Traitements de l’asthme : le pictogramme femme enceinte est injustifié, voire dangereux
La Société de pneumologie de langue française (SPLF) alerte sur les dangers potentiels qu’induit l’apposition d’un pictogramme femmes enceintes sur de nombreux traitements antiasthmatiques. Il inciterait les femmes enceintes asthmatiques à arrêter leurs traitements, alors que ceux-ci ne représentent aucun danger pour elles et leur bébé.
Depuis octobre 2017 et la publication d’un décret, les laboratoires pharmaceutiques sont incités à apposer un pictogramme pour les femmes enceintes sur les boites de médicaments potentiellement dangereux pour la future maman et le fœtus. Les traitements de l’asthme comme les corticoïdes inhalés et les bronchodilatateurs de type beta 2 mimétiques portent ce pictogramme "XXX + GROSSESSE = DANGER. Ne pas utiliser chez la femme enceinte". Une mesure jugée injustifiée et dangereuse par la communauté des pneumologues français.
Des effets nocifs jamais prouvés sur l’homme
LA SPLF rappelle que l’apposition de ce pictogramme sur certains traitements de l’asthme a été mise en place au motif que des études, menées sur des animaux et avec des fortes doses injectées par voie systémique (par la peau et les muqueuses), ont estimé qu’ils étaient dangereux pendant la grossesse. Or, les pneumologues ajoutent que ces travaux ne peuvent pas être appliqués à l’homme car "les traitements sont utilisés à des doses bien inférieures et par voie inhalée". Ils insistent également sur le fait qu’aucune étude épidémiologique humaine n’a retrouvé les effets nocifs observés sur les animaux.
Les risques d’un asthme non traité pendant la grossesse
La communauté de pneumologues demande le retrait de ce pictogramme sur les traitements de l’asthme pouvant inciter les femmes enceintes à arrêter leur traitement sans l’avis d’un médecin. Or l’asthme, s’il n’est pas traité, est un facteur de risque de complications de la grossesse (diabète gestationnel, césarienne, hémorrgagie per-partum…) et pour le fœtus (prématurité, retard de croissance…). "Le risque est d’autant plus élevé que l’asthme n’est pas contrôlé", avertit la SPLF.
Voici leurs recommandations à destination des femmes enceintes asthmatiques :
- Ne pas interrompre leur traitement de l’asthme en cas de grossesse même si elles constatent la présence d’un pictogramme « femmes enceintes = danger » ;
- Vérifier sur le site du CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) l’innocuité de leur traitement (http://lecrat.fr)
- Consulter leurs médecins pour plus d’information.
Le pictogramme injustifié dans de nombreux cas
Interrogée sur ces pictogrammes par le Figaro.fr, le Dr Elisabeth Elefant reconnaît que sur les 60% de spécialités sur lesquelles figurent ces pictogrammes femmes enceintes, "seulement 10% ont un effet tératogène (entraînant des malformations, NDLR) ou foetotoxique (entraînant par exemple des lésions neurologiques, rénales, etc.) avéré", soit environ une soixantaine de médicaments. La Dépakine, responsable de malformations congénitales graves chez des milliers d’enfants exposés pendant la grossesse, en fait partie.
Selon ce médecin, les autres ont montré leurs effets nocifs chez l’animal et pas forcément chez l’homme. "Or apposer ces pictogrammes sur tous ces médicaments, cela peut brouiller le message sur ceux qui sont vraiment dangereux pour les femmes enceintes et leurs futurs enfants", ajoute-t-elle.