Se baigner seins nus à la piscine ? Les Allemandes encore frileuses

AFP/Relaxnews Agence de Presse

"Enfin", a pensé cette chargée de projet universitaire, alors que ce droit est désormais reconnu dans une myriade de villes allemandes.

"Cela aurait dû être le cas depuis longtemps, c'est étrange que les hommes puissent se baigner torse nu et pas les femmes", observe cette habitante de Francfort.

Elle dit cependant n'avoir vu que deux autres baigneuses "sans le haut" cet été dans la piscine en plein air qu'elle fréquente. A Berlin, la pratique reste encore très marginale, ont constaté des journalistes de l'AFP. 

"Pour le moment, je ne me sens pas encore prête, mais j'y travaille !", dit à l'AFP Martina Parsch, une kiné de 45 ans, assise sur la pelouse d'une piscine de Francfort.

Le changement du règlement, obtenu malgré l'opposition d'une partie des élus municipaux, est plébiscité par Bianca Polcar, qui n'a pas encore sauté le pas.

La nudité permet aux jeunes filles "d'aimer leur corps comme il est", surtout à l'heure des réseaux sociaux où circulent "des images idéalisées", et de "désexualiser la poitrine", argue cette femmes de 53 ans.

Cette autorisation est dans l'ordre des choses pour cette commerciale qui avait l'habitude, plus jeune, de se rendre sur des plages nudistes, comme beaucoup d'Allemands de sa génération.

"Diktats esthétiques"

Mais le naturisme à l'allemande ou "FreiKörperKultur" (FKK- "Culture du corps libre") s'est affaibli. En témoigne la chute de moitié du nombre de membres inscrits à la fédération du FKK, qui repart légèrement à la hausse depuis cinq ans, d'après son président Alfred Sigloch. 

L'idée de voir des poitrines nues, "surtout de femmes âgées", horrifie Monica, 78 ans, assise au bord de l'eau. Même si cette retraitée est une grande adepte du sauna.

Une majorité d'Allemandes se déclarent comme elle, opposées à l'autorisation de la natation seins nus, d'après plusieurs sondages.

"Le corps féminin est lié à des projections et à des peurs", explique Anja Zimmermann, professeure à l'université de Erlangen.

Une poitrine de femme âgée ou hors des normes est "taboue", et "dépeinte dans les textes et les images de façon repoussante", analyse la professeure, autrice d'un essai sur l'histoire de la poitrine.

Cette partie du corps continue d'être "sexualisée, voire fétichisée, et reste soumise à des diktats esthétiques très stricts", ajoute-t-elle. 

Le mouvement "sein nu" est parti de Göttingen (centre) en 2022 après qu'une personne torse nu se déclarant non binaire s'était vu refuser l'accès à un bassin.

Lorsque les piscines municipales de cette ville ont modifié leur règlement, la direction a raconté avoir dû gérer les camps "extrêmes" des partisans et des opposants au monokini.

"C'est un espace public qui accueille différents groupes d'intérêt et différentes mentalités", avait témoigné dans la presse un responsable. Les burkinis sont autorisés dans la plupart des piscines allemandes.

"Pudeur"

En 2023, les piscines berlinoises ont sauté le pas, suite à la plainte, très médiatisée, d'une habitante de la capitale. Elle contestait le fait que la police soit venue lui demander d'enfiler un haut de maillot de bain ou bien de quitter le parc à eau public où elle bronzait seins nus.

Après un rejet en première instance - le tribunal évoquant le droit de protéger la "pudeur sexuelle" d'autrui -, elle a obtenu fin 2023 une indemnisation.

Depuis des dizaines de grandes villes comme Francfort et Cologne ont clarifié leur règlement pour reconnaître ce droit. En Suisse également, comme à Zurich depuis l'été 2023.

Dans certaines communes, comme à Hambourg, le sein nu est autorisé des jours précis de la semaine. 

Si le monokini est loin de s'être normalisé, comme dans la capitale, le procès berlinois, historique, a permis de "sensibiliser les gens, de leur montrer ce qui était possible", commente Soraia Da Costa Batista de la Gesellschaft für Freiheitsrechte (GFF), une ONG berlinoise qui a accompagné la plaignante.