Médicaments : toujours trop peu de choix pour les enfants !
Cinq ans après la mise en application du règlement communautaire européen censé obliger les industriels à développer des médicaments adaptés aux enfants, un constat s'impose : les produits pédiatriques manquent toujours à l'appel, aux risques et périls des jeunes patients…
Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité tirait déjà la sonnette d'alarme en 2000, suivi de l'Académie de pharmacie 4 ans plus tard. Il aura pourtant fallu attendre janvier 2007 pour que la Commission européenne s'empare de la question et impose une réglementation spécifique sur les médicaments pédiatriques. Cinq ans après, force est de constater que cela n'a pas suffi à faire évoluer les choses.
Les médicaments pédiatriques, des produits pas comme les autres
Un petit de 2 ans n'a pas le même métabolisme qu'un enfant de 5 ans. Et encore moins qu'un adulte. Il est donc nécessaire d'adapter la formulation, la forme et le conditionnement d'un médicament en fonction de l'âge des enfants. Ceci est particulièrement vrai pour les prématurés, les jeunes enfants de moins de 6 ans, les préadolescents et les adolescents.
Pourtant, de nombreux médicaments donnés aux enfants sont encore les mêmes que ceux prescrits aux adultes, seules les doses sont diminuées. Or couper un 1/4 d'un comprimé et le faire avaler à un enfant n'est en rien une solution adéquate. Les petits ont besoin d'une forme pharmaceutique spécifique non seulement pour qu'elle soit mieux tolérée, mais également plus sûre. Les risques possibles suite à la prescription d'un médicament non adapté sont des effets indésirables inattendus liés au surdosage ou, à l'inverse, l'inefficacité du médicament en raison d'un sous-dosage.
Démontrer l'efficacité et la sûreté pour les enfants
Comment donner un comprimé à un enfant en toute sécurité alors que le médicament n'a pas été testé sur les moins de 18 ans, ni fait l'objet d'autorisation explicite ? La réponse est toute simple : c'est impossible.
Pour garantir la qualité, l'efficacité et la sûreté d'un médicament destiné à un enfant, les firmes pharmaceutiques doivent depuis 2007 présenter des résultats d'études pédiatriques au moment du dépôt de la demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces dernières sont '"récompensées" par une prolongation de 6 mois du brevet protégeant la molécule.
Mais malgré cela, les médicaments pédiatriques sont encore trop rares et les substances actives qui ne sont plus sous brevet mais largement administrées chez l'adulte ne sont toujours pas assez étudiées en vue d'un usage pédiatrique.
Pas assez de médicaments adaptés aux maladies graves
Les anticancéreux, les psychotropes et les médicaments indiqués dans les maladies cardiaques des enfants sont très peu nombreux. La raison ? Bassement pécuniaire. Ces médicaments représentent un marché trop faible pour l'industrie pharmaceutique. Les laboratoires n'ont pas envie d'investir des millions d'euros pour développer des médicaments qui seront, au final, consommés par un nombre extrêmement limité de patients. C'est le cas du neuroblastome notamment, un cancer du système nerveux qui touche chaque année environ 400 enfants de moins d'un an en France.
Trop de prescriptions "hors AMM"
Faute d'avoir à leur disposition des médicaments adaptés aux enfants, les médecins n'hésitent plus à recourir aux médicaments pour adultes bien qu'ils ne disposent pas d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez les petits. "À l'hôpital Robert Debré à Paris, 28 % des prescriptions pédiatriques ont été faites hors AMM en 2010. Car depuis l'entrée en vigueur du règlement pédiatrique, sur les 1 600 dossiers présentés, une cinquantaine seulement de médicaments ont été enregistrés", déplore l'Académie de Pharmacie.
Assouplir le règlement pédiatrique européen
Étant donnée la difficulté de mettre en oeuvre des études cliniques spécifiquement pédiatriques, l'Académie de pharmacie se veut pragmatique : "Il faudrait adapter et accélérer l'usage du règlement européen pour aider à l'enregistrement d'un plus grand nombre de médicaments. De même, il serait juste de favoriser les extensions d'indications en pédiatrie des médicaments existants".
Si le règlement de 2007 a permis de poser un cadre, il reste encore de nombreux efforts à fournir pour qu'adultes et enfants soient égaux face aux médicaments.