Maladie de Sanfilippo : l'espoir de la thérapie génique grâce au combat d'une mère
Touchant une naissance sur 135 000, la maladie de Sanfilippo résulte d'une mutation génétique qui entraîne de graves handicaps et réduit l'espérance de vie des enfants atteints. Face au diagnostic de sa fille et à l'absence de solutions, Karen Aiach monte la société Lysogene pour trouver un traitement. Aujourd'hui, une étude internationale pourrait prochainement déboucher sur la commercialisation de la première thérapie génique contre cette maladie.
Parmi les maladies rares1, une cinquantaine de maladies sont dites de surcharge lysosomale (MSL). Liées à un défaut sur un seul gène, elles se caractérisent par un défaut de fonctionnement du lysosome, qui est le "centre de recyclage de la cellule". Il est responsable de la dégradation de ce dont elle n'a plus besoin. Pour bien fonctionner, il va découper ces "déchets" grâce à différentes enzymes. Mais si l’une de ces enzymes-clés est absente ou inopérante à cause d’une mutation génétique2, les déchets s'accumulent. Débordées, les cellules vont s’altérer, entraînant un dysfonctionnement des organes concernés.
Une maladie rare contre laquelle aucun traitement n’existe
Parmi ces maladies lysosomales, la maladie de Sanfilippo de type A est liée au dysfonctionnement de l’enzyme héparane sulfamidase, codée par un gène sur le chromosome 17. Résultat : l'accumulation d'oligosaccharides d'héparane sulfate dans toutes les cellules va se révéler désastreuse pour le cerveau et conduire progressivement à une altération des fonctions cognitives, un polyhandicap et un décès prématuré (l'espérance de vie est comprise entre 10 et 20 ans).
A la naissance, un enfant atteint de la maladie de Sanfilippo ne présente aucun trouble. Ce n’est qu’entre 2 et 6 ans que les premiers signes apparaissent : changement de comportement, hyperactivité, agressivité, retard de développement sur le langage, troubles de la parole, sommeil perturbé et très court3… Il n'existe actuellement aucun traitement pour le syndrome de Sanfilippo, la plupart se concentrent sur les symptômes (contre la douleur, les troubles du comportement et du sommeil, l'épilepsie, les atteintes articulaires, la surdité…)4.
La force d’une mère contre la fatalité
A l'annonce du diagnostic de sa fille Ornella, Karen Aiach se retrouve face à cette situation : aucun programme thérapeutique n'existait dans le monde contre cette maladie. Prête à soulever des montagnes pour sa fille, elle refuse la fatalité et crée avec son mari Gad la société de biotechnologie Lysogene, pour mettre au point un traitement. Mais le défi est immense. Au-delà du peu d’intérêt de la recherche privée pour une maladie qui touche 4 000 enfants dans le monde, la difficulté est de réussir à délivrer l'enzyme manquante là où elle manque le plus : dans le cerveau. Pour cela, il faut réussir à passer la barrière hémato-encéphalique, qui protège le cerveau des agents pathogènes mais empêche dans le même temps d’utiliser des médicaments utilisant une "voie classique". La délivrance d'enzymes a donné peu de résultats, tout comme la greffe de moelle5. Face à cette maladie, le principal espoir réside dans la thérapie génique, capable de contourner la BHE et d'offrir un traitement unique ciblé.
Rassemblant des experts mondiaux, Lysogene, avec le soutien financier de l'AFM Téléthon, va faire en 5 ans ce que la recherche met souvent plus de 20 ans à réaliser. C’est l’histoire racontée ce soir dans le téléfilm "Ma fille tu vivras" sur TF1.
Des tests sur des patients dès 2011
Le traitement mis au point par Lysogene vise à transférer, dans le cadre d'une administration unique, une version fonctionnelle du gène déficient (le gène SGSH) directement dans le cerveau du jeune patient via un vecteur viral adéno-associé (AAV). Le vecteur est directement introduit dans le cerveau du patient par stéréotaxie, une opération de neurochirurgie. Concrètement, on va déposer dans le cerveau du patient des copies fonctionnelles d’ADN par milliard pour coder et exprimer l’enzyme manquante.
C’est le premier traitement contre cette maladie actuellement incurable. L'objectif recherché est de ralentir, d’arrêter la progression, voire de rendre réversibles les symptômes de la maladie de Sanfilippo. Après une validation des études chez l'animal (modèle murin de la maladie) pour ce type de vecteur6 et avec l'association des gènes à transférer7, des tests ont été réalisé chez trois patients en 2011 et 2012, dont la petite Ornella8.
Maladie de Sanfilippo : dernière étape avant la commercialisation d'un traitement ?
Depuis ces premiers résultats, Lysogene a tenté d’améliorer son médicament, pour délivrer de manière plus sûre et plus efficace la bonne dose au niveau du cerveau des jeunes patients. Courant 2018, la société espère pouvoir administrer ce médicament LYS-SAF302 à une vingtaine de patients en Europe et aux Etats-Unis. La société a obtenu le feu vert des autorités américaines (FDA) et européennes (EMA) pour initier une étude clinique de phase 2-3. Ce serait ainsi la première société dans le domaine de la thérapie génique à passer en phase 3 dans une maladie génique9. En cas de résultats positifs, elle pourrait préparer la commercialisation de ses produits. Côtée en bourse, la société Lysogene arrive cependant actuellement au bout de sa trésorerie disponible et est à la recherche d'opportunités de financement pour lancer cette étude, comme Karen Aiach le rappelait sur l’antenne de BFM Business en juillet dernier10.
La société travaille également à la recherche contre d’autres maladies rares du système nerveux central, dont la gangliosidose à GM111, une maladie orpheline rare touchant le cerveau et la moelle épinière mais aussi le syndrome de l’X Fragile12 qui touche approximativement 1 naissance sur 4 à 5 000 garçons et 1 naissance sur 8 000 filles, soit environ 110 000 patients en Europe.