Pourquoi j’ai la chair de poule quand j’ai froid ou quand j’ai peur ?
Qui n’a pas connu ce hérissement des poils disgracieux alors qu’il avait froid ou peur ? Cette réaction naturelle et universelle est un réflexe hérité de nos lointains ancêtres. Quels sont les mécanismes du corps sollicités ? À quoi sert ce phénomène ? Peut-on le contrôler ? Explications avec le Pr Jean-Pol Tassin, neurobiologiste.
Chair de poule et sensations fortes
La chair de poule (ou piloérection) est une réaction du corps consécutive à une émotion forte telle que la peur, la colère ou même le plaisir. "Le système nerveux autonome est alors stimulé" explique le Pr Tassin, neurobiologiste. Le système nerveux autonome recouvre les fonctions qui ne sont pas soumises au contrôle volontaire (comme la digestion, les battements du cœur…).
Sollicité par la peur, ce système émet des signaux vers certains muscles et organes grâce à des neurotransmetteurs tels que l’adrénaline. Cette dernière active la contraction des muscles qui relient les poils à la peau (on parle de muscles érecteurs ou horripilateurs). La peau devient alors granuleuse et les poils se redressent, donnant à la peau l’aspect d’une volaille déplumée – d’où l’expression "chair de poule".
"C’est un phénomène essentiellement nerveux et musculaire", ajoute le spécialiste. La chair de poule peut s’accompagner d’autres manifestations physiques liées à la montée d’adrénaline : l’accélération du rythme cardiaque, les mains moites, les tremblements, les pupilles dilatées…
Chair de poule et froid
La chair de poule peut aussi se déclencher lorsque nous avons froid. Le corps est équipé de récepteurs sensoriels localisés sur l’épiderme, sensibles aux variations de température. Si le thermomètre chute, ces thermorécepteurs émettent un signal vers le cerveau. L’hypothalamus va alors déclencher la sécrétion d’adrénaline qui transmet un signal aux muscles du corps capables de nous réchauffer. Ces rapides contractions musculaires sont ce que nous appelons communément des frissons. Il va également solliciter les muscles horripilateurs situés sous la peau.
"La chair de poule est symptomatique du frisson" explique le Pr Tassin. En effet, le frisson se diffuse dans tout le corps tandis que la chair de poule se focalise sur les muscles à la racine du poil.
La chair de poule, un réflexe ancestral
"La chair de poule est un phénomène qui date des premiers mammifères" d’après notre expert. "Tout comme les animaux, nos ancêtres (bien plus poilus que nous) parvenaient à se protéger du froid ou à effrayer l’ennemi grâce au redressement de leurs grands poils" poursuit le spécialiste.
En redressant leurs poils, un animal à fourrure peut augmenter son volume et donc apparaître plus gros qu’il ne l’est réellement. Qui n’a jamais vu les poils d’un chat se redresser lorsqu’il se retrouve face à un adversaire menaçant ?
"Les poils créent une couche d’air isolante à la surface du corps permettant de maintenir la température centrale. Toutefois, notre densité pileuse qui s’est appauvrie au cours de l’évolution, ne nous permet plus de nous réchauffer efficacement," indique le neurobiologiste. Selon lui, "la chair de poule est instinctive mais n’a plus de logique. Elle perdure et ne disparaîtra sans doute jamais. Bien que superflue, elle ne s’est finalement pas significativement atténuée".
Peut-on déclencher la chair de poule ?
Une étude américaine récente a démontré que certaines personnes parviennent à se provoquer une chair de poule volontairement grâce à des méthodes qui leurs sont propres. Certains participants à l’étude ont déclaré n’avoir qu’à penser au sentiment de peur ou au fait de frissonner pour la déclencher. On parle de Piloérection Générée Volontairement (PGV). Selon le professeur Tassin, "ceci n’a rien d’étonnant. La chair de poule est une affaire de conditionnement, tout comme le fait de pleurer sur commande. Une bonne concentration permet de telles performances".
La chair de poule en écoutant de la musique ? Votre cerveau est spécial !
Si vous avez la chair de poule en écoutant de la musique, votre cerveau pourrait bien être spécial. Une étude américaine conduite par Matthew Sachs a examiné 20 étudiants : 10 ayant admis avoir des frissons en écoutant de la musique et 10 autres qui n’en ont jamais eu dans cette situation. En récoltant différentes données (comportementales, psychophysiologiques, imagerie cérébrale…), il a découvert que ceux chez qui la musique suscitait la chair de poule avaient un volume plus dense de connexions entre le cortex auditif et les zones qui traitent les émotions. En clair, les deux zones communiquaient mieux entre elles.