Cancer du sein : mieux prendre en compte l'altération de la vie intime
En France, l'espérance de vie des femmes atteintes de cancer du sein progresse : l'estimation du taux de survie à 5 ans est supérieure à 85 % et plus de 94 % des femmes qui reçoivent un traitement conservateur n'aura pas de récidive locale à 10 ans. Mais les traitements comportent certains effets indésirables qui peuvent perturber la vie intime de la femme mais aussi du couple. Rarement abordés lors du suivi médical, ces problèmes restent méconnus et peu considérés. Une étude de l'Institut Curie souligne leur ampleur.
Les effets indésirables des traitements et/ou les séquelles qui peuvent persister plusieurs années peuvent perturber la vie sexuelle. Chez de nombreuses femmes, on constate un sentiment de dévalorisation et d'atteinte de la féminité, voire de l'identité (notamment lorsqu'il y a eu mastectomie avec reconstruction). Peuvent alors survenir des troubles de la libido et une insatisfaction persistante, qui peuvent affecter la relation de couple. Encore taboues, ces difficultés sont rarement prises en charge.
Grâce au soutien de l'entreprise Simone Pérèle, les psycho-oncologues de l'Institut Curie ont mené une étude pour identifier et quantifier ces difficultés. Grâce à un questionnaire sur la qualité de vie, l'intimité et l'image de soi, a donc été proposé à 850 femmes âgées de 18 à 70 ans traitées pour un cancer du sein non métastatique, dans une période allant de 6 mois à 5 ans après leur traitement (hors hormonothérapie). Au total, 53 % ont accepté de participer et 43 % ont effectivement répondu au questionnaire (principalement les plus jeunes). “Un nombre substantiel de femmes interrogées rencontre des problèmes sexuels (décroissance de la libido, difficulté à atteindre l'orgasme, douleurs) en lien avec l'expérience du cancer“ explique Anne Brédart, psycho-oncologue à l'Institut Curie, coordinatrice de l'étude.
Dans le détail : - 29 % des patientes déclarent ne pas avoir d'activité sexuelle. Contrairement à la population générale pour laquelle le défaut d'activité sexuelle est très souvent lié à une absence de partenaire, les femmes ayant répondu à cette étude évoquent aussi un désintérêt pour l'activité sexuelle, des problèmes physiques ou la fatigue ; - Sur les 71 % ayant témoigné d'une activité régulière, plus de la moitié exprime une altération, du désir (58 %) ou de la capacité à atteindre l'orgasme (51 %) ; - 20 % ressent une distance émotionnelle au sein du couple ; - 25 % perçoit une peur des rapports sexuels chez leur partenaire ; - 65 % estime ne pas avoir été suffisamment informées des effets du cancer et de ses traitements sur la sexualité.
Pour répondre au manque d'information, une formation spécialisée, des consultations spécifiques et des groupes de paroles ont été mis en place pour les professionnels de santé (médecins, chirurgiens, infirmiers...) à l'Institut Curie. “Lors du traitement d'un cancer, c'est tout l'équilibre d'une famille ou d'un couple qui peut être remis en cause“ explique le Dr Sylvie Dolbeault, chef du département Interdisciplinaire de soins de support à l'Institut Curie.
Enquête, consultations pour les couples et groupes de paroles facilitent la communication autour de sujets souvent peu abordés, comme l'intimité et la sexualité, chez les patientes atteintes de cancer du sein et améliorent sensiblement leur qualité de vie.
Luc Blanchot
Source : Communiqué de l'Institut Curie - 29 septembre 2010