Demain un vaccin universel contre le cancer ?
Vacciner contre le cancer est un vieux rêve qui connaît actuellement un début de concrétisation. De récents travaux suggèrent que l'utilisation de vaccins dirigés contre la télomérase, une enzyme qui joue un rôle clef dans la division cellulaire, pourrait constituer un approche prometteuse.
Plusieurs équipes de scientifiques sont déjà parvenues, en inactivant les cellules cancéreuses des patients, à obtenir une régression partielle de tumeurs. Mais la mise au point de vaccins spécifiques contre le cancer reste très difficile car elle se heurte à un problème majeur : l'absence de protéine propre à la tumeur contre laquelle diriger le vaccin. Si les cellules de certains cancers comme celui de la peau (mélanome) portent à leur surface des protéines particulières qu'on ne trouve pas sur les cellules normales, ce n'est en effet pas le cas de la plupart des autres cancers.
De plus, fabriquer un vaccin contre le cancer d'un malade donné exige de lourdes manipulations car il est nécessaire de recueillir les cellules cancéreuses, de les modifier au laboratoire pour les rendre inoffensives, tout en conservant leur potentiel stimulant vis-à-vis de l'immunité, avant de les réinjecter. Ces techniques coûteuses risquent d'en rendre difficile l'usage en routine.
Un espoir nommé télomérase
C'est pourquoi beaucoup de spécialistes du cancer préfèrent diriger leurs efforts vers la création de vaccins universels, utilisables contre tous les cancers. L'une des substances, qui paraît la plus prometteuse pour concevoir de tels vaccins, est constituée par la télomérase, une enzyme qui contrôle la longueur des chromosomes, indispensable à la multiplication cellulaire. Cette protéine, présente dans 80 à 85 % des cellules cancéreuses, stimule leur croissance, mais est inactivée dans la plupart des cellules de l'organisme.
A partir d'un fragment de la télomérase, l'équipe du Dr Smita K. Nair, de l'université Duke, vient de mettre au point un vaccin cellulaire 1 qui a pu, chez la souris, inhiber la croissance de cellules de cancer de la peau, de la glande mammaire et de la vessie, en augmentant le pouvoir de destruction de ces tumeurs par certaines catégories de globules blancs. Ce vaccin est apparemment efficace dans des cancers humains car il a permis d'obtenir la régression, en laboratoire, de cellules tumorales de rein et de de prostate provenant de malades.
Données confirmées
Du reste, ces données positives ne sont pas isolées. Au printemps dernier, l'équipe du Dr Maurizio Zanetti, de l'université de Californie de San Diego, avait également rapporté une destruction partielle de cancers de la prostate par les globules blancs de patients après avoir utilisé un vaccin se fondant sur la télomérase 2. Une équipe de l'Institut Pasteur de Paris avait, dans le même temps, obtenu des résultats similaires en utilisant une stratégie comparable.
Une question demeure, celle de la tolérance
Les espoirs sont donc réels. Malgré tout, des problèmes persistent car ces vaccins, plus généralistes, semblent être un peu moins efficaces que les spécifiques, quand on a la chance d'avoir identifié la protéine en cause.
Par ailleurs, se pose la question de leur tolérance. Car la télomérase est tout de même présente dans l'organisme sur certaines cellules qui se multiplient souvent, comme par exemple celles de l'intestin ou de la moelle osseuse donnant naissance aux cellules du sang. Ainsi que le rappellent les Drs Araya Biragyn et Larry W. Kwak dans l'éditorial qui précède la publication du Dr Smita K Nair 3, on peut donc craindre en théorie qu'un vaccin anti-télomérase n'engendre des réactions inadaptées d'auto-immunité en s'attaquant aussi à ces cellules saines.
Toutefois, cela n'a pas été le cas dans le cas du vaccin mis au point par l'équipe du Dr S.K. Nair, ce qui paraît très encourageant.