Patients virtuels,impression 3D, robotique... la simulation médicale révolutionne le soin
Aux Etats-Unis, les erreurs médicales représentent la troisième cause de mortalité derrière les cancers et les maladies cardiovasculaires. Face à ce fléau méconnu, la formation des professionnels bénéficie aujourd’hui d’incroyables progrès : casque de réalité virtuelle, robot-patient, simulateur de chirurgie, impression 3D… Plongée au cœur de ces étonnants dispositifs médicaux.
Un casque virtuel pour des formations bien réelles
Munis de casques de réalité virtuelle et de manettes, notre apprenti et son professeur s’apprêtent à conduire une opération de chirurgie vasculaire. L’élève assiste son mentor et bénéficie de ses conseils… pourtant ni l’un ni l’autre ne sont dans un hôpital, le patient n’est pas réel et ils ne sont même pas dans la même pièce !
Ce simulateur en réalité virtuelle multiplayer a été développé par la start-up Simforhealth en partenariat avec la prestigieuse Université de Standford. Dans un même bloc opératoire virtuel, des chirurgiens peuvent partager des techniques avec un étudiant ou un confrère, tout en étant chacun à l’autre bout du globe.
Depuis plusieurs années, cette société française propose des solutions sur-mesure en s’appuyant sur différentes technologies (simulateurs 3D en temps-réel, consultations virtuelles, casques de réalité virtuelle ou augmentée…). Plus de 40 000 professionnels de santé dans le monde ont déjà profité de leurs serious games sur la prise en charge d’un AVC, d’un pneumothorax, d’une algie faciale…
Depuis 2017, la Haute Autorité de Santé juge "incontournable" l’intérêt de la simulation médicale pour un apprentissage actif des étudiants (dans le cadre de la formation initiale) mais également des professionnels de santé (formation continue). L’objectif se résume en une seule formule : "Jamais la première fois sur le patient". Aujourd'hui, d’autres approches futuristes proposent des mises en situation plus concrètes encore, grâce aux progrès de la robotique.
Un robot qui pleure, crie, saigne et appelle sa mère
Sa tête convulse, sa respiration est irrégulière, des larmes coulent de ses yeux, il appelle sa mère… Hal a l’apparence d’un enfant de 5 ans. Il respire, saigne, pleure, a un pouls, ses pupilles rétrécissent à la lumière, on peut même lui faire une trachéotomie ou le stimuler avec un défibrillateur. Valant près de 50 000 dollars, ce bijou de technologie est le dernier né des robots de la société Gaumard. Il permet la formation des infirmières et des médecins face à des patients si jeunes qu’ils ne peuvent pas clairement exprimer leurs symptômes. Ses expressions faciales ont été travaillées avec des pédiatres mais pas au point d’être trop réalistes*, sous peine de distraire ou de troubler les étudiants en médecine… même si tous ne ressortent pas indemnes de cette rencontre.
Hal rejoint les autres robots de la firme : la femme enceinte capable d’accoucher, Victoria, le nouveau-né Super Tory ou le bébé prématuré Premie Hal... Loin d’être des gadgets, ces mannequins commandés à distance via une tablette forment les soignants à des situations courantes ou exceptionnelles : un arrêt cardiaque, un choc anaphylactique (réaction allergie pouvant être fatale), une hémorragie du post-partum, une détresse respiratoire… La coordination des équipes, leurs choix ou la précision de leurs gestes peuvent alors être évalués en temps réel.
En matière de robotique médicale, la France rattrape peu à peu son retard : la plupart des grands hôpitaux ont des centres dédiés de simulation en santé. En septembre, la faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg a inauguré une unité de travaux pratiques équipée d’un mannequin numérique. Ce faux patient robotisé muni de 200 capteurs et commandé à distance permet aux étudiants de s’exercer au plus près des conditions réelles. De la consultation à la salle d’opération, d’autres défis doivent être relevés pour la simulation chirurgicale.
Des effets spéciaux dignes d’Hollywood
A voir ce cœur battre, saigner et réagir à prise en charge des chirurgiens, on se croirait parfois en train de regarder un épisode de Good Doctor, et on n’est pas si loin de la vérité puisque les créateurs de cette prouesse technique, The Chamberlain Group, étaient aussi à l’origine des effets spéciaux de Matrix (à découvrir dans le reportage "Artificial patient, real learning" du New York Times ci-dessous). Et que dire des mannequins un peu gores de Syndaver Patient, qui proposent une alternative interactive mais très coûteuse - 95 000 dollars - à la formation sur des cadavres.
Mais les simulateurs chirurgicaux ne sont pas toujours aussi spectaculaires. Suivant le mouvement d’une chirurgie moins invasive, de nombreuses entreprises proposent des dispositifs spécialisés dans un type d’opération (cardiaque, gynécologique, orthopédique...) comme les sociétés Twin Medical ou Virtamed… Grâce à ces dispositifs, les équipes améliorent leur coordination, perfectionnent leurs gestes autour de situations courantes ou exceptionnelles.
La simulation ne concerne pas seulement les étudiants. Avant des opérations particulièrement complexes, les chirurgiens peuvent s’entraîner grâce à l’impression en trois dimensions.
Préparer les interventions complexes grâce à l’impression 3D
Grâce aux progrès de l’imagerie médicale, les équipes chirurgicales peuvent imprimer en 3D des parties du corps de leurs patients afin de préparer une opération difficile ou auparavant jugée impossible. Ce qui était exceptionnel hier devient de plus en plus courant.
En 2014, les chirurgiens du Norton Children’s Hospital (Louisville) ont pu s'exercer sur une réplique 3D du cœur d’un enfant atteint de multiples malformations, avant de lui sauver la vie. Au Boston Children’s Hospital, l’équipe de John Meara s’est appuyée sur l’impression 3D pour opérer avec succès la petite Violette Pietrok atteinte d’une malformation faciale extrêmement rare ou du petit Bentley atteint d’encéphalocèle (un développement du cerveau hors de la boîte crânienne).
En France, en octobre 2017, les équipes du CHU d’Amiens se sont appuyées sur une chirurgie robotisée pour prendre en charge un enfant atteint d’une scoliose grave. Une opération délicate qu'elles ont préparée pendant un an sur l’impression 3D de la colonne vertébrale de l’enfant intégrée à un mannequin. Une première mondiale.
La bioimpression personnalisée pour chaque patient
La bioimpression change d’échelle, avec Biomodex. La société française a mis au point un système d'impression 3D de maquettes qui reproduisent les propriétés biomécaniques du corps humain et en particulier des organes. A partir des données d’imagerie du patient (scanners, IRM, échographies 3D…), leur technologie brevetée est capable de reproduire des milliers de matériaux à l’échelle du micron. "A partir de l’imagerie médicale de Mme Martin, on imprime en 3D l’organe synthétique de Mme Martin pour que son chirurgien puisse s’entraîner la veille de l’opération sur l’anatomie de sa patiente" déclare Anna Garec, directrice de l’exploitation de Biomodex lors des Rencontres du progrès médical 2018.
Dans une chirurgie aussi complexe que celle des anévrismes cérébraux (des dilatations vasculaire au niveau d’une artère qui peut causer de graves hémorragies cérébrales), la société est capable de reproduire en 3D l’artère cérébrale du patient. L’"organe fantôme" est ensuite installé sur une cartouche et irriguée avec une solution chauffée à 37°C qui a les mêmes propriétés que le sang. Le chirurgien peut s’entraîner la veille de l’opération avec une copie fidèle de l’organe de son patient.
Toutes les disciplines médicales sont concernées par cette révolution, comme en témoigne l’effervescence des conversations sur Twitter autour de #Medsim. Et ce mouvement permet aussi de faciliter la formation des soignants dans les pays en développement. Spécialiste dans la simulation médicale, la start-up strasbourgeoise Insimo met à disposition son simulateur chirurgical pour le programme HelpMeSee. L’objectif est d’éradiquer la cataracte dans le monde (20 millions de personnes touchées) en formant des dizaines de milliers de chirurgiens.
- Sur le simulateur d'opération cardiaque du Chamberain Group, découvrez le reportage "Artificial patient, real learning" du New York Times -publié le 9 novembre 2015 (accessible en ligne)