L’ocytocine pendant l’accouchement
L’ocytocine est une hormone naturelle qui a un rôle très important dans la survenue des contractions lors du travail et de l’accouchement. Lors de la délivrance, elle favorise l’expulsion complète du placenta et la reprise de la forme normale de l’utérus. Dans certains cas, l'ocytocine de synthèse ou oxytocine (Syntocinon®) peut être administrée par voie intraveineuse, notamment en cas d’accouchement programmé ou de stagnation du travail. Mais son administration n’est pas sans risque et doit se faire avec parcimonie et sous surveillance très stricte de la mère et de l’enfant.
Ocytocine : son rôle physiologique, du travail à la délivrance
L’ocytocine est une hormone fabriquée au niveau de certaines structures de l’hypothalamus. Elle est ensuite transportée et stockée sous forme de grains de sécrétion au niveau de l’hypophyse. Sa production est très faible en dehors de la grossesse et commence à augmenter pendant celle-ci. Une fois la grossesse arrivée à terme, les quantités d’ocytocine augmentent considérablement et, sous l’influence des réflexes utérins et vaginaux, l’hypophyse la secrète en plus grande quantité et la libère dans le flux sanguin. Arrivée dans l’utérus, l’ocytocine agit sur des récepteurs qui lui sont propres (OT) et dont le nombre est multiplié par 200 en fin de grossesse. Ce processus physiologique aboutit à l’initiation du travail par des contractions utérines qui se font de plus en plus intenses à mesure que le travail progresse, ouvrant le col utérin et aidant le bébé à descendre. Au moment de la naissance, les niveaux d’ocytocine sont très élevés puis diminuent progressivement. L’ocytocine est également importante pour la délivrance : son action après l’accouchement facilite l’expulsion de la totalité du placenta et la reprise de la forme normale de l’utérus, ce qui réduit les risques d’hémorragie du post-partum.
Administration d’ocytocine de synthèse (oxytocine) pendant le travail
Contrairement à ce que de nombreuses personnes pensent, l’administration intraveineuse d’ocytocine de synthèse ou oxytocine (Syntocinon®) n’est pas systématique pendant le travail. Si l’accouchement se présente bien et qu’il n’y a ni stagnation du travail ni rupture prématurée des membranes sans progression du travail, il est conseillé de ne pas administrer de l’ocytocine à la patiente.
Globalement, les indications de l’administration d’oxytocine sont :
- Le déclenchement d’un accouchement programmé pour des raisons médicales ou de confort.
- L’accélération du travail lorsque celui-ci stagne, que ce soit au début, au milieu ou à la fin.
- En cas de rupture des membranes et de stagnation du travail, pour éviter une infection.
- En cas d’atonie utérine consécutive à une hémorragie de la délivrance.
Oxytocine administrée lors du travail spontané : les recommandations françaises 2016
L’oxytocine de synthèse est administrée depuis de nombreuses années lors du travail spontané et son utilisation est plus fréquente en France que dans d’autres pays. Pourtant, son utilisation comporte des risques pouvant être graves. Le Collège National des Sages-Femmes (CNSF) de France a souhaité faire le point sur la balance bénéfices-risques sur le sujet et publie ses recommandations afin d’améliorer la qualité et la sécurité des pratiques et de fournir aux patientes une information éclairée pour un accouchement serein, respecté et physiologique. Une première pour le CNSF. Fruit d’un long travail pluridisciplinaire, ces nouvelles recommandations rendues publiques le 6 décembre 2016 ont été élaborées en partenariat avec le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CGNOF), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le Collectif interassociatif autour de la naissance (CIANE), un pédiatre et un anesthésiste.
A noter que ces recommandations concernent les accouchements de femmes à terme, portant un seul bébé, avec une présentation tête en bas et dans le cadre d’un travail spontané.
L’objectif de l’administration d’oxytocine est de raccourcir la durée du travail dans l’optique de diminuer la morbidité maternelle et fœtale associée à un travail prolongé. En 2016, sa principale indication est la dystocie dynamique, c’est-à-dire, la difficulté survenant lors d’un accouchement, due à des anomalies de contraction de l’utérus.
Les principales conclusions et recommandations
Une redéfinition des différents stades de travail est d’abord proposée, différente de celle en vigueur depuis une cinquantaine d’années car le groupe de travail considère que cette ancienne définition conduit à un interventionnisme excessif de la part de soignants. Le premier stade du travail (du début de la dilatation du col jusqu’à dilatation complète) est divisée en 2 phases, la phase de latence et la phase active. Le début de la phase active est repoussé désormais à 5-6 cm, au lieu de 3-4 autrefois. Par ailleurs, la vitesse de dilatation est considérée comme anormale si elle est de moins d’un cm/4 heures en début de phase active et 1 cm/2 heures au-delà de 7 cm de dilatation. Cette notion est importante car chaque phase marque l’intervention par administration d’oxytocine lorsque le travail stagne ou que la vitesse d’ouverture du col est ralentie. Ainsi, si auparavant, les soignants commençaient à administrer de l’oxytocine à partir d’une dilatation de 3-4 cm, désormais, il est recommandé d’attendre jusqu’à une dilatation de 5-6 cm. Cette phase initiale de l’accouchement avant une dilatation de 5-6 cm est donc appelée phase de latence et, selon les experts, elle est cruciale. Il faut respecter cette phase et savoir attendre jusqu’à une dilatation de 5-6 cm (entrée en phase active) avant d’administrer l’oxytocine. Selon le Dr Camille Le Ray (CGNOF), « dans un travail normal, non pathologique, il peut y avoir des phases de stagnation de la dilatation du col. Le recours à l’oxytocine pendant cette phase de latence doit être très prudent ».
Enfin, le 2ème stade du travail est lui aussi divisé en 2 phases (phase de descente et phase d’expulsion (du bébé et du placenta). Là encore, une médicalisation raisonnée est préconisée : « si au bout d’une heure le bébé n’est pas descendu, on peut encore attendre avant d’administrer de l’oxytocine. En revanche, au bout de 2 heures il faut en administrer car on a montré qu’après la 3ème heure à dilatation complète, on observe une augmentation des risques maternels, notamment hémorragiques » observe le Dr Le Ray.
Moins d’interventionnisme médical et dialogue avec la patiente
Ainsi, selon ces nouvelles modalités, l’administration d’oxytocine lors d’un accouchement spontané est retardé par rapport aux recommandations précédentes. Le Dr Le Ray précise néanmoins que « l’objectif de ces nouvelles recommandations n’est pas de démédicaliser l’accouchement mais de mieux le médicaliser, en intervenant moins souvent et moins vite qu’auparavant ». Cependant, dès lors qu’une administration d’oxytocine est décidéé, un enregistrement cardio-tocographique permanent (monitoring des contractions utérines et monitoring fœtal).
Point important, toujours informer et discuter avec la patiente et éventuellement son conjoint avant tout acte médical, en lui expliquant de façon éclairée la situation et les différentes options possibles.
Les risques liés à l’administration d’oxytocine
Par ailleurs, les experts précisent qu’il existe de risques et effets indésirables pour l’enfant lors de l’administration d’oxytocine au cours du travail spontané, notamment des anomalies du rythme cardiaque liés à l’hyperactivité utérine, avec une incidence sur la morbimortalité néonatale.
Risque d’hémorragie après l’accouchement ?
L’une des indications d’administration d’ocytocine est l’atonie consécutive à une hémorragie de la délivrance. Paradoxalement, l’étude de l’Inserm mentionnée plus haut retrouve une légère augmentation des hémorragies graves après l’accouchement (risque multiplié par 1,8). La raison avancée par le Dr Catherine Deneux-Tharaux (Unité Inserm 953) est que des études expérimentales montrent que l’administration de doses importantes d’ocytocine pendant le travail diminue la sensibilité des récepteurs utérins à l’hormone, ce qui explique que malgré la présence d’oxytocine, l’utérus reste atone. Pour l’experte, cela devrait inciter à une réévaluation des pratiques pour mieux encadrer l’administration de cette hormone pendant le travail.
Parmi ses conclusions, ces recommandations soulignent que l’administration d’oxytocine durant le travail spontané ne doit pas être considérée comme une prescription anodine et préconisent que chaque maternité doit pouvoir évaluer son taux d’administration d’oxytocine durant le travail spontané comme un indicateur de suivi de la qualité des soins.