Cancer du sein : une piste de traitement protecteur de la fertilité
Traitement connu pour pour ralentir la progression des tumeurs, l'évérolimus pourrait également prévenir l'infertilité chez les femmes traitées par chimiothérapie. Après des résultats encourageants chez l'animal, cette stratégie pourrait rapidement être testée chez des femmes souffrant d'un cancer du sein.
La chimiothérapie compromet les projets de grossesse
Même s'il n'est pas impossible aux femmes en âge de procréer d'avoir des enfants après un cancer du sein, les scientifiques cherchent à préserver la fertilité des jeunes patientes, altérée par les traitements, et leur éviter une ménopause précoce. On sait que la chimiothérapie peut altérer la fonction de reproduction (en agissant sur la production et la qualité des gamètes, la sexualité, la fonction endocrine…). Les femmes traitées par chiliothérapie ont un risque de souffrir d’insuffisance ovarienne. Ce traitement qui tue les cellules cancéreuses peut également avoir sur les follicules ovariens, plus sensibles1. Résultat : il diminue la quantité et la qualité des ovules.
Pour les femmes qui souhaitent avoir un enfant après leur traitement, il est possible de stocker et congeler des ovules ou des embryons ou depuis peu du tissu ovarien, avant d’initier la chimiothérapie. Mais cette solution reste "coûteuse, moins efficace avec l'âge et ne garantit pas la protection de la fonction ovarienne à long terme", souligne Kara Goldman endocrinologue et auteur d'une étude qui évoque une autre stratégie possible.
L'évérolimus préserverait la fertilité
L'évérolimus, un immunosuppresseur, protège les ovaires de la cyclophosphamide, une chimiothérapie utilisée souvent contre le cancer du sein, mais connue pour épuiser la réserve ovarienne, révèle une étude américaine2.
Les chercheurs du centre médical Langone à New-York ont constaté ce phénomène chez des souris femelles. L'évérolimus est déjà connu des équipes médicales. Commercialisé dans l'Union européenne en 2013 sous le nom "Afinitor", il est notamment utilisé pour ralentir la croissance des tumeurs de certains cancers du rein et du sein, mais son action diffère de celles des chimiothérapies.
Les souris traitées avec l'évérolimus (à des doses équivalentes à celles prescrites chez l'homme) associé à la chimiothérapie ont eu deux fois plus de petits que les souris traitées au moyen de la seule chimiothérapie, souligne l'étude. Ces dernières ont subi une perte de 64% de leur nombre initial de follicules, comparé aux souris ayant pris la combinaison des deux traitements.
Les chercheurs espèrent valider l'année prochaine ces résultats lors d'essais cliniques chez des femmes souffrant d'un cancer du sein.
Demain mieux lutter contre les ménopauses précoces ?
Pour préserver la fertilité des femmes traitées, d'autres stratégies ont été envisagées comme une protection hormonale3,4,5,6 dont nous nous faisions l'écho en 2014. La première priorité est de s'assurer de la bonne information des patientes sur l'impact du traitement sur la fertilité et sur les options lui permettant de préserver au mieux ces chances d'avoir un enfant. A ce titre, le plan cancer 2014-2019 prévoit d’améliorer cette situation en systématisation l’information des patients sur ce sujet dès la consultation d’annonce, en développant de nouvelles recommandations professionnelles pour les médecins, en assurant un égal accès des patients aux différentes techniques de préservation de la fertilité et en favorisant la recherche dans ce domaine7.
Au-delà du cancer du sein, les problèmes de fertilité ou d'insuffisance ovarienne touchent une population plus large de femmes. Les ménopauses avant l'âge de 40 par exemple, même en absence de chimiothérapie, concernent des femmes qui ont un déficit de production de follicules par les ovaires. Beaucoup de femmes en pré-ménopause rencontrent aussi des dysfonctionnements hormonaux liés à cette perte de follicules dans les ovaires "vieillissants", comme la dépression, la perte osseuse et la maladie cardiaque. Ce traitement pourrait s'appliquer à ces différents cas de figure, concluent les chercheurs.