Cancer du sein : la radiothérapie hypofractionnée va-t-elle se généraliser ?
Les deux-tiers des femmes atteintes d'un cancer précoce du sein aux Etats-Unis sont traitées par radiothérapie plus longtemps que nécessaire, selon une étude publiée en ligne mercredi dans le Journal of the American Medical Association (JAMA). Quelle est la tendance en France ?
Aux Etats-Unis, la vaste majorité des femmes ayant subi une ablation de la tumeur tout en préservant le sein ont reçu six à sept semaines de radiothérapie. Mais quatre essais cliniques et les recommandations de plusieurs associations médicales, dont l'American Society for Radiation Oncology, indiquent que trois semaines sont suffisantes avec la technique dite de radiothérapie hypofractionnée.
Celle-ci consiste en l'administration de doses plus élevées de radiations par séance pendant deux fois moins longtemps. Cette approche est tout aussi efficace pour traiter un cancer du sein tout en étant plus pratique et moins coûteuse, expliquent ces chercheurs.
Radiothérapie hypofractionnée : un traitement pas assez utilisé
“La radiothérapie hypofractionnée n'est pas souvent utilisée pour les femmes souffrant d'un cancer précoce du sein même si ce traitement est de grande qualité et coûte moins cher“, explique le Dr Justin Bekelman, professeur adjoint de radiologie du cancer à la faculté de médecine de l'Université de Pennsylvanie, principal auteur de cette étude.
“Cliniquement, c'est l'équivalent d'une radiothérapie plus longue pour traiter un cancer du sein avec des effets secondaires similaires tout en étant plus pratique pour les malades en leur permettant de retourner plus tôt chez elles et au travail“, a-t-il souligné.
La radiothérapie pour des femmes opérées d'une tumeur non-avancée du sein prodiguée quotidiennement pendant cinq à sept semaines a été le traitement de choix aux Etats-Unis pendant des décennies.
Une réduction des coûts
Les auteurs de cette étude ont déterminé qu'en 2013, 34,5% de ces femmes de plus de 50 ans ont été traitées par radiothérapie hypofractionnée, contre à 10,8% en 2008.
Mais parmi les jeunes femmes et celles atteintes d'une tumeur plus avancée, seulement 21,1% ont bénéficié de ce traitement en 2013, contre 8,1% cinq plus tôt.
Ces chercheurs ont aussi constaté que le recours à la radiothérapie hypofractionnée réduisait les coûts totaux des soins par les assurances médicales de 10% la première année après le diagnostic.
De nombreux autres pays appliquent déjà largement cette approche radiothérapeutique. Ainsi au Canada plus de 70% des femmes en bénéficiaient déjà en 2008.
La radiothérapie hypofractionnée en France
En France, le recours à la radiothérapie pour soigner un cancer du sein après une chirurgie conservatrice est de plus en plus fréquent. Une étude réalisée en 2013 par Unicancer (un groupement de centres anticancer privés) prévoyait que 45% des cancers du sein passerait de 30 à 20 séances, d’ici 2020.
Selon Alain Fourquet, chef du département de radiothérapie à l’Institut Curie, des facteurs entrent en compte dans le choix de la radiothérapie hypofractionnée : “La mobilité et le critère géographique sont à prendre en compte. La radiothérapie hypofractionnée concerne d’abord des femmes de plus de 50 ou 60 ans, qui ont soit du mal à se déplacer ou qui se trouvent loin de l’établissement dans lequel elles se font soigner“. A l’Institut Curie, la radiothérapie hypofractionnée concerne 40% des femmes touchées par un cancer du sein et ayant subi une chirurgie conservatrice.
Des études sont actuellement en cours pour avoir plus de chiffres sur la radiothérapie hyprofractionnée en France, une pratique encore récente (les premières données ont été publiées en 2008).
Outre la géographie et la mobilité, le coût de ce type de traitement est déterminant : “certains établissements préfèrent avoir recours à une radiothérapie plus longue (supérieure à 5 semaines) qui implique un nombre plus important de séances facturées et donc plus d’argent“, précise le Dr Alain Fourquet. En 2013, des spécialistes proposaient d’évoluer vers une tarification forfaitaire pour généraliser la radiothérapie hyprofractionnée.
Annabelle Iglesias avec AFP/Relaxnews
Sources : Uptake and Costs of Hypofractionated vs Conventional Whole Breast Irradiation After Breast Conserving Surgery in the United States, 2008–2013, The Journal of the American Medical Association, décembre 2014 (accessible en ligne)
Entretien avec le Dr Alain Fourquet, chef du département de radiothérapie à l’Institut Curie, 11 décembre 2014.