Faut-il établir des règles de vie à la maison ?
Faut-il fixer des règles de vie à la maison ? Selon nos experts, les docteurs Marie-Rose Moro et Stéphane Clerget, la réponse est oui. Tout d’abord, parce qu’elles sont essentielles à l’intégration sociale de l’enfant, mais aussi parce qu’elles permettent de lui donner un cadre et d’ainsi éviter les angoisses.
Kalthoum Sarraï, alias Super Nanny, a marqué les esprits de tous ceux qui regardaient ses émissions, parents comme enfants. Et pour cause, la première chose qu’elle faisait lorsqu'elle reprenait en main l’éducation des enfants filmés pour l’émission était d’imposer "les nouvelles règles de la maison". Elle y établissait un planning hebdomadaire où étaient déterminées des heures de lever, de repas et de coucher ; des règles de vie toutes simples pour les enfants comme "Dire bonjour le matin", "Ne pas taper sa sœur" ou "Se laver les mains avant de passer à table" ; mais aussi des règles pour les parents qui devaient par exemple ajouter une histoire à leur rituel du soir.
Des règles essentielles à intérioriser
"Dès que l’on vit à plusieurs, il est essentiel d’établir des règles de vie" estime Marie-Rose Moro, pédopsychiatre, psychanalyste et directrice de la Maison de Solenn. Et d’autant plus lorsque vous vivez avec des enfants car les règles contribuent à leur donner un cadre qui favorise leur bon développement.
Il n’est toutefois pas obligatoire que cela passe par l’écrit : "L’idée est plutôt d’intérioriser ses règles, qu’elles aillent de soi pour l’enfant et qu’elles lui semblent légitimes", explique la docteure. D’autant que, comme le souligne le psychiatre Stéphane Clerget, "les règles écrites n’apportent rien de plus en terme de confiance. Ce n’est pas parce qu’elles sont écrites qu’elles ne vont pas être transgressées".
Les règles doivent surtout être communiquées, enseignées et explicitées aux enfants. Il est en effet important de leur expliquer le sens de la règle pour qu’ils comprennent que cela n’est pas juste une contrainte que lui imposent ses parents mais une clé pour son intégration sociale future.
"Ces règles ont surtout pour intérêt d’assurer la sécurité de l’enfant, son bon développement, sa santé et sa bonne intégration sociale" comme le souligne Stéphane Clerget. C’est pour cela que, dans chaque maison, l’éducation des enfants doit passer par des règles relatives à l’heure du coucher, à l’hygiène, au respect des autres et à la politesse.
Par exemple, si vous interdisez l’usage du téléphone portable à table, cela est certes pour passer un dîner convivial, mais aussi pour que, plus tard, cela paraisse évident à votre enfant que l’on ne doit pas sortir son portable lors d’un déjeuner professionnel.
Des règles valables pour toute la famille
"Parfois, les parents ont peur que, s’ils imposent des règles, leurs enfants ne les aiment plus. Au contraire ! Des règles adaptées confortent votre relation et donnent un meilleur cadre de vie aux enfants. Il est donc bénéfique pour l’enfant de donner des limites à ses libertés. D’autant que ces règles les rassurent et leur donnent le sentiment d’être considérés, que quelqu'un prend soin d’eux et se préoccupe de leur avenir", rappelle Dr. Moro.
Mais n’oubliez pas de signaler à vos bambins qu’imposer des règles n’est pas un jeu pour vous. Elles relèvent avant tout de votre devoir de parent qui est de les protéger, de leur mettre des limites et de faire en sorte qu’ils apprennent à ne pas se mettre en danger. Et bien sûr, que des règles s’imposent aussi aux adultes. Certaines sont communes à toute la maisonnée (participer aux tâches ménagères, respecter les autres…) et d’autres, liées à votre devoir de parents vous incombent particulièrement : préparer le repas, veiller à l’hygiène ou à la santé des plus jeunes. En effet, comme le rappelle Stéphane Clerget, "on ne peut pas demander à un enfant d’être obéissant, de respecter des règles, s’il n’a jamais de câlin, si on le couche tard, si on ne l’écoute pas et si on n’échange pas avec lui. L’enfant ira trop mal pour les respecter".
Des règles ludiques et évolutives
"Lorsque les enfants sont petits, les parents décident seuls des règles à établir, mais il est important qu’en grandissant, ils aient un rôle plus actif dans leur définition", souligne Marie-Rose Moro. Une des clés pour que l’enfant applique ces règles est également d’associer à chacune d’entre elles une autorisation. Par exemple, l’heure du coucher, définie à 20h30 les soirs de semaine, peut être assouplie le samedi à 21h30.
"Il peut aussi y avoir des récompenses pour féliciter des bons comportements parce qu’on peut considérer que l’enfant fait des efforts pour accepter un certain nombre de contraintes qui lui sont associées", souligne Stéphane Clerget. Cependant, la Dr Moro déconseille que cette récompense soit quelque chose de matériel puisque l’enfant doit avant tout y voir un avantage social. "L’enfant ne doit pas faire cela pour avoir de l’argent de poche mais pour partager un lieu de vie qui soit chaleureux avec sa famille. Or, le fait de donner de l’argent en échange d’un bon comportement peut donner un mauvais esprit à l’enfant et peut vite mener à des échanges conflictuels".
Pour rendre ces règles attractives, vous pouvez par exemple mettre en place un système de médaille du comportement de la semaine. Les enfants aiment la compétition, ils feront donc tout pour avoir la médaille d’or chaque semaine jusqu’à ce que le respect de ces règles devienne naturel.
Vers 13 ans, le jeune adolescent pourra avoir tendance à refuser, voire transgresser ses règles. C’est normal ! Il sera important, à ce moment-là de les lui rappeler calmement. Mais sachez qu’il sera beaucoup plus facile de gérer la situation s’il a déjà intériorisé les règles étant plus jeune.
C’est également le moment de vous rappeler, parent, que les règles sont dynamiques et doivent évoluer en fonction de l’âge de votre enfant. Par exemple, à l’adolescence, les premières sorties doivent donner lieu à de nouvelles règles. A quelle heure doit-il rentrer ? A-t-il le droit de sortir en semaine ? "Tout cela peut, et doit être discuté" conseille Marie-Rose Moro. Et si jamais vous lui ajoutez des missions, comme celle de faire la lessive, pensez à lui donner de nouveaux droits, comme une heure de coucher plus tardive ou une plus grande autonomie.
Ne jamais rompre le dialogue
Que faire si votre enfant ne respecte pas certaines règles ? Essayez d’abord de comprendre pourquoi. Peut-être sont-elles excessives ? Est-il malade ou fatigué ? A-t-il bien compris les règles et surtout leur finalité ? Pour Stéphane Clerget, "la punition est rarement une solution ; préférez-lui toujours le dialogue. Mais il faut aussi se demander parfois si les exigences parentales ne sont pas excessives".
Si certaines règles n’arrivent pas à être respectées, prenez le temps d’en discuter en famille. "Si votre enfant refuse d’aller se coucher ou de rentrer à l’heure le soir, il faut en discuter avec lui et trouver une manière de faire qui soit à la fois stricte et rassurante. Cherchez à comprendre pourquoi et discutez avec lui, à froid, de ce qui pourrait être mis en place pour que cela ne se reproduise plus" conclue la pédopsychiatre.