Mis en place en février 2023, le congé menstruel peine encore à convaincre en Espagne
Beaucoup de femmes souffrent de règles anormalement douloureuses, ce qui les handicape dans leur vie professionnelle. Des pays comme l’Espagne ont créé un congé menstruel pour leur permettre de s’absenter du travail, sans perte de salaire. Mais ce dispositif peine à prendre dans la péninsule ibérique.
En Espagne, seuls 1.418 arrêts maladie pour menstruations incapacitantes ont été dénombrés en 2023, selon des chiffres du ministère de l’Inclusion cités par El Pais. C’est peu par rapport aux 8,8 millions de demandes d’arrêt qui ont été enregistrées l’année dernière dans le pays.
Pourtant, depuis février 2023, les Espagnoles aux règles douloureuses peuvent se voir accorder des jours de congé. Pour les obtenir, elles doivent toutefois consulter un médecin, qui atteste qu’elles présentent une dysménorrhée secondaire, c’est-à-dire des douleurs menstruelles associées à une pathologie gynécologique (endométriose, syndrome des ovaires polykystiques, etc.). Ce dispositif, inédit en Europe, avait été vivement salué quand il a été adopté par les députés espagnols. "C’est un jour historique pour les avancées féministes", avait déclaré sur X (nouveau Twitter) Irene Montero, qui était alors ministre de l’égalité.
Hoy es un día histórico de avance en derechos feministas: la nueva Ley del Aborto y la Ley Trans y de derechos LGTBI van a ser ley 🏳️⚧️💚 pic.twitter.com/tcW0kGheTT
— Irene Montero (@IreneMontero) February 16, 2023
On aurait donc pu s’attendre à ce que les Espagnoles profitent de ce nouveau droit, surtout que le ministre de l’Égalité estime que 60.000 femmes actives sont atteintes de règles invalidantes dans le pays. Mais les principales concernées n’osent pas toujours recourir au dispositif du congé menstruel. Nombre d’entre elles choisissent de ne pas consulter, minimisant leurs douleurs parce qu’elles redoutent de ne pas être prises au sérieux par leur employeur ou leur médecin.
En effet, les professionnels de santé ne sont pas toujours suffisamment formés pour bien accompagner les femmes sujettes aux règles douloureuses. Ils n’ont pas été nécessairement bien renseignés sur l’endométriose, et plus généralement les maladies gynécologiques. Heureusement, depuis quelques années, la parole se libère. La nouvelle visibilité des menstruations permet de faire avancer la recherche médicale sur le sujet, et donc de lever petit à petit les barrières de l’accès aux soins.
Néanmoins, il reste encore du chemin à parcourir avant que les femmes, en Espagne et ailleurs, se sentent libres de briser le tabou des règles douloureuses au travail. Le congé menstruel reste un droit rare à l’échelle mondiale, même si plusieurs pays l’ont mis en place, avec ou sans jour de carence. La France n’en fait pas partie, bien que la municipalité de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) expérimente ce dispositif depuis fin mars 2023.