Fessées et violences éducatives ordinaires
Depuis juillet 2019, une loi - bien que symbolique - interdit les "violences éducatives ordinaires" en France. Pourtant, pour certains parents, donner une gifle ou une fessée est anodin et fait partie intégrante de l'éducation. Que faut-il en penser ? Les fessées, gifles et autres claques sont-ils vraiment des actes anodins ?
Qu’est-ce qu’une “fessée” ?
“La fessée, c'est l’acte de donner un coup sur les fesses” explique le psychologue Stephan Valentin “et un coup reste toujours un coup, qu’il soit léger ou plus appuyé” précise-t-il.
Gilles Lazimi, médecin généraliste, coordinateur des campagnes contre les violences ordinaires abonde : “Donner une fessée, c’est tenter de faire obéir un enfant par la douleur, la peur et l’humiliation, on parle de fessée, mais il serait plus juste de parler de violences éducatives ordinaires.”
Pour ou contre la fessée ?
Officiellement, la question ne devrait plus se poser depuis le vote fin 2018 d'un texte de loi visant à bannir "tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles" sur les enfants. Le texte, ne prévoit pas de réelles sanctions pénales, mais a "une visée pédagogique ". Il s'est ajouté à l’article du code civil lu lors des mariages, pour préciser que "l'autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques".
Pourquoi la fessée a-t-elle été acceptée si longtemps en France ?
“Cela remonte à l’antiquité” souffle Stéphan Valentin.. Les enfants devaient être “dressés”, on les considérait comme des êtres à contenir, à contraindre. Il y a par ailleurs énormément de références à la violence éducative dans la Bible” explique Gilles Lazimi. C ‘est seulement en 1986 que les Nations Unies ont signé la Convention internationale des droits de l’enfant, dans le but de reconnaître et de protéger les droits spécifiques des enfants.
Fessée et violences éducatives ordinaires : des dommages à long terme
Pour certains parents, donner une "petite" fessée, une claque ou une gifle relève simplement de l'éducation et "ne peut pas faire de mal". Pourtant, en 2016, une meta-analyse américaine avait montré que les adultes ayant reçu des fessées dans leur enfance étaient plus enclins à développer des problèmes mentaux, souffrir d’un manque d’estime de soi, se blesser physiquement ou développer des troubles sociaux. “Des études montrent que les enfants qui vivent de la violence éducative ont un cerveau impacté par les coups, ils ont des difficultés à l’apprentissage, ont du mal à être empathique et développent des risques plus élevés face aux addictions, ont des conduites à risque et sont sujets à la dépression” précise Gilles Lazimi, médecin généraliste, coordinateur des campagnes contre les violences ordinaires en France. Selon la Fondation pour l’enfance, 75% des cas de maltraitances ont lieu dans un contexte de punitions éducatives. “Le problème avec la fessée, c’est que c’est souvent une porte d’entrée à d’autres formes de violence et à de la maltraitance” ajoute Stéphan Valentin, psychologue. On entend souvent dire des parents qui fessent leurs enfants, qu’ils continuent, sans résultats et certains vont alors encore plus loin dans les gestes.
Le spécialiste souligne aussi que fesser son enfant, c’est lui apprendre “que si l’on aime, on peut frapper et c’est très problématique, par exemple, pour ses futures relations de couple”.
Par ailleurs, c'est quelque part indiquer à un enfant que frapper n’est pas si problématique. “Comment lui expliquer alors qu’il ne faut pas qu’il frappe ses camarades de classe s’il reçoit de temps à autre des coups ?”
Il faut donc venir en aide aux parents pour les aider à trouver d’autres façons d’éduquer leurs enfants, sans punitions corporelles.
Alternatives à la fessée
Il existe des astuces pour faire autrement. La psychologue Florence Millot indique qu’il faut savoir repérer le moment où le parent sent qu’il n’arrive plus à gérer le conflit. “S’il commence à penser que l’enfant le cherche ou le provoque, s’il se dit “s’il continue, je vais le frapper”, s’il y a comme une petite phrase qui se déclenche dans la tête, alors dans ces moments-là, "il peut trouver des solutions alternatives à la fessée” précise-t-elle.
Elle propose de :
- Nommer sa colère : dans un premier temps, il faut exprimer à l’enfant qu’il a dépassé les bornes. “On peut lui dire que c’est inadmissible, que son comportement est inacceptable et que ça nous met hors de nous” explique la psychologue. Cela peut aider à décharger certaines tensions internes qui nous animent et aide aussi l’enfant à comprendre qu’il est allé trop loin.
- S’isoler : le parent prévient l’enfant que celui-ci a dépassé les bornes, qu’il va trop loin et qu’il préfère alors prendre du recul et s’isoler. “Cette solution n’est possible, bien sûr, que si l’enfant est en sécurité, en intérieur” prévient Florence Millot. Le parent peut aussi dire : “je m’isole, mais on en reparlera après” pour le prévenir que ce qui vient de se passer n’est pas nié. On préférera s’isoler que d’isoler l’enfant, parce qu’un parent énervé peut le saisir par le bras un peu brusquement.
- Passer le relais à quelqu’un d’autre. Ce peut être le ou la conjoint.e, ou toute autre personne qui est spectatrice de l’incident. Un membre de la famille et même parfois un frère ou une sœur aîné-e.
- En extérieur, on peut aussi solliciter l’aide de quelqu’un qui a un regard neutre sur la situation. Si elle semble bienveillante, on peut par exemple l’adresser à la caissière du supermarché “tu vois avec la dame parce que sinon, je vais m’énerver”, “c’est mettre un tiers dans le conflit et ça aide souvent à le déconnecter et à contenir l’enfant” explique la spécialiste.
- S’exprimer physiquement, en dernier recours : Si vraiment la pression physique se fait sentir chez l’adulte et que c’est du registre de la pulsion, il vaut mieux laisser sa colère sortir en tapant du pied, taper dans un coussin, la laisser s’extérioriser plutôt que de la faire subir à son enfant.
J’ai donné une fessée à mon enfant et je le regrette
C’est important de s’excuser dans un premier temps et de dire quelque chose comme “j’étais très énervé-e, je n’aurais pas dû le faire”, mais il faut veiller à ne pas en faire trop, ni à tomber dans l’écueil du” trop” émotionnel. Un enfant comprend très bien les excuses, mais si elles sont trop intenses, si elles sont accompagnées de larmes, par exemple, cela peut le dérouter ou le perturber, précise Florence Millot. A l’avenir, on peut aussi passer une sorte de contrat avec l’enfant et installer un mot clé : parent et enfant peuvent définir un code rouge qui signifie en cas de crise : “là je sens que ça va déborder, tous les deux il faut cesser et réfléchir ensemble”.