleurs) l'utilisation de marques, de sponsors, fait également partie du jeu.
"Ces parents utilisent l’anniversaire de leur enfant comme un outil de promotion personnelle, une manière de se montrer sous leur meilleur jour aux yeux des autres. Et quand tout est retransmis sur les réseaux sociaux, on tombe dans l’exploitation pure et simple : l’enfant devient un objet de communication, un outil marketing", s’agace-t-elle.
Une fête privée qui ne l’est plus
D'autant qu'en exposant leur enfant de cette manière, ces parents oublient un aspect essentiel de leur rôle : protéger leur enfant. "Les photos et vidéos publiées sur les réseaux ne sont pas anodines. Elles exposent l’enfant à des risques variés, de la perte de sa vie privée au cyberharcèlement, voire pire. On oublie souvent que l’enfant n’a pas donné son consentement à cette exposition, qu’il n’a pas la maturité pour comprendre ce que cela implique", rappelle l’experte.
Le risque de créer une personne blasée en grandissant
Au-delà de l’exposition publique, il y a aussi le message que ces fêtes envoient aux enfants sur les valeurs. Quand tout est démesuré, quand la grandeur et la quantité priment sur la simplicité et l’authenticité, l’enfant peut facilement se perdre dans cette logique de surenchère.
"Que lui apprend-on ? Que l’amour et l’attention se mesurent à la taille de la fête ou à la valeur des cadeaux ? Que pour exister, il faut être spectaculaire ? C’est un glissement insidieux vers des valeurs matérialistes, qui, si elles ne sont pas contrebalancées par une éducation solide et centrée sur des valeurs humaines, peuvent conduire à un profond déséquilibre", regrette Amélie Boukhobza.
Le danger supplémentaire à terme, c’est que ces enfants grandissent avec l’idée que tout doit être exceptionnel pour être apprécié. Et de devenir “blasés”, toujours en quête de plus, d’un plus grand spectacle, d’une plus grande excitation. "Mais la vie ne fonctionne pas ainsi. Si on habitue un enfant dès son plus jeune âge à des fêtes mirobolantes, on l’expose au risque d’une quête incessante de l’extraordinaire, d’une insatisfaction chronique face aux plaisirs simples de la vie".
Sans oublier que des fêtes si grandioses peuvent facilement attiser la jalousie chez les autres enfants. Ces derniers, n’ayant pas les mêmes moyens, peuvent se sentir inférieurs ou exclus, ce qui peut mettre l’enfant "privilégié" dans une position délicate, créant une distance, des méchancetés voire un isolement.
Composer un anniversaire autour des envies de l’enfants
L’idée n’est donc pas de se brider, ou d’éviter de faire plaisir à l’enfant. Bien au contraire, il est bon de faire de ce jour spécial, quelque chose qui sort de l’ordinaire et de le célébrer cette journée avec l’enfant.
"Mais organiser un anniversaire, ce n’est pas créer un événement digne d’un gala, c’est avant tout un moment de partage, d’amour, de simplicité. Impliquer l’enfant dans l’organisation, lui demander ce qu’il souhaite, composer la fête autour de ses envies et non des attentes des autres... me paraît beaucoup mieux !", conseille notre experte. Faites vous plaisir avec une jolie déco, une arche de ballons si vous voulez, des amis proches… et surtout des activités qui font plaisir… à votre d’enfant, et non à vos followers !
- Entretien avec Amélie Boukhobza, psychologue clinicienne, le 26 août 2024.
