Le gouvernement interdit l'épandage de certains pesticides à moins de 10 mètres des habitations
Les pesticides soupçonnés d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ne peuvent plus désormais être dispersées à moins de 10 mètres des habitations. Est-ce néanmoins suffisant pour préserver la santé des populations ? Le Dr Alice Desbiolles, épidémiologiste et médecin de Santé Publique, nous répond.
Ce 21 mars, le gouvernement a tranché : il a diffusé un arrêté qui interdit l’épandage de certains pesticides à moins de dix mètres des habitations - au lieu de 5 auparavant. Cette décision, qui fait suite à une injonction récente du Conseil d’État, concerne les produits phytosanitaires classés CMR2, c’est-à-dire ceux suspectés d'être cancérigènes, toxiques ou mutagènes.
Une situation qui relève de "l’urgence"
L’arrêté en question, publié au Journal officiel le mardi 21 mars 2023, impose une distance incompressible de 10 mètres autour des habitations pour les traitements de produits phytosanitaires classés CMR2.
Il s’agit de produits "comportant une substance suspectée d’être cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction", qui n’étaient pas jusqu’à présent concernés par les distances de sécurité imposées il y a trois ans par le gouvernement autour des maisons.
Pour les produits dits CMR1, dont la nocivité est avérée, l’utilisation est quant à elle interdite dans un périmètre plus large, de 20 mètres autour des habitations.
C’est le Conseil d’Etat qui avait estimé qu’il fallait prendre en compte des distances de sécurité autour des maisons.
Et pour cause : saisi par des organisations environnementales comme Générations futures et France Nature Environnement, le Conseil avait noté dans sa décision la "gravité des conséquences du défaut partiel d’exécution en termes de santé publique" et "l’urgence particulière qui en découle".
Cancer, maladie de Parkinson et troubles cognitifs
Bon nombre d’experts et d’associations estiment néanmoins que cette décision reste "insuffisante".
En effet, une expertise collective de l'inserm qui date de 2021 confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition aux pesticides et six pathologies : lymphomes non hodgkiniens (LNH), myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, bronchopneumopathie chronique obstructive et bronchite chronique.
"D’autres études suggèrent un lien entre l’exposition des riverains des terres agricoles et la maladie de Parkinson, et également entre la proximité résidentielle à des zones d’épandages de pesticides (rayon < 1,5 km) et le comportement évocateur des troubles du spectre autistique chez l’enfant", estime Alice Desbiolles. "Cependant, ces études présentent des limites importantes liées à l’évaluation fine de l’exposition ou à l’absence de données individuelles, ce qui rend le niveau de présomption faible".
Malgré tout, "ces données invitent à un minimum de principe de précaution quant à l’exposition des populations et des professionnels à ces substances. A ce titre, la distance de 10 mètres ne semble pas suffisante", conclut l’épidémiologiste.