Quand l'excitation sexuelle devient permanente
Le syndrome génital sans repos est un trouble sexuel féminin très peu connu et très handicapant. Avant de pouvoir se libérer de cette maladie, il s’agit d’abord de pouvoir libérer la parole. La psychologue sexothérapeute Marjorie Cambier lève le voile sur les symptômes, les solutions à adopter et les traitements possibles.
C’est en 2001 que ce nouveau syndrome a été décrit pour la première fois dans une revue médicale sous le nom de syndrome d'excitation génitale permanente (Persistent Sexual Arousal Syndrome ou PSAS)1. Pendant féminin du priapisme, le PSAS traduit une forte excitation persistante, ressentie en dehors de tout désir sexuel.
Des symptômes ressentis comme honteux
"Généralement, les personnes souffrant de ce syndrome consultent peu car elles ont honte de leurs symptômes, qui sont souvent désocialisants […] ou alors elles ont arrêté de consulter car n'ont pas été prises au sérieux, ont été humiliées, incomprises", explique Marjorie Cambier2. "Lorsqu'elles consultent, les femmes vont voir leurs gynécologues, ou un sexologue, pas forcément un psychologue car ils connaissent peu ces problématiques. Elles consultent car elles ont honte, ne se sentent pas bien dans leur corps, ne savent pas comment gérer cette excitation persistante" .
Parfois, les symptômes sont tellement présents qu'ils handicapent la vie professionnelle et personnelle des patientes. "Elles peuvent alors développer des troubles anxieux ou bien des dépressions avec de véritables idées de suicide, et si ce n'est pas le cas, elles ont grandement besoin d'un cadre sécurisant et de confiance pour libérer la parole, exprimer leurs émotions, etc.", analyse la spécialiste.
Un cadre sécurisant pour libérer la parole grâce au sexologue
Après les formalités d'usage, Marjorie Cambier demande dans quel état psychologique se trouve la patiente actuellement, et les causes éventuelles de cet état.
Puis, en tant que psychologue sexothérapeute, elle pose forcément des questions sur la sexualité, et si la patiente n’a pas parlé avant de leur trouble, elles peuvent l'aborder à ce moment-là. Elle aborde alors sa vie sexuelle, la qualité de sa réponse sexuelle physiologique, et elle obtient alors des informations sur un éventuel syndrome de ce type.
La patiente et la spécialiste évoquent également ensemble les répercussions de ce troubles sur les sphères sexuelles bien sûr, mais également sociales, professionnelles, affectives, personnelles, etc3.
Enfin, selon la spécialiste, comme les patientes ont honte de parler de leurs troubles à un professionnel, il leur arrive fréquemment de faire des recherches en amont sur internet et certaines réussissent à avoir une idée un peu plus claire de ce dont elles souffrent. La consultation précise alors le diagnostic.
Apprendre à repérer les facteurs déclenchants
"On peut apprendre à la patiente à repérer les premiers signes annonciateurs d'un "épisode" et les facteurs déclenchants qui ne sont pas forcément les mêmes d'une patiente à l'autre, des techniques particulières de respiration, d'autohypnose pour se détendre et se relaxer, ainsi que des techniques de distraction cognitive afin de focaliser son attention sur autre chose ; et ce afin d'éviter un maximum la survenue des troubles", détaille Marjorie Cambier.
Elle précise tout de même que cela ne marche pas forcément à tous les coups, mais si la patiente se détend suffisamment dès les premiers symptômes et arrive à focaliser son attention sur autre chose, cela peut en minimiser l'intensité, voire éviter que l'excitation ne survienne vraiment.
Un travail sur la signification symbolique du symptôme
"D'une manière générale, lorsqu'un symptôme intervient sur la sphère génitale, il faut interroger la sexualité. Dans une perspective psychosomatique, un symptôme n'arrive jamais à un endroit par hasard", estime la spécialiste.
Elle précise du moins qu'il n'y a pas d'hypothèses de travail préétablies, mais qu'un travail sur la signification symbolique du symptôme chez la patiente, au vu de son histoire sexuelle, de ses antécédents médicaux et gynécologiques, peut être effectué.
Il est également important selon elle de travailler sur le stress, les tensions psychiques, et sur les émotions.
Enfin, bien souvent, "les consultations sont des moments de soutien psychologique pour la patiente qui a besoin d'un cadre au sein duquel se confier, sans avoir peur d'être jugée".
La relaxation pour déposer symboliquement le stress
Marjorie Cambier évoque différentes méthodes : la méditation pleine conscience, la relaxation, l'autohypnose, la sophrologie ; des protocoles simples que le praticien peut apprendre facilement à la patiente.
Selon elle, les séances permettent également de déposer symboliquement ce qui stresse et d'éviter de ramener les angoisses à la maison par la suite.
La distraction cognitive pour apprendre à focaliser ailleurs son attention
"Dans ce cas précis, la distraction cognitive consiste à focaliser son attention sur autre chose que sur son excitation, ni sexualisé, ni en lien avec la zone génitale, et ce afin d'éviter de l'alimenter par des pensées automatiques et des émotions, et donc de faire en sorte qu'elle puisse diminuer. Ce procédé n'est possible que si l'excitation génitale n'est pas trop importante, donc au moment des premiers signes d'excitation", livre Marjorie Cambier. Les émotions se travaillent par ailleurs en thérapie.
Apprendre à détendre ses muscles périnéaux
"La rééducation périnéale peut être utile pour apprendre à détendre les muscles et la zone périnéale en général. Cela permet d'acquérir une conscience corporelle plus fine et à détendre en profondeur certaines parties du corps", souligne Marjorie Cambier.
Des traitements qui ne font pas l’unanimité chez les médecins
Diverses hypothèses ont été avancées pour expliquer l'origine de ce phénomène : une malformation artério-veineuse qui conduit à une irrigation permanente et excessive du clitoris, une anomalie du système nerveux périphérique (de la zone génitale) ou central (du cerveau), la prise ou l'arrêt de la prise de certains médicaments (les antidépresseurs de la classe des inhibiteurs de la recapture de sérotonine)4,5…
"Les médecins ne sont pas tous d'accord sur les traitements. Certains évoquent l'efficacité de certaines molécules comme les agonistes de la dopamine, certains antiépileptiques et certains anxiolytiques, alors que d'autres pensent que ce sont certains antidépresseurs qui provoquent ce syndrome…
D'autres ont mis en évidences les carences en fer et les anomalies du rythme circadien ; d'autres enfin associent le SEGP à une vessie hyperactive, une atteinte du nerf pudental ou du nerf dorsal du clitoris et recommandent donc les électrodes6. (…)
En clair, ce syndrome est encore peu connu, et comme tout trouble qu'on a découvert il y a peu, on apprend finalement en même temps que les patientes.
Une chose est sûre : la prise en charge psychologique et sexologique est absolument indispensable", précise la sexothérapeute.