Doit-on craindre la disparition des antibiotiques ?
Les antibiotiques sauvent des milliers de vies depuis plus d'un demi siècle. Mais aujourd'hui, les bactéries font de la résistance et mettent parfois en échec ces traitements. Comment trouver de nouveaux antibiotiques ? Quelles solutions face à ce phénomène qui pourrait devenir dramatique ? Quelques éléments de réponses.
La première utilisation des antibiotiques a eu lieu en 1941. Pendant 50 ans, ces médicaments ont vécu un âge d'or. Mais le début des années 90 a été marqué par l'apparition des premières résistances des bactéries... Est-ce pour autant la fin des antibiotiques ? Plusieurs experts, parmi lesquels le Dr Trémolières, Dr Cohen, Dr Schlemmer 1, Antoine Andremont et Michel Tibon-Cornillot 2 tirent la sonnette d'alarme.
Résistances antibiotiques : un état des lieux alarmant
On mesure rarement à quel point les antibiotiques ont révolutionné la médecine, changeant totalement le pronostic des maladies infectieuses. Quand autrefois, on mourrait quasi-systématiquement d'une méningite bactérienne, de pneumonies ou de septicémies (infection généralisée), en 2007 il est normal de guérir complètement ces maladies graves. Mourir d'infection bactérienne relèverait d'ailleurs dans l'esprit collectif de la faute médicale.
Mais on a vite appris que les bactéries savaient se défendre contre les antibiotiques en créant des résistances. Charge à la recherche médicale de toujours innover pour contrer ces nouvelles défenses. Bref, la médecine pensait toujours avoir une longueur d'avance.
Victimes de leur succès, les antibiotiques ont été prescrits très largement et parfois à mauvais escient : pour des infections d'origine non-bactérienne, dans le cadre de traitements trop courts ou pour des infections bénignes…
On le sait maintenant, il eut été préférable de les réserver aux cas graves.
La recherche d'antibiotiques est au point mort
En 1990, il y avait environ 120 molécules antibiotiques dans notre arsenal thérapeutique. Entre 1980 et 1994, seules 30 nouvelles molécules ont été brevetées et entre 1994 et 2007, il n'y en avait plus que 7. L'innovation stagnent sans compter que d'anciens antibiotiques dont la rentabilité n'est plus au rendez-vous menacent de ne plus être produits. Pourquoi la recherche n'est-elle plus capable de fournir de nouveaux antibiotiques ? Dans le cadre d'un atelier d'informations organisé par le Leem (les entreprises du médicaments), deux raisons majeures ont été avancées :
- L'analyse des gènes des bactéries a permis de mettre en évidence tous les points faibles que les antibiotiques pourraient cibler pour les tuer. Mais ces cibles doivent impérativement être différentes des gènes humains afin de ne pas attaquer les cellules humaines mais uniquement les bactéries nocives. Mais aujourd'hui, les experts estiment que tous les points faibles des bactéries et donc la quasi-totalité de ces possibilités ont déjà été exploités pour fabriquer des antibiotiques ;
- Les règles d'autorisation de mise sur le marché de ces nouveaux antibiotiques par les autorités de santé sont très strictes. Elles nécessitent des tests sur un très grand nombre de malades dans le cadre d'études cliniques pour prouver leur innocuité et leur efficacité. Mais s'il est simple de prouver l'efficacité d'un antibiotique sur une banale infection, il est plus difficile de le faire sur des bactéries multi-résistantes car la recherche de patients volontaires relève souvent du parcours du combattant. Une rénovation de ces règles pourrait faciliter les choses…
Plan d'urgence pour sauver les antibiotiques
D'après les experts réunis le 8 juin 2007 lors d'un atelier d'information santé 3 organisé par le Leem (les entreprises du médicaments), certaines mesures permettraient d'améliorer la situation :
- La principale repose sur l'amélioration de l'efficacité diagnostique. Le test qui permet aujourd'hui de détecter une angine à streptocoques en quelques minutes au cabinet du médecin est le premier pas vers cette efficacité. Il faut développer de nombreux tests analogues capables de confirmer l'origine bactérienne de la maladie et éventuellement d'éviter des prescriptions inutiles ;
- Un second axe de travail est le développement de la vaccination. On sait que 5 à 10 % des prescriptions d'antibiotiques sont dues à la grippe. Face à cette maladie virale, les antibiotiques sont inutiles et des test de diagnostic rapides permettent de l'identifier. Enfin, il existe un vaccin efficace contre la grippe ;
- Un autre problème à envisager est l'antibiothérapie vétérinaire. En effet, le volume d'antibiotiques vétérinaires produits dans le monde est bien supérieur au volume utilisé en médecine humaine et sans un travail sur les usages souvent abusifs de ces antibiotiques dans le monde vétérinaire, toutes les autres mesures s'avèreront malheureusement insuffisantes.
1 - "Requiem pour les antibiotiques. Faut-il craindre une disparition des antibiotiques ?" François Trémolières, Robert Cohen, Benoît Schlemmer. Médecine thérapeutique. Volume 12, Numéro 3, 154-9, Mai-Juin 2006 2 - "Le Triomphe des bactéries. La fin des antibiotiques ?" Antoine Andremont, Michel Tibon-Cornillot. Editions Max Milo l'inconnu - janvier 2007 3 - Atelier information santé du LEEM, le 8 juin 2007. Intervenants : Pr Antoine Andremont, Monsieur Didier Cochet, Dr Robert Cohen, Mme Nathalie Dartois, Dr Chrystel Jouan-Flahault, Dr François Trémolières