Polycap : une super pilule pour diminuer le risque cardiaque ?
Une pilule associant cinq médicaments connus pourrait réduire de moitié le risque de maladie cardiovasculaire. Cumulant une prise unique avec un faible coût, la Polypill fait figure de révolution médicale. Le point sur des résultats prometteurs.
Présentée dans le cadre du très prestigieux congrès de l'American College of Cardiology, une étude indienne publiée dans la prestigieuse revue scientifique The Lancet promet de réduire de 50 % le risque cardiovasculaire grâce à une seule pilule quotidienne. Info ou intox ?
Polypill : une association de 5 médicaments connus Les maladies cardiovasculaires sont responsables de plus de 17 millions de décès par an dans le monde. Avec environ 200 000 décès par an en France, ils constituent la 2e cause de mortalité (derrière le cancer). Face à ce risque, la prévention du risque cardiovasculaire (réduction du risque d'infarctus et d'attaques vasculaires cérébrales) repose sur la maîtrise de différents facteurs : alimentation équilibrée et pauvre en graisses, exercice physique régulier, lutte contre le surpoids, arrêt du tabac, alcool modéré, recherche et traitement d'une hypercholestérolémie, d'une hypertension artérielle, d'un diabète, etc. Par ailleurs, plus l'âge augmente, plus le risque s'élève. En 2003, Nicholas Wald et Malcolm Law lancent un pavé dans la mare : ils estiment dans le British Journal of Medicine qu'une seule gélule pourrait réduire de 80 % le développement des maladies cardiovasculaires. Dans cette nouvelle gélule baptisé Polypill, pas de composé miracle mais l'association de plusieurs médicament déjà connus et “généricables“ (leur brevet étant tombé dans le domaine public). Mais ces hypothèses ne reposaient jusqu'alors sur aucune démonstration clinique, simplement sur des calculs en se basant sur les études cliniques existantes.
Polypill : des résultats encourageants Des scientifiques indiens ont pris au mot les chercheurs anglais et ont créé la fameuse pilule. Dans sa composition, on retrouve : - Trois médicaments contre l'hypertension à faible dose (12,5 mg de thiazide, 50 mg d'atenolol et 5 mg de ramipril) ; - Un médicament anticholestérol de la classe des statines (20 mg de simvastatin) ; - 100 mg d'aspirine, inclus en tant qu'antiagrégant plaquettaire (l'aspirine à faible dose est un des outils de la prévention cardiovasculaire). Ils l'ont ensuite comparée pendant trois mois à huit médicaments classiques de prévention cardiovasculaire sur plus de 2 000 personnes de 45 à 80 ans, porteuses d'au moins un facteur de risque (obésité, hypertension, diabète de type 2...). Au total, 412 personnes ont pris la Polypill pendant 12 semaines. Les 1600 autres participants à l'essai clinique ont été répartis en groupes d'environ 200 et ont reçu 1 à 3 des 5 médicaments utilisés dans la Polypill, à la même dose mais en comprimés séparés. Résultat : Après 3 mois, les personnes ayant reçu la Polypill ont vu leur tension artérielle baisser de près d'un point (0,7 en moyenne), tout comme ceux qui ont pris les trois médicaments antihypertenseurs séparément. La Polypill a également permis d'augmenter la fluidité du sang, de baisser le mauvais cholestérol et la fréquence cardiaque. De plus cette pilule a été aussi bien tolérée que les médicaments administrés séparément aux 8 autres groupes de l'étude (pas de majoration apparente des effets secondaires).
Une réduction de 60 % des maladies cardiaques ? A la lumière de ces résultats d'analyses biologiques, les auteurs tablent sur une réduction de 60 % des maladies cardiaques avec l'utilisation régulière de la Polypill chez les plus de 55 ans ! Ils en attendent également une diminution de 50 % des attaques vasculaires cérébrales (AVC). Très prometteurs, ces résultats (d'efficacité et de tolérance) devront cependant être confirmés dans le cadre d'une étude de plus grande ampleur et sur une plus longue période. Pour constater la réelle diminution du risque de mortalité cardiovasculaire, cette étude devra s'étendre sur plusieurs années. Autre bémol : administrer “à l'aveugle“ un tel composé entraînerait probablement un bouleversement des politiques de prévention, avec un risque éventuel d'abandon de la sensibilisation médicale ou gouvernementale aux bonnes habitudes si difficiles à instaurer (arrêt du tabagisme, lutte contre l'obésité et la sédentarité, alimentation équilibrée, etc.). Néanmoins, une telle pilule (si son efficacité est confirmée) pourrait changer la prévention cardiovasculaire. Dans les pays occidentaux, elle faciliterait l'observance de traitements au long cours par les patients (un seul comprimé étant plus facile à prendre que plusieurs par jour). Dans les pays en voie de développement, elle offrirait une solution inédite à moindre coût ! Affaire à suivre donc... Dr Jean-Philippe Rivière et David Bême
Sources : - BMJ 2003;326(7404):1419
- Effects of a polypill (Polycap) on risk factors in middle-aged individuals without cardiovascular disease (TIPS): a phase II, double-blind, randomised trial. The Indian Polycap Study (TIPS). The Lancet, Early Online Publication, 30 March 2009.
- Maladies cardiovasculaires, aide-mémoire, Organisation Mondiale de la Santé, février 2007
