Suivi de grossesse : l'implication des médecins généralistes passée au crible
La participation des médecins généralistes dans le suivi de la grossesse est en progression depuis plusieurs années. Ils sont aujourd'hui près de 9 sur 10 à considérer que ce suivi fait partie de leurs missions. Mais en fonction de leur formation, de leur pratique, de leur âge et de celui de la patiente, leur implication est différente.
Une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, s'est intéressé aux attitudes et pratiques des médecins généralistes dans le cadre du suivi de la grossesse. Nous vous en présentons les principaux résultats.
Suivi de grossesse : des médecins généralistes plus souvent impliqués
Le suivi de la grossesse comprend l’ensemble des consultations prénatales réglementaires entre le 1er et le 7e mois de grossesse. C’est un domaine d’activité singulier pour les médecins généralistes, qui est le plus souvent délégué aux spécialistes gynécologues obstétriciens et médicaux ou sages-femmes. Ainsi, la contribution des généralistes reste minoritaire mais elle s’accroît assez nettement et apparaît légitime pour ces professionnels de santé. Interrogés en 2014-2015 dans le cadre du panel de médecins généralistes libéraux, 84 % des praticiens considèrent que ces suivis font bien partie de leurs missions.
Cependant, la part de ceux qui effectuent réellement ces prises en charge est plus faible : 57 % ont reçu au moins une fois par trimestre une patiente lors d’un suivi de la grossesse dans l’année. Les médecins qui voient peu ou pas de patientes dans ce cadre, précisent que dans une large majorité des cas, les femmes enceintes viennent rarement les consulter pour commencer leur suivi avec eux (84 %) et qu’ils orientent celles qui souhaiteraient les consulter vers d’autres professionnels (77 %).
Les médecins jeunes et mieux formés plus enclins à s’impliqués
L’étude de la Drees montre que l’implication des médecins généralistes diffère selon leur niveau de formation en gynécologie-obstétrique. Un médecin qui s’est formé en gynécologie-obstétrique après son cursus universitaire a plus de chances de réaliser au moins une fois par trimestre des consultations de suivi de la grossesse.
La formation et l’âge des médecins
Elle reflète ainsi les changements dans le cadre de leur formation initiale des médecins. La réforme des études médicales de 2004 a notamment rendu obligatoire la réalisation d’un stage en gynécologie-obstétrique ou pédiatrie. Ainsi, les jeunes praticiens (moins de 40 ans), et plus particulièrement les hommes, sont plus enclins que leurs aînés (plus de 60 ans) à suivre les patientes enceintes. L’âge des médecins par rapport à ces patientes est un paramètre qui pourrait jouer.
Le manque de professionnels spécialisés
Enfin, les disparités régionales du recours aux médecins généralistes traduisent également le manque de professionnels spécialisés dans le suivi de la grossesse dans certaines zones géographiques. Mais le manque d’accessibilité de ces professionnels ne jouent que de manière marginale sur l’implication des médecins généralistes (traduite par la probabilité de recevoir régulièrement des patients – au moins une fois par trimestre).
La pratique médicale en groupe
Pour les généralistes exerçant en groupe, un d’entre eux peut plus naturellement se spécialiser dans le suivi de grossesse, dans la pratique mais également dans le niveau de formation initiale ou continue.
L’âge de la patiente
L’âge de la patiente influe également sur la décision du médecin généraliste : interrogée sur le cas fictif d’une patiente de 25 ans, 63 % des généralistes indiquent commencer le suivi (37 % préférant l’envoyer chez un autre professionnel), contre seulement 42 % pour une femme de 40 ans.
Des pratiques diverses selon les médecins généralistes
Les généralistes effectuant des suivis de grossesses déclarent des pratiques très diverses, tant en termes de mise en application de recommandations, que d’utilisation d’outils d’aide au suivi et d’échanges avec les professionnels spécialisés.
Ainsi, le test de dépistage du VIH qui doit être systématiquement proposé à la femme et son conjoint lors de la première visite de suivi est plus systématiquement prescrit aux femmes de 25 ans (97 %) qu’aux femmes de 40 ans (95 %) ; l’information sur la possibilité de recourir au dépistage de la trisomie 21 pendant le premier trimestre est fourni quasi-systématiquement aux femmes de 40 ans (98 % des cas), moins fréquemment chez les femmes de 25 ans (de 80 à 92 %)…
L’entretien prénatal précoce s’avère peu compatible avec la pratique des généralistes. Prévu dans le cadre des mesures de préparation à la naissance, cet entretien implique un temps d’échange unique et suffisamment long pour aborder la question des comportements à risque et la prise en charge éventuelle de conduite addictives… un format que les généralistes ont du mal à intégrer à leur pratique. Ainsi, parmi ceux qui connaissent l’existence de cet entretien, la moitié orienterait la patiente vers un autre professionnel, 12 % ne le proposeraient pas et 37 % déclarent qu’ils effectueraient l’entretien mais précisent dans un cas sur deux qu’il ne prendrait pas la forme recommandée d’une durée unique de 45 minutes.
Les généralistes passent le relais tardivement
Lorsqu’ils sont en charge du suivi de la grossesse, les médecins généralistes estiment pouvoir le gérer jusqu’entre le 6e et le 8e mois pour 79 % d’entre eux avant de le confier à un autre professionnel.
Les échanges avec les autres professionnels spécialisés dans le suivi de la grossesse sont courants, tout particulièrement avec les gynécologues-obstétriciens vers lesquels ils orientent leur patiente lorsqu’ils cessent ou ne font pas le suivi de grossesse.
Les généralistes déplorent le manque d’échanges avec les hôpitaux, tant dans le cas d’une hospitalisation lors de la grossesse. Seuls 52 % des médecins dont la patiente a été hospitalisée durant sa grossesse indiquent avoir reçu un compte-rendu d’hospitalisation. Enfin, le programme d’accompagnement du retour à domicile après un accouchement (PRADO maternité) est peu connu des médecins généralistes (44 %) et pour ceux qui le connaissent, la majorité estime ne jamais être informée des suites des prises en charge PRADO… sauf à travers sa patiente.