Cancer du sein : il est essentiel de mieux prévenir les risques de dépression des patientes
Chez les femmes atteintes d’un cancer du sein, les symptômes dépressifs sont fréquents et ne doivent pas être négligés. Car ils altèrent fortement la qualité de vie et sont associés à une moins bonne observance du traitement et un risque de décès plus important. Une enquête française présentée dans le cadre du congrès mondial sur le cancer ASCO 2024 a voulu déterminer les facteurs favorisant une dépression pour mieux la prévenir et anticiper ses conséquences.
20% des femmes ont développé une dépression pendant le traitement et le suivi
Pour mener à bien ce travail, l’équipe de chercheurs de Gustave Roussy s’est appuyée sur la cohorte CANTO, promue par Unicancer, lancée en 2012 dans 26 centres en France et constituée de 14 000 femmes atteintes de cancer du sein localisé. L’étude menée par le docteur Antonio di Meglio, oncologue médical à Gustave Roussy, porte sur les éventuels troubles dépressifs de 9 087 patientes de cette cohorte. Toutes ont été suivies pendant six ans après le diagnostic. L’ensemble de ces femmes a bénéficié d’une chirurgie, environ 90 % d’une radiothérapie, 82 % d’une hormonothérapie et 53 % d’une chimiothérapie.
"Ce travail nous a permis d’identifier plusieurs groupes de femmes en fonction de leurs symptômes dépressifs, explique le docteur Antonio di Meglio. Au total, 70 % d’entre elles ont eu peu ou pas de symptômes dépressifs, lors du diagnostic et du traitement, au cours des 6 années de suivi. Près de 7% des patientes dans cette étude présentaient déjà des troubles dépressifs au moment du diagnostic, troubles qui se sont très vite résolus après le traitement actif (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie). En revanche, 20% de ces femmes ont développé une dépression pendant la phase de traitement ou pendant le suivi de six ans, alors qu’elles n’avaient pas forcément de troubles dépressifs avant le diagnostic".
L’âge, l’IMC et le niveau socio-économique liés au risque de dépression
La phase du traitement actif était la plus à risque pour l’apparition et l’aggravation des symptômes dépressifs. En revanche, le type de traitement reçu n’apparaît pas comme un facteur de risque de dépression.
Certains facteurs de risque ont pu être identifiés : Les femmes les plus âgées ont un risque accru de dépression, tout comme celles ayant un indice de masse corporelle élevé (en surpoids ou obèses) et celles ayant un niveau socio-économique plus faible. Les femmes ayant des antécédents de troubles psychiatriques, celles se plaignant déjà d’une plus grande fatigue, souffrant de problèmes d'anxiété, de troubles cognitifs ou encore ayant une mauvaise image corporelle d’elles-mêmes au moment du diagnostic étaient également plus susceptibles de présenter des symptômes dépressifs.
Des conséquences psychologiques et physiques à mieux appréhender
Les patientes touchées par la dépression ont également évoqué un impact plus important du cancer dans leur vie : impact positif avec plus d’altruisme, d’empathie à l’égard des autres, sensibilisation plus importante à la santé ; mais aussi impact négatif avec plus d’inquiétude de manière générale, concernant notamment l'emploi et les relations avec le partenaire.
Pendant la phase de traitement, la plus souvent associée à l’apparition du trouble dépressif, un changement d’hygiène de vie, avec prise de poids, réduction de l'activité physique, consommation accrue d'alcool, a été associé à des symptômes dépressifs plus graves.
Ces données permettent d’identifier les femmes les plus à risque dès le diagnostic pour prévenir les dépressions grâce à des stratégies adaptées. "Le dépistage et le suivi des symptômes dépressifs sont essentiels pour intercepter la vulnérabilité psychologique des femmes ayant un diagnostic de cancer du sein", conclut le Dr Di Meglio. "Un soutien psychologique adapté ainsi que des interventions visant à atténuer les comportements à risque pour la santé comme prise de poids, sédentarité et consommation d’alcool particulièrement pendant la phase du traitement, pourraient aider réduire les symptômes dépressifs à long terme après le traitement d’un cancer du sein".