Amplifier le développement de l'éducation thérapeutique
Alors que son utilité ne fait plus débat, l'éducation thérapeutique reste le plus souvent absente du parcours de soins des malades atteints de maladies chroniques. Pour que cette prise en charge ne soit plus uniquement dépendante d'initiatives isolées, un nouveau rapport avance les clés d'une réelle politique nationale dans ce domaine désormais rendue possible par la loi.
L'éducation thérapeutique soulève de nombreuses questions pratiques : qui doit intervenir ? A quel moment ? Pour combien de temps, et grâce à quel financement ? Comment former les intervenants ? Quel rôle peuvent jouer l'industrie pharmaceutique, les mutuelles ou l'Etat dans la mise en place de cette prise en charge ? Le rapport du député et médecin Denis Jacquat avance plusieurs pistes de développement. Ce document a été remis, le 7 juillet, à la ministre de la Santé dans le cadre de l'application de la loi HPST. Pour en savoir plus, découvrez l'interview de Denis Jacquat.
En France, l'éducation thérapeutique n'est pas assez structurée
L'amélioration de la qualité de vie du patient souffrant d'une maladie chronique est le principal objectif de l'éducation thérapeutique des patients (ETP). Elle se développe depuis la fin des années 90 en France, par le biais des hôpitaux publics ou d'initiatives locales (associations de patients, mairies, prestataires de santé à domicile, maisons de santé, etc.). Ces programmes ont permis d'améliorer la qualité de vie de patients atteints de diabète, d' asthme ou encore de maladies cardiovasculaires. Mais la mise en place de cette ETP s'est, jusqu'à présent, effectuée sans encadrement juridique, sans coordination par le ministère de la santé et sans financement pérenne.
Cependant depuis juillet 2009, l'ETP est inscrite dans la loi française, par le biais d'un article inclus dans la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) : "L'ETP s'inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. Elle n'est pas opposable au malade et ne peut conditionner le taux de remboursement de ses actes".
Une clarification législative qui devrait être suivie de nombreuses améliorations et d'une généralisation de l'ETP, à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays occidentaux comme l'Allemagne, la Suisse, la Belgique ou les Pays-Bas.
Une volonté d'amplification de l'ETP
Dans le cadre de la publication prochaine des décrets d'application de l'article 84 de la loi HPST, la mission menée par Denis Jacquat préconise de "définir une politique nationale, adaptée régionalement, de montée en charge de l'ETP". Pour cela, il préconise de :
- Former en premier lieu tous les professionnels ;
- Capitaliser sur l'existant ;
- Proposer à tous les nouveaux patients souffrant de maladies chroniques de suivre un programme d'ETP ;
- Définir des pathologies chroniques prioritaires pour toucher le plus grand nombre de patients sans disperser les ressources disponibles ;
- Etendre progressivement le dispositif à tous les patients, quelle que soit leur pathologie chronique."
Cette "montée en charge" a pour ambition d'accompagner et d'éduquer la majeure partie des 15 millions de Français souffrant actuellement d'une pathologie chronique. Un effort qui devra donc être soutenue par l'Etat, d'autant plus que chaque année 200 000 nouveaux patients sont atteints de maladie chronique, dont les trois quarts sont diabétiques.
Améliorer et généraliser la formation à l'ETP
Les médecins et les pharmaciens sont peu ou pas formés à l'ETP lors de leurs études, à la différence des infirmiers et des kinésithérapeutes. Le recours à cette prise en charge est d'autant moins fréquent que les professionnels n'y sont pas sensibilisés lors de leur cursus.
Il faudrait donc prévoir une formation obligatoire, par exemple par le biais d'un "enseignement de sensibilisation" en première année, puis de modules de formation, communs aux différents professionnels de santé (afin de privilégier l'interdisciplinarité, essentielle pour une bonne ETP), durant le cursus de formation. Une offre de formation continue devra également se développer, de manière plus structurée qu'aujourd'hui.
En parallèle, un effort de recherche et d'optimisation des programmes permettrait d'améliorer l'offre éducative.
Rendre l'éducation thérapeutique plus accessible en ville
Aujourd'hui, une grande partie des programmes d'ETP sont hospitaliers, alors qu'une majorité de patients atteints de maladies chroniques sont suivis "en ville", par leur médecin traitant. Le rapport Jacquat préconise donc d'augmenter l'offre de services non hospitaliers, par exemple en ayant davantage recours aux maisons et pôles de santé (regroupement de plusieurs professionnels de santé), afin d'augmenter le nombre de patients inscrits dans les programmes les concernant.
Le médecin traitant devra également être davantage intégré dans le dispositif qu'aujourd'hui, en étant associé à la conception des programmes, à leur animation, voire en organisant lui-même un programme d'ETP au sein de son cabinet, par exemple avec l'aide d'une infirmière. S'il travaille dans une maison de santé, structure amenée à se développer pour lutter contre la désertification médicale, le travail transversal avec d'autres professionnels sera plus aisé.
La coordination entre l'hôpital et la ville pourrait aussi être renforcée afin d'améliorer le suivi des patients. Le futur DMP (Dossier Médical Personnel) pourrait faciliter cette coordination nécessaire, pour l'ETP comme pour le reste du suivi des patients.
Enfin la régionalisation de l'offre de soins, prévue par la loi HPST avec la création des Agences Régionales de Santé (ARS), permettra de tenir compte des spécificités de chaque région. Les ARS gèreront complètement les financements publics de l'ETP (définition des besoins, utilisation des financements de l'assurance maladie, etc.).
Comment financer le développement de l'ETP ?
Pour financer ces programmes de plusieurs années pour chaque patient, plusieurs solutions sont envisagées par les auteurs du rapport. Ils privilégient l'incitation des assureurs complémentaires à participer financièrement à ces programmes. L'industrie pharmaceutique (et biomédicale), déjà très impliquée, pourra continuer à participer financièrement à la formation des professionnels de l'ETP, au travail des structures chargées d'élaborer les programmes et au déploiement de ces derniers. Du côté des professionnels et structures délivrant l'ETP, la rémunération au forfait est envisagée (par exemple, 250 euros par patient et par an).
Ce rapport et ces propositions sur l'éducation thérapeutique, s'ils sont suivis d'actions positives, ouvrent des perspectives intéressantes, tant en termes d'amélioration du vécu des maladies chroniques que de leur prise en charge thérapeutique : un patient mieux informé et mieux suivi vivra en effet mieux sa maladie et consommera probablement moins de soins, ce qui permettra peut-être d'alléger le déficit toujours plus profond de la Sécurité Sociale…