Mélanome avancé : moins de rechutes si l'immunothérapie est donnée avant la chirurgie
Lors du congrès mondial sur le cancer ASCO 2024, une étude montre qu'une combinaison d'immunothérapies avant la chirurgie d'un mélanome réduit le risque de récidives par rapport au traitement standard. Ces résultats devraient changer la prise en charge.
Mélanomes avancés : des récidives qui restent fréquentes
Le traitement standard actuel pour le mélanome de stade III qui peut être traité par chirurgie consiste à retirer la tumeur et les ganglions lymphatiques affectés, puis à administrer des médicaments systémiques, tels qu'une thérapie ciblée ou une immunothérapie, pour réduire les risques de récidive du cancer ( également appelées thérapies adjuvantes).
Une proportion importante de patients atteints d'un mélanome résécable de stade III présente une récidive après un traitement standard, à savoir un curage thérapeutique des ganglions lymphatiques avec un traitement adjuvant1-4.
De petites études ont suggéré que l’utilisation des immunothérapies plus tôt, avant la chirurgie (situation néoadjuvante) pourraient améliorer les résultats pour les patients5-7. Mais jusqu’alors, il n'y a pas eu d'essais cliniques de phase 3 utilisant l'immunothérapie néoadjuvante.
L’immunothérapie avant ou après la chirurgie ?
Présenté lors du congrès de l’ASCO 2024, l’essai de phase 3 NADINA8 vise à évaluer si le traitement par les immunothérapies ipilimumab et nivolumab9 avant l’ablation chirurgicale des ganglions lymphatiques était plus efficace que le traitement par nivolumab après l’ablation des ganglions lymphatiques.
Si ce traitement ne détruisait pas 90 % ou plus des cellules tumorales dans les ganglions lymphatiques retirés chirurgicalement (ce que l'on appelle une réponse pathologique majeure), les patients recevaient un traitement adjuvant (après chirurgie) avec du nivolumab ou, si la tumeur contenait une mutation particulière du gène BRAF, ils recevaient recevoir les thérapies ciblées dabrafenib plus trametinib.
27% de récidives en moins si l’immunothérapie est donnée avant
L'étude a inclus un total de 423 patients ; 212 participants recevant un traitement néoadjuvant et 211 participants recevant un traitement adjuvant. Les patients ont été suivis pendant une durée médiane de 9,9 mois. Et les résultats sont clairs en termes de réduction du risque de récidives :
- Moins de récidives chez ceux qui recevaient un traitement néoadjuvant que chez ceux qui recevaient un traitement adjuvant (28 événements contre 72 événements, respectivement). Ceux qui ont reçu un traitement néoadjuvant ont présenté une réduction absolue de 27 % du risque de récidive au cours des 12 premiers mois.
- A 12 mois, 83,7% des personnes recevant un traitement néoadjuvant ne connaîtraient plus d’événements, contre 57,2% de celles ayant reçu un traitement adjuvant. Environ 3 patients sur 5 ayant reçu un traitement néoadjuvant n'ont eu besoin d'aucun traitement adjuvant supplémentaire car ils ont présenté une réponse pathologique majeure et n'ont donc eu que 6 semaines de traitement.
- Chez les personnes présentant une mutation BRAF , les chercheurs ont estimé que 83,5 % des personnes ayant reçu un traitement néoadjuvant ne présentaient aucune récidive à 12 mois, contre 52,2 % ayant reçu un traitement adjuvant.
- Pour les personnes sans mutation BRAF, la survie sans récidive estimée à 12 mois était de 83,9 % pour le traitement néoadjuvant et de 62,4 % pour le traitement adjuvant.
Cette combinaison d’immunothérapies entraîne cependant des effets secondaires plus fréquents et plus graves : des effets secondaires graves liés à ces médicaments sont survenus chez 29,7 % des patients du groupe néoadjuvant et 14,7 % des patients du groupe adjuvant, même si la qualité de vie des deux groupes semble identique selon des résultats complémentaires10 présentés eux-aussi lors de l’ASCO 2024.
Vers un nouveau standard de traitement pour le mélanome
"Cet essai clinique randomisé de phase 3 confirme les données de plusieurs premiers essais cliniques selon lesquelles le traitement par immunothérapie du mélanome avant la chirurgie améliore les résultats par rapport aux patients recevant une immunothérapie uniquement après la chirurgie. Il est important de noter que dans cette étude, les patients ont reçu deux immunothérapies, le nivolumab et l'ipilimumab, confirmant ainsi des études antérieures plus petites selon lesquelles cette association est suffisamment tolérée, permet aux patients de subir la chirurgie potentiellement curative prévue et conduit à d'excellentes réponses" précise le Pr. Michael C. Lowe de l’école de médecine de l'Université Emory, (Atlanta) et principal auteur de l’étude.
Les chercheurs continuent leurs travaux afin d’étudier comment l’immunothérapie néoadjuvante peut être personnalisée dans le mélanome. Les données en qualité de vie, en survie sans métastases et en survie globale devront également compléter ces travaux, le suivi actuel d’un an à peine ne permettant pas de disposer de ces informations.
On sait que le mélanome est le premier cancer qui a pu bénéficier des immunothérapies et qui a vu son pronostic bouleverser par ces composés. Aujourd’hui, c’est logiquement sur ce cancer redoutable que le recours aux immunothérapies avant la chirurgie est évalué, mais on peut penser que ces résultats très encourageants (même si on attend les données en survie globale) pourraient conduire à explorer cette même stratégie dans d’autres cancers.