En matière de musique, notre cerveau est dans l’anticipation
Cela nous est déjà tous arrivé. Notre cerveau arrive, comme par magie, à anticiper les variations de rythme d’une chanson que l’on écoute pour la première fois. Un phénomène surprenant sur lequel se penche une étude, récemment parue dans la revue scientifique PNAS.
Les auteurs de cette étude, affiliés à l’université de Jyväskylä (Finlande), ont étudié la façon dont notre cerveau anticipe les transitions musicales. Car la plupart des chansons que l’on écoute sont composées de séquences musicales très différentes, voire totalement opposées. Elles sont agencées de telle façon à constituer un ensemble uniforme, agréable à l’oreille. Sans ces variations, nos morceaux préférés nous sembleraient être "un flux de sons chaotique et sans fin, un peu comme si on lisait un texte sans ponctuation ni pause entre les phrases", explique Iballa Burunat, autrice principale de l’étude, dans un communiqué.
Pour comprendre comment notre cerveau traite les transitions musicales, Iballa Burunat et ses confrères ont analysé l'activité cérébrale de 36 adultes pendant qu'ils écoutaient trois œuvres instrumentales de genres différents. Il s’agit du morceau de tango nuevo "Adiós Nonino" d'Astor Piazzolla, de la chanson de metal progressif "Stream of Consciousness" de Dream Theater, et du ballet russe "Le Sacre du printemps" d'Igor Stravinsky. La moitié des participants de l’étude se considéraient comme des musiciens semi-professionnels ou professionnels. Un détail qui a son importance.
Le cerveau humain, un maître de l'adaptation
De manière générale, le "réseau auditif précoce" s’active quand notre cerveau anticipe un changement de séquence musicale. Ce réseau implique principalement des zones auditives situées à l’arrière du cortex, cette région du cerveau située dans le lobe temporal. Le "réseau de transition des frontières musicales" prend ensuite le relais du réseau auditif précoce. "À l'approche d'une transition musicale, les zones auditives postérieures se préparent au changement. Pendant et après, l'activité cérébrale se déplace vers les régions auditives moyennes et antérieures pour traiter les nouvelles informations, avec une désactivation notable des régions frontales. Ce traitement dynamique s'apparente à la manière dont nous analysons les phrases dans le langage", souligne Iballa Burunat dans le même communiqué.
Vers des applications thérapeutiques
Étonnamment, les musiciens et les non-musiciens ne font pas appel à ces deux réseaux neuronaux de la même façon. Les premiers s’appuient principalement sur des zones cérébrales impliquées dans le traitement auditif, tandis que les seconds mobilisent un réseau plus large et plus général pour naviguer entre les différentes séquences musicales qu’ils entendent. Iballa Burunat y voit la preuve que le cerveau humain possède "une grande capacité d’adaptation" et que "l'expertise peut façonner et affiner la façon dont nous traitons les sons".
Les conclusions de cette étude viennent non seulement parfaire notre compréhension des mécanismes neuronaux à l'œuvre quand on écoute de la musique, mais elles ouvrent aussi de nouvelles perspectives thérapeutiques.
En effet, les professionnels de santé pourraient se servir du quatrième art pour aider les personnes qui souffrent d’un trouble du langage. Une nouvelle preuve que la musique est loin d’être un simple divertissement.