Agression de Samara : pourquoi les réseaux sociaux favorisent-ils les excès de violence ? L'avis de notre psy
Le passage à tabac de la jeune Samara, collégienne de 13 ans, relance le débat sur la violence engendrée par les réseaux sociaux. Même si les circonstances de son agression ne sont pas totalement tirées au clair, un faux compte Snapchat serait à l’origine de la brouille entre l’adolescente et ses agresseurs, selon la mère de la jeune fille. Les réseaux sociaux favorisent-ils de tels drames ? Nous avons posé la question à la psychologue Amélie Boukhobza.
Le lynchage de la jeune Samara s’est déroulé mardi, non loin de son collège à Montpellier. La jeune fille âgée de 13 ans a été rouée de coups par plusieurs autres élèves et a été hospitalisée puis plongée brièvement dans le coma, avant d’être réveillée hier. Selon le témoignage de sa mère auprès de plusieurs chaînes de télé, un faux compte Snapchat serait à l’origine du passage à tabac de la jeune fille, déjà régulièrement harcelée au collège.
Les réseaux sociaux influencent les comportements dans la vraie vie
Cette triste actualité interroge sur la place et le rôle des réseaux sociaux chez les jeunes, en particulier lorsqu'ils aboutissent à un tel déchainement de violence. Comment expliquer qu’une simple photo, partagée sur les réseaux sociaux, puisse aboutir à une agression aussi brutale envers une adolescente ?
Selon Amélie Boukhobza, l’univers virtuel des réseaux sociaux jouerait profondément sur les comportements des plus jeunes. "Il est clair que le passage d'une photo apparemment anodine à un acte d’une telle violence collective souligne l'impact profond que les plateformes numériques peuvent avoir sur les comportements hors ligne" estime la psychologue.
"Et il est difficile d’agir face à cela tant la réputation et l'image de soi dans l'espace numérique sont devenues importantes. C’était déjà le cas dans la vie réelle, particulièrement à cette période adolescente, moment où les jeunes sont en pleine construction de leur identité, mais maintenant c’est aussi le cas dans l’espace virtuel des réseaux sociaux".
Les réseaux sociaux permettent aux ados d’agir en toute discrétion
Autre effet pervers des réseaux sociaux : ils agissent comme un véritable catalyseur de la violence. "Sur les réseaux sociaux, tout est exacerbé. La facilité avec laquelle les utilisateurs peuvent monter en épingle une situation, organiser cela et inciter à la violence, souvent à l'abri du regard des adultes, crée un effet de groupe très dangereux" ajoute notre experte.
Sans oublier le fait que ce phénomène "sera d’autant plus exagéré par une certaine désinhibition sur les plateformes éphémères comme Snapchat, où les actions semblent apparemment sans conséquences".
De plus, la violence des jeunes est dopée par la possibilité de créer de faux profils, afin d’échapper ou de tenter d’échapper aux conséquences de leurs actes ou de se permettre certaines choses qu’ils n’oseraient pas faire dans la vie réelle.
L’effet de groupe et la pression sociale, deux autres élements qui entrent en compte
Dans le cas de la jeune Samara, trois collégiens avouent aujourd’hui avoir porté les coups. L’effet de groupe et la pression sociale encouragent ce type de comportements, assure Amélie Boukhobza. "Ils sont facilitateurs et encouragent aux comportements violents, sous couvert du fait que 'tout le monde le fait'. Sans oublier que l’espace virtuel et l’écran créént indubitablement une distance émotionnelle avec la victime et l’empathie est amoindrie".
L’adolescence est aussi une période propice dans la mesure où les jeunes sont en pleine recherche d’appartenance. "Ils peuvent se sentir poussés à agir de manière agressive pour être acceptés ou valorisés au sein de leur groupe social".
Comment faire pour lutter contre ces pratiques ?
Quelle est donc la solution face à cette violence générée par les réseaux sociaux ? Faut-il en conclure que tous les adolescents sont capable de faire du mal à leurs semblables ? "Certains sont conscients du mal qu’ils font, ce n'est pas le cas de la plupart d'entre eux" juge notre experte. "Il ne faut pas négliger certains types de profils psychologiques même si pour beaucoup, ce sont des suiveurs".
Quelle serait la solution, alors, pour faire comprendre aux adolescents les conséquences graves de tels comportements ? "Peut-être qu’une éducation plus poussée aux médias et à l'information, et des discussions ouvertes sur l'éthique en ligne, pourraient leur donner davantage de repères pour naviguer plus sainement" avance Amélie Boukhobza.
"Sans oublier le fait que le positionnement des professeurs et des établissements scolaires devrait changer. Ils devraient recevoir la même éducation aux réseaux sociaux car beaucoup ne connaissent pas les enjeux de ces plateformes" conclut-elle.