Fin de vie : Emmanuel Macron promet un projet de loi pour une "aide à mourir" sous conditions
Dans un entretien accordé à Libération et à la Croix, le président Emmanuel Macron s’est positionné en faveur d’une "aide à mourir” limitée à des conditions strictes, dont le projet de loi entrera bientôt au Parlement. Un positionnement attendu qui ne manque pas ce lundi de créer des réactions chez ceux qui militent pour un libre choix et ceux qui plaident pour de meilleurs soins palliatifs.
Près d’un an après la fin de la Convention citoyenne sur la fin de vie, close en avril 2023, Emmanuel Macron s’est finalement prononcé sur un projet de loi concernant une "aide à mourir", présenté en Conseil des ministres dès le mois d’avril. Une aide à mourir, qu’il préfère aux termes "suicide assisté" ou "euthanasie", trop connotés.
Quatre grandes conditions pour "demander" une aide à mourir
Dans l’interview accordée à Libération et à La Croix, le chef d’Etat ouvre ainsi la voie à une modification de la loi Claeys-Leonetti pour donner "la possibilité de demander une aide à mourir". Mais cette possibilité serait régie par quatre conditions, selon ses mots :
- Cet accompagnement ne sera réservé qu’aux personnes majeures ;
- Les personnes doivent être capables d’un discernement plein et entier au moment de la demande, ce qui exclut les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives comme Alzheimer ;
- Elle ne concernera que les patients atteints d’une maladie incurable avec un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme ;
- Elle n’entrera en jeu que si des souffrances physiques ou psychologiques ne peuvent pas être soulagées.
Si ces 4 critères sont réunis, la personne peut alors faire une demande pour être aidée afin de mourir. La décision en revanche devra revenir à une équipe médicale pour définir collégialement quelle suite donner à cette demande. L’acte sera celui du patient même ou s’il ne le peut pas, pourra être délégué à un proche ou un médecin.
Un contexte qui restera au cœur des attentions semble-t-il. En ce mardi 11 mars, l’Ordre des médecins félicite une avancée dans ce domaine, mais déclare rester sur ses positions et sera "extrêmement vigilant quant au respect du code de déontologie, ainsi qu’au choix des personnes intervenant dans la réalisation de l'acte, si la loi en dispose ainsi".
Toujours l’absence d’un libre choix pour l’Association pour le droit de mourir dans la dignité
Si l’annonce a l’avantage de relancer concrètement le débat après des mois de pause et de reports, elle est aujourd’hui décriée ou perçue incomplète pour ceux qui œuvrent pour le droit à mourir comme on le souhaite. Pour Yoann Brossard, secrétaire général national de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, contacté par Doctissimo, cette annonce est un premier pas, mais laisse de côté de nombreuses personnes dans cet engagement.
"Certes notre première réaction est de nous dire enfin, le président arrête de tergiverser. Et enfin, nous avons un calendrier pour que le Parlement puisse se saisir du sujet et travailler sur cette loi demandée par beaucoup. Mais nous ne pouvons que remarquer également que "le libre choix" n'est toujours pas respecté dans ce qu’annonce le président. C’est ici une possibilité de recours, dont la décision revient à la collégialité. Ce n’est pas le patient qui décide, il sera toujours dépendant du bon vouloir des médecins".
L’autre point qui crispe les défenseurs du droit à la fin de vie, se niche dans cette notion de "moyen terme". "C’est une aberration totale, car aucun médecin n’est capable de statuer sur le terme d’une maladie. Et ce moyen terme, par exemple, ne peut pas résoudre des cas comme celui de Jonathan Humbert".
Dans son communiqué l’Association évoque également des cas comme la maladie de Charcot, qui peut être une grande souffrance pour des patients sur du moyen à long terme, des patients qui seraient oubliés.
"A trop vouloir mettre des gardes fous, on risque d’avoir une loi qui ne va concerner personne".
Un mauvais message envoyé aux patients, selon les défenseurs des soins
De l’autre côté de la barrière, chez ceux qui œuvrent au plus près des patients en fin de vie, la pilule est difficile à avaler. Pour le dr Alexis Burnod, médecin chef des soins palliatifs à l'Institut Curie, la priorité n’est pas la bonne. "Dans mon service, on s'attendait à un timing différent. Certes nous connaissons le débat en cours, mais nous espérions que le Président Macron se positionne d’abord sur un plan de développement massif de l’offre de soins et de soins palliatifs, en particulier dans les départements où elle est basse".
Notons que l'entretien annonce également un plan d'un milliard d’euros supplémentaire pour améliorer les soins palliatifs, détaillé d’ici à la fin du mois. Mais effectivement, dans un second temps.
De plus, le Dr Burnot déplore un message qui change peu à peu avec cette décision. "J’entends qu’il y a une demande sociétale, que cette décision pourra peut être rendre service à certains, mais je crains que cela en pousse d’autres à réclamer ce type de fin de vie programmée parce que la loi envoie un message : "vous êtes euthanasiables" alors qu’on pouvait plutôt essayer d’améliorer et de soulager les causes qui impactent les patients".
Une crainte partagée par Emmanuel Hirsch, professeur émérite d’éthique médicale, Université Paris-Saclay contacté également :
"Confondre l’accompagnement dans le cadre d’une approche humaniste palliative avec l’aide médicale active à mourir c’est provoquer une confusion là où la transparence et la loyauté s’imposent. Que l’on envisage en quelque sorte par défaut, l’instauration à titre exceptionnel de l’intervention à finalité létale d’un médecin, ne devait être envisageable que lorsque tous les recours à l’atténuation des souffrances ont été sollicités. Le dernier acte d’un soin est un soin. Soigner par la mort n’en est pas un" conclut-il.