Gaz lacrymogène : Quel est l'impact réel sur la santé ?
Pour disperser ou dissuader les manifestants lors de manifestations ou d'émeutes, les forces de l’ordre emploient régulièrement des gaz lacrymogènes. Mais au-delà d’être irritants, ceux-ci sont-ils néfastes pour la santé ? Nous avons posé la question au Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste et directeur médical de Doctissimo.
L'emploi de gaz lacrymogène par les forces de l'ordre est devenu courant pour disperser les manifestations. Mais que sait-on vraiment de cette exposition aux gaz de ces armes non létales ? Peuvent ils impacter la santé des Français exposés ?
Des effets immédiats et irritants bien connus
Utilisés depuis des décennies, les effets des gaz lacrymogènes ont été largement documentés depuis. Y être exposé entraîne des irritations des yeux, du nez, de la bouche, de la gorge, accompagnées de larmes, et d’effet respiratoires tels que éternuements, toux, et difficultés respiratoires. Les gaz lacrymogènes ont également été associés à des effets néfastes sur le système nerveux central, le système cardiovasculaire et le système digestif.
Dans les cas extrêmes, sans aucune ventilation et moyen de fuir le gaz sur une durée prolongée (ce qui est rare), cette exposition peut provoquer des brûlures, des lésions pulmonaires, voire même la mort.
Des effets à long terme peu étudiés
Malgré tout, l’impact sur la santé à long terme des gaz lacrymogènes reste à ce jour moins bien étudié. Et c’est là que peuvent se nicher les inquiétudes des personnes en contact avec ces nuées. On sait aujourd’hui que ces gaz contiennent du CS dont la molécule principale est l’ortho-chlorobenzydène malonitrile, mais la composition des dispositifs n’est pas rendue publique à ce jour.
Selon un article de Libération du 29 avril dernier, on ignore en particulier les excipients utilisés pour garantir la stabilité du CS parmi lesquels pourraient figurer des retardateurs de flammes. Un rapport de l’Association toxicologie-chimie de Paris publié en juin 2020, supposait également déjà des dangers pour le corps humain “à plus ou moins long terme”, à cause notamment des molécules "CS" qui, après avoir été absorbées par l'organisme par voie respiratoire ou cutanée, muteraient en molécules de cyanure qui toucheraient la thyroïde.
Enfin, les effets des gaz lacrymogènes sur les populations à risque, telles que les enfants, les asthmatiques et les personnes âgées, ne sont pas suffisamment étudiés pour en connaître les risques.
Un temps de contact qui reste éphémère pendant les manifestations
En France, les gaz lacrymogènes ont été, et sont encore, largement utilisés par les forces de l'ordre face à divers mouvements sociaux, tels que les manifestations contre la réforme des retraites. Un phénomène dont est témoin le Dr Gérald Kierzek, directeur médical de Doctissimo et médecin urgentiste, qui soigne des irritations oculaires et des crises d’asthme causées par les gaz. Concernant l'inhalation de gaz lacrymogène, il évoque un contexte particulier qui ne doit pas forcément nous inquiéter :
"Comme toujours en cas d’inhalation, le danger vient du temps de contact et de l’atmosphère confinée qui permettrait une concentration de gaz. Or, dans le cadre des manifestations, le temps de contact avec le gaz lacrymogène reste assez court, se passe en extérieur donc dans un espace ventilé qui évite une concentration trop importante, et ce n’est pas une exposition qui se répète, a priori tous les jours ou toutes les semaines” rassure-t-il.
Pour autant, le médecin rappelle tout de même que le risque repose également sur l’utilisation qui en est faite par les forces de l’ordre. “Il y a une doctrine de l’emploi de ces armes (dites non létales) de la part de la police, notamment dans le cadre du maintien de l'ordre, qu’il convient de respecter, avec une utilisation proportionnée et avec discernement”.
Un respect de la doctrine qui peut être questionné. Dans la vidéo relayée par Libération, victimes, chercheurs, représentants d’associations et même policiers prennent la parole pour demander un meilleur encadrement de l’usage des gaz lacrymogènes par la police française. Voire son interdiction.