Pas cool les parents copains !
Parents immatures, parents copains… les fameux adulescents sont de plus en plus nombreux à devenir parents et ils ont adopté le vieux slogan de mai 68 : "Il est interdit d'interdire". Pourquoi ces adultes refusent-ils de grandir ? Quelles peuvent être les répercussions sur leurs enfants ? Démission des parents ou réelle ouverture d'esprit ? Doctissimo revient sur le phénomène.
Pendant 3 saisons, toute la Grande-Bretagne a été accro à la sitcom délirante Absolutely Fabulous. On pouvait suivre chaque semaine les tribulations d'Eddie et de son exubérante copine Patsy se livrant frénétiquement dans une ambiance de fête permanente, à des excès en tous genres. Face à elles, Saffron, 16 ans, est travailleuse, ordonnée… et paraît bien terne, en regard de sa mère irresponsable et exubérante ! Il s'agit bien entendu d'une comédie qui s'autorise toutes les outrances et joue sur l'inversion des rôles. Et pourtant… il arrive que la réalité rejoigne la fiction.
Ces éternels adolescents
Parents immatures, parents-copains, adulescents tous ces termes décrivent le même phénomène. Leur principal trait commun, ce n'est pas la pratique de la trottinette la quarantaine passée ou la façon de s'habiller comme un teen-ager, même si la peur du vieillissement et le culte de la jeunesse n'y sont pas étrangers. Il s'agit plutôt de leur refus de faire preuve de quelque autorité ou responsabilité importante. A l'égard de leurs enfants, ils se réfugient derrière le fameux slogan "il est interdit d'interdire", vieux de 30 ans. Il s'agirait, disent-ils, de ne pas brimer leurs bambins, de les laisser se forger leur propre expérience, de leur permettre d'assumer leurs envies.
Ni juge, ni complice
Pourtant les enfants ont besoin de se sentir épaulés, encouragés par leurs parents pour aller de l'avant. Pour se construire, l'adolescent doit avoir des repères clairs et rencontrer des limites. En les remettant en cause, en s'y opposant, il fait la part des choses et peut de cette façon les intégrer. Les approbations systématiques de tous leurs faits et gestes portent davantage la marque d'un désintérêt que d'une adhésion. En chantant dans un apparent contre-emploi "Laisse pas traîner ton fils, si tu ne veux pas qu'il glisse", le sulfureux groupe de rap NTM ne dit pas autre chose... Mais si le discours est facile à tenir, il est beaucoup plus difficile à mettre en pratique.
Le vrai visage des parents copains
Selon Gisèle Harrus Révidi, auteur de "Parents immatures et enfants adultes", les parents copains, loin d'être ouverts d'esprit craignent en réalité, la critique, le regard des autres. La psychanalyste assimile cette immaturité à une maltraitance silencieuse. Serge Héfez se refuse à aller jusque là mais fait part de son expérience : "je reçois des parents qui me disent que leur fils les injurie. Ils paraissent tout étonnés quand je leur dis de ne pas le laisser faire !". Ils craignent en s'opposant à leur enfant d'altérer leur relation affective.
Des enfants sacrifiés ?
Face à des parents adulescents, les enfants peuvent reproduire cette immaturité, à moins qu'en réaction ils ne compensent en occupant la place ainsi abandonnée. Ils oscillent à leur égard entre la compassion et le sentiment d'être oubliés, voire sacrifiés. Devenus adultes, ils regrettent de ne pas avoir eu réellement d'enfance ayant dû très tôt apprendre à se débrouiller par eux-mêmes. Et en dépit d'une réussite sociale satisfaisante, ils sont hantés par le doute et recherchent la reconnaissance de leur entourage.
Alors ce que la famille a gagné en affection, l'aurait-elle perdu en autorité ? Il est certain qu'à trop vouloir jouer les parents-copains, on estompe les différences générationnelles et on perd ses repères… Le chemin est difficile entre le juste exercice de son autorité et l'autoritarisme. En revanche, les adolescents peuvent s'autonomiser plus rapidement et faire des choix qui les engagent réellement sans que cela leur soit imposé.
"Parents immatures et enfants adultes" de Gisèle Harrus Révidi, Payot 2001