Covid-19 et canicule : climatisation, ventilateurs, brumisateurs... Peut-ils propager le coronavirus ?
L’air conditionné a-t-il un rôle dans la propagation du Covid-19 ? La question s'est posée dès janvier avec l'étude de cas de 9 personnes ayant été contaminées dans un restaurant climatisé de Canton en Chine. Plusieurs mois après, les autorités sanitaires l'assurent : la climatisation ne représente pas un risque de transmission du virus si certaines conditions sont respectées. Mais qu'en est-il des ventilateurs ou des brumisateurs ? Eléments de réponses avec une professeure en maladies infectieuses et un médecin urgentiste.
Transports, bureaux, restaurants, habitations… Va-t-il falloir renoncer à la climatisation ? Dans un circuit fermé sans aération et dans une petite pièce, elle peut augmenter le risque de contamination du Covid-19.
"Il faut faire attention aux airs climatisés, met en garde Anne-Claude Crémieux, professeure en maladies infectieuses, parasitaires et tropicales à l’hôpital Saint-Louis et membre de l’Académie de médecine, qui cite un cluster né dans un restaurant en Chine et relaté par une étude, publiée dans la lettre d’information Emerging Infectious Disease1. "Les tables étaient éloignées mais les airs conditionnés qui soufflaient ont fait que les convives des deux tables étaient infectés".
En effet le 24 janvier, une famille chinoise qui revient en train de Wuhan, foyer de l'épidémie, déjeune3 dans un restaurant de Canton (Guangzhou). Parmi les convives : une femme de 63 ans, sa sœur (60 ans) et sa nièce (34 ans), mais aussi une femme de 62 ans et son mari de 63 ans. Peu de temps après le passage au restaurant, la femme retraitée de 63 ans montre les premiers signes de la maladie, notamment de la fièvre et de la toux, et est testée positive peu après. Les membres de 3 différentes familles, ayant tous déjeuné au même endroit au même moment, ont contracté la maladie entre le 24 janvier et le 5 février. Au total, 9 personnes ont été contaminées ce jour-là, placées aussi bien devant que derrière la personne infectée. Sur les 91 personnes présentes au total dans ce restaurant ce jour-là (83 clients et 8 employés), il n’y a pas eu d’autres cas.
Un risque de transmission par aérosols ?
Comment un simple déjeuner de famille a débouché sur la contamination de 9 personnes ? Les scientifiques chinois, affiliés au centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) de Canton, ont passé au crible ce cas de contamination et arrivent à la conclusion que la climatisation du restaurant a joué un rôle dans la propagation du coronavirus.
Very interesting observational piece in @CDC_EIDjournal; a #covid19 outbreak from a restaurant; index case (first patient) was not symptomatic at the time; the infection pattern overlapped with the ventilation pattern of the air conditioning. https://t.co/5WdCJvobJ7 pic.twitter.com/C45RtmCJHD
— Abraar Karan, MD MPH DTM&H (@AbraarKaran) April 19, 2020
Les chercheurs expliquent cette contamination par le fait que les personnes infectées se trouvaient sous la climatisation du restaurant. Le restaurant ne disposait pas de fenêtre et l’air circulait dans un seul sens, de petites particules de virus ont donc pu être transportées sur une distance supérieure à 1m. Cette étude viendrait appuyer l’hypothèse que le virus se propagerait par aérosols.
"La climatisation peut faire tourner un nuage viral dans la même pièce. Dans un grand bâtiment où l’air est dilué, il n’y a pas beaucoup de risque mais dans une voiture fermée, il vaut mieux éviter", précise le Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste.
Concernant les restaurants, les auteurs de l’étude recommandent de prendre la température des clients et du personnel, d’augmenter la distance entre les tables et d’améliorer la ventilation des lieux.
Une étude controversée
Certains spécialistes émettent cependant des réserves face à ces résultats, rappelant dans un premier temps qu’il s’agit d’une publication préliminaire qui doit encore être vérifiée par la communauté scientifique. Par ailleurs, les patients auraient pu être contaminés par d’autres biais. Les auteurs de l’étude n’ont pas mené d’étude expérimentale simulant la transmission par voie aérienne et n’ont pas conduit non plus d’études sérologiques pour estimer le risque d’infection.
Rappelons que concernant la concentration du virus dans l’air, une autre équipe chinoise a publié une étude dans la revue Nature2 (édition du 27 avril). Les chercheurs avaient mesuré la concentration de virus dans l’air dans deux hôpitaux de Wuhan. Si la plupart des tests sont revenus négatifs, quelques lieux avaient une concentration non nulle et notamment les toilettes des patients. A l’heure actuelle, l’effet d’aérosol dans la chambre d’un patient malade est la seule chose scientifiquement prouvée.
Cette étude apporte seulement un point de vigilance.
"Pas de risque majeur" de transmission selon les autorités sanitaires
Dans une étude publiée le 23 juillet, Santé publique France assure qu'il n'existe "pas de risque majeur" de transmission du coronavirus avec le climatiseur, mais appelle à tout de même respecter certaines conditions pour minimiser ce risque.
- Même en présence d'une climatisation, l'aération des pièces de vie par l'ouverture des fenêtres est recommandée par l'agence sanitaire. Et ce plusieurs fois par jour ;
- Pour les climatiseurs collectifs ou les modèles mobiles individuels, le filtre de l'appareil doit être performant et bien entretenu pour limiter le risque de transmission du virus.
L'autorité sanitaire précise tout de même que le risque zéro n'existe pas, et qu'une gouttelette de salive peut être projetée plus loin qu'en temps normal. Mais encore une fois, ce risque est minime.
Attention aux ventilateurs et brumisateurs
Au contraire, les ventilateurs peuvent projeter et répandre des gouttelettes potentiellement contaminées dans l'air notamment dans une pièce contenant plusieurs personnes. Un appareil utilisé par un seul individu ne pose pas de problème, assure l'agence.
Le risque de contamination des brumisateurs fréquemment installés sur les terrasses de café est "peu probable" d'après Santé publique France, dans la mesure où l'appareil est bien dimensionné et que l'eau utilisée est "sanitairement correcte".
L'agence rappelle toutefois que le Haut conseil de la Santé publique a suggéré l'interdiction de certains types de brumisateurs. Dans un avis du 20 mai 2020, la HCSP indique que "les systèmes de brumisation à flux descendant doivent être réglés pour un rafraichissement de l’air ne générant pas d’humidité visible sur les personnes et les surfaces. L’utilisation des dispositifs destinés à une humidification des personnes exposées par flux descendant est possible."