Loi Bachelot : des concessions sur l'hôpital en vue ?
Depuis le 12 mai, la loi Bachelot est examinée au Sénat. Les articles concernant l'hôpital et sa réorganisation ont suscité de nombreuses polémiques, au point que ce texte pourrait être largement remanié… Le point sur les modifications attendues.
Le 11 mai, le Président Sarkozy affirmait "tenir beaucoup à la réforme de l'hôpital" 1. Mais les nombreuses polémiques suscitées par le texte initial devraient faire reculer le gouvernement sur plusieurs points controversés, en particulier le mode de gouvernance de l'hôpital.
Gouvernance des hôpitaux : un compromis en vue… pour les CHU
La loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST), ou loi Bachelot, prévoyait initialement de concentrer tous les pouvoirs décisionnaires dans les mains du directeur des centres hospitaliers et des Centres Hospitalo-Universitaires (CHU). Pour rappel : ces directeurs sont nommés par les présidents des Agences Régionales de Santé (ARS), eux-mêmes nommés par le Conseil des ministres.
Suite à la grogne des médecins de CHU redoutant la priorisation d'une logique financière sur la santé, la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot et surtout le Président de la République semblent faire partiellement machine arrière.
Reprenant les propositions du rapport du Professeur Jacques Marescaux de la Commission sur l'Avenir des CHU 2, Nicolas Sarkozy a affirmé le 11 mai que "le directeur ne sera pas un despote absolu 1". Afin de rassurer les médecins frondeurs, il a ainsi annoncé que le directeur d'un CHU sera entouré de trois vice-présidents (un médecin, un enseignant et un chercheur), afin de mieux répondre à ses trois missions essentielles: le soin, la formation et la recherche. Mais cela ne règle pas la question de la gouvernance des autres centres hospitaliers, même si la Commission des affaires sociales du Sénat (commission chargée de revoir le texte avant sa discussion au Sénat) a proposé le renforcement des pouvoirs de la commission médicale pour tous les l'établissements 3. Des discussions houleuses au Sénat sur ce sujet sont donc à prévoir.
Concurrence public/privé : vers la fin de la convergence tarifaire ?
Autre motif de malaise de l'hôpital public : la convergence prévue par la loi entre les tarifs du public et du privé en 2012. Fin avril, la Ministre de la santé annonçait finalement que cet objectif pourrait finalement être repoussé à 2018… Pour enfoncer le clou, le Président de la République a ainsi déclaré le 11 mai que : "Personne n'a dit que l'hôpital devait devenir une entreprise" 1.
Deux messages qui semblent essentiellement destinés à apaiser les craintes d'un glissement de l'hôpital public vers une logique purement comptable des soins. Une logique toujours dénoncée par de nombreux soignants qui la juge incompatible avec la mission de l'hôpital public : l'accueil et des soins de qualité pour tous. Une mission à laquelle n'est pas tenu le secteur privé, ce qui explique en grande partie la bonne santé financière du privé alors que 24 CHU sur 27 sont actuellement déficitaires.
Non-remplacement des personnels soignants : mythe ou réalité ?
Les professeurs signataires de l'appel des 25 comme la coordination nationale des infirmières et 11 organisations de personnels, médicaux ou non, des hôpitaux publics 4 soulignent les actuelles suppressions de postes de soignants. Pourtant, la Ministre de la Santé a démenti ces suppressions le 11 mai sur France Inter 5, affirmant que "l'hôpital n'est pas touché par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux". Elle a même ajouté que globalement le nombre de fonctionnaires augmente à l'hôpital.
Est-ce une habileté sémantique de la Ministre (amalgame entre les personnels soignants et non-soignants) pour relativiser la diminution du nombre de professionnels médicaux et paramédicaux ? Les professionnels de santé sont-ils au contraire dans l'erreur ?... En tout cas une chose est sûre, de nombreux services sont actuellement sous-dotés en soignants, en particulier les services d'Urgences… La réorganisation attendue par le travail des Agences Régionales de Santé (ARS) parviendra-t-elle à pallier ces carences ? La crainte des syndicats concernant la fermeture de nombreux services, hôpitaux et maternités de proximité sous couvert de cette réorganisation est-elle fondée ?... La réorganisation ne saurait ignorer le problème des déserts médicaux, dénoncés par ailleurs par la loi HPST.
En conclusion, il semble donc que suite au rapport Marescaux et sous l'impulsion du Président de la République, certaines revendications du monde hospitalo-universitaires soient enfin prises en compte. Le député socialiste de Paris Jean-Marie Le Guen ne cachait d'ailleurs pas sa satisfaction 6 : "En prenant en compte les dimensions de recherche, d'enseignements et de soins, il jette les bases d'une gouvernance pluridisciplinaire de l'Hôpital et s'inscrit dans la tradition républicaine de l'Hôpital universitaire français".
Néanmoins, le problème de la gouvernance des centres hospitaliers non universitaires reste intact et le remplacement des personnels soignants semble toujours susciter l'inquiétude, comme en témoigne le maintien de l'appel à la grève et à manifester le 14 mai de onze organisations syndicales et médicales4… Entre polémiques, reculades et fronde des soignants, la procédure d'urgence demandée par le gouvernement pour cette loi ne permet décidément pas de traiter sereinement cet enjeu de santé publique.