La thérapie sonogénétique, une nouvelle technique qui pourrait restaurer la vision
Selon une nouvelle étude française, une nouvelle technique à base de modification génétique de neurones et d'ultrasons pourrait, à terme, restaurer la vision de patients dont le nerf optique est atteint. Testée pour le moment chez la souris, la sonogénétique s’annonce comme un espoir pour tous ceux qui ont perdu la vue.
Une nouvelle technique pourrait-elle redonner la vue à des personnes atteintes de glaucome, de rétinopathie diabétique ou de neuropathies optiques ? Selon un communiqué de l’Inserm paru le 3 avril, l’espoir est permis, grâce à une thérapie, associant génétique et ultrasons, qui a fonctionné pour le moment sur des rongeurs.
Qu'est-ce que la sonogénétique ?
Selon le communiqué de l’Inserm, cette thérapie "sonogénétique" consiste à "modifier génétiquement certains neurones afin de pouvoir les activer à distance par des ultrasons". Ces ultrasons peuvent, sans aucun contact, accéder à des tissus dans différentes zones plus ou moins en profondeur, et notamment dans le cortex visuel, la zone qui intègre les informations visuelles.
Cette technologie avait préalablement été testée en culture et les premiers tests in vivo n’avaient pas permis de prendre conscience de son potentiel thérapeutique lié à sa très haute résolution spatiotemporelle. C’est désormais chose faite.
Des scientifiques apportent la preuve de concept d'une #thérapie associant #génétique et #ultrasons : la sonogénétique
— Inserm (@Inserm) April 3, 2023
Cette découverte permet d’envisager à terme une application chez les personnes aveugles atteintes d’atrophie du nerf optique
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Activer des neurones à distance par des ultrasons
Menée sur des rongeurs, rats et souris, par l'équipe de chercheurs, la stimulation sonogénétique du cortex visuel a en effet induit une réponse comportementale associée à une perception lumineuse. Au préalable, l'animal a appris à chercher à boire dès qu’il percevait une source lumineuse. Lors de la stimulation par les ultrasons, le rongeur a cherché à boire, son comportement suggérant que la stimulation de son cortex a induit la perception lumineuse. La thérapie a fonctionné sur différents types de neurones, qu’ils soient situés dans la rétine ou dans le cortex visuel des rongeurs, montrant le caractère universel de cette approche.
“En convertissant les images de notre environnement sous forme d’une onde ultrasonore codée pour stimuler directement le cortex visuel, et ce à des cadences de plusieurs dizaines d’images à la seconde, la thérapie sonogénétique apparaît comme un réel espoir pour restaurer la vue des patients ayant perdu la fonction du nerf optique” indique le communiqué.
Restaurer la vue à des patients sans solution
Contacté par Doctissimo, Serge Picaud, directeur de recherche Inserm et de l’Institut de la vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS) évoque le caractère précurseur de cette nouvelle technique :
“D’autres études avaient montré qu’on pouvait activer des neurones avec des ultrasons, mais elles n’avaient jamais montré que cette approche avait une résolution spatiale et une résolution temporelle chez l’animal, qui permettent de faire ce type de thérapie, comme la restauration visuelle.”
D’autres études sont toutefois encore nécessaires pour espérer une application chez l‘homme, mais rien ne semble impossible pour le chercheur : “Il reste une étape importante à franchir, celle de montrer qu’avec cette stratégie on puisse faire voir des formes et des mouvements aux animaux. Dès lors qu’on aura démontré cela, on pourra passer aux études sur l‘humain”.
L'espoir est immenses, car si les résultats se confirment, cette thérapie pourrait réussir à restaurer la vue des patients de manière stable et en toute sécurité.
Vers une nouvelle génération d’interface cerveau-machine
Mais au-delà d’une grande avancée face aux problèmes de vision, c’est tout un champ d'applications qui semble s’ouvrir grâce à cette thérapie sonogénique.
Cette approche de stimulation sonogénétique offre une technologie innovante pour interroger le fonctionnement du cerveau. À la différence des prothèses ou des stimulateurs neuronaux actuels, son fonctionnement "sans contact" et sélectif d’un type cellulaire représente une innovation majeure par rapport aux dispositifs avec électrodes, comme nous le confirme le Serge Picaud.
“On élargit ainsi ce qu’on appelle l’interface cerveau-machine, qui impliquait de stimuler le cerveau par des électrodes. Ici, nous montrons qu’on peut le faire sans électrode et à distance. Notre thérapie génique fait exprimer une protéine sensible aux ultrasons. L'intérêt est que l’on peut tout à fait restreindre l'activation à certains neurones, ce qu’on ne peut pas faire avec l'électrode. On est en train de passer dans une nouvelle génération d'interface, qui pourquoi pas, sera capable d’autres applications dès lors qu’on doit stimuler des zones du cerveau. La neurostimulation face à la maladie de Parkinson notamment pourrait en bénéficier”.