Enfant : comment réagir face à ses mots blessants ?

Ariane Langlois
Ariane Langlois Journaliste spécialisée en santé et psychologie
Publié le  , mis à jour le 
en collaboration avec Angélique Kosinski (Psychologue pour enfants et adolescents)

Réagir face aux mots blessants d’un enfant

Avec la parole, nos enfants acquièrent un pouvoir, qu’ils commencent à tester dès tout-petit. Questions incongrues, remarques pointues et critiques franches ont le don de nous déstabiliser. A l’adolescence, des mots durs et blessants peuvent même être prononcés, nous poussant à bout. Angélique Kosinski, psychologue pour enfants et adolescents, donne des clefs pour bien réagir.

Quels sont leurs mots durs préférés ? 

"Pourquoi t’as les dents jaunes ?", "C’est quoi les plis autour de tes yeux ?", "Han, t’as plein de boutons sur le front !", "Pourquoi tu t’énerves tout le temps ?"… Nos enfants nous observent sous toutes nos coutures et livrent spontanément tout ce qui leur vient à l’esprit. Le problème, c’est que leurs remarques naïves sont rarement agréables à entendre. "Pire, elles placent un effet de loupe sur nos défauts, qu’ils soient physiques ou psychologiques, ce qui a le don de nous agacer profondément", observe Angélique Kosinksi, psychologue pour enfants et adolescents. 

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En grandissant, leurs remarques se font plus acerbes, agrémentées de longs soupirs, de haussements d’épaule fatalistes et d’yeux au ciel : "T’es moche !", "T’es nul(le) !", "Laisse tomber, de toute façon, tu comprends rien". Jusqu’à l’adolescence où des mots où des mots encore plus blessants peuvent être lancés : "Je te déteste !", "Avec Papa, c’est bien mieux qu’avec toi !", "Je préfèrerais mourir que d’habiter avec toi !", "Je voudrais avoir une autre mère !".

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Vers quel âge surviennent les mots durs ? 

Dès que l’enfant acquiert un bon langage et se rend compte que quelques mots suffisent à exercer un pouvoir sur les adultes qui l’entourent, il est tenté de s’en servir. Ainsi, vers 3 ans, les premières remarques gênantes, énoncées haut et fort en public, peuvent intervenir : "Dis, pourquoi la dame, elle est grosse ? ", "On dirait une sorcière avec ses cheveux", "Il a de moches dents, le monsieur !", "J’aime pas sa voix"… Un silence passe. Vous ne savez plus où vous mettre et tentez maladroitement de rattraper le coup, en fournissant des excuses et en reprenant vertement votre enfant. 

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Rassurez-vous, la plupart des parents se sont déjà trouvés dans cette situation ! "C’est une phase de développement tout à fait normale, il n’y a pas lieu de s’inquiéter de cela, sauf si cela devient trop récurrent", précise la psychologue. Vous l’avez compris, la situation peut durer jusqu’à l’adolescence, alors un conseil : armez-vous de patience ! 

Qu’est-ce que signifient les mots durs des enfants ?

Les premières remarques peuvent vous laisser sans voix. Vous ne reconnaissez plus votre enfant dans ce petit être qui multiplie les remarques impertinentes, y compris en public ! Où est passé l’enfant qui vous admirait ouvertement, vous considérait comme une princesse ou un héros, voulait vous imiter dans tout et multipliait les compliments à votre égard ? "C’est difficile à supporter d’une part parce qu’on a le sentiment de tomber de son piédestal, d’être moins aimé quelque part par son enfant, soulève Angélique Konsinski. Mais aussi parce qu’on a l’impression de perdre en autorité face à lui". La honte, la colère peuvent prendre le dessus et vous mener à une mauvaise réaction. 

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En réalité, si les enfants agissent ainsi, c’est au départ parce qu’ils n’ont pas encore acquis le filtre nécessaire à la vie en société. "Ils ne connaissent pas le politiquement correct, ne savent pas ce qu’il faut ou ne faut pas dire, ni quelles conséquences peuvent avoir des mots malheureux, décrypte Angélique Kosinski. Vous avez des cernes ou un bouton ? Une femme très ronde passe dans la rue ? Ils vous le font remarquer, sans penser à mal. Pour eux, cela relève simplement de l’observation. Ils énoncent une vérité et ne comprennent pas l’éventuelle mauvaise réaction que cela peut susciter". 

A partir de 6-7 ans, les choses sont un peu différentes. L’enfant a compris que les mots peuvent blesser et commence à user de ce pouvoir . "Inconsciemment, il acquiert aussi le sentiment que les parents ne sont pas parfaits (eux aussi commettent des erreurs, s’énervent pour un rien etc.). Il n’est plus dans l’idolâtrie et c’est positif ! Cela le rassure : il se dit qu’il a le droit, lui aussi, de se tromper"

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A la préadolescence et à l’adolescence, les mots deviennent une arme pour s’affirmer : l’enfant s’individualise, les parents ne sont plus sa seule référence. La parole lui sert à exprimer ses opinions, pas toujours politiquement correctes. Dans un excès de colère, il appuie volontairement là où il sait que ça fait mal. "C’est difficile à supporter pour le parent, reconnaît la thérapeute. Très souvent, on idéalise son enfant, on projette beaucoup de choses sur lui. Ses piques et mots durs nous déçoivent. On le prend vraiment pour soi, on se remet en cause dans notre relation avec lui, dans notre éducation. Il faut pourtant apprendre à se détacher de ces sentiments : l’enfant se cherche, sa colère n’est pas forcément entièrement dirigée vers nous".

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Comment bien réagir face aux mots durs d’un enfant ?

Tout petit, recadrez-le gentiment et amenez-le à prendre conscience de la portée de ses remarques en prenant des exemples : "Oui, j’ai des dents jaunes et des boutons, mais tu sais, ce n’est pas quelque chose qu’il faut dire car cela peut blesser. Imagine que quelqu’un te dise qu’il n’aime pas ta couleur de cheveux : ne serais-tu pas triste ?". Il vous rétorque qu’il s’en fiche ? Répondez-lui simplement : "Je n’en suis pas si sûr(e)". Et quittez la pièce en le laissant réfléchir à ce qui vient de se passer. Il y a fort à parier que, ne voulant pas perdre votre amour, votre enfant reviendra vers vous plus tard avec un baiser et un mot doux : "Tu sais, je t’aime quand même, tu es la plus belle/le plus fort".

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Autre outil à dégainer : l’humour ! "Oui, c’est vrai que je suis mal coiffée, mais ton Papa aime mes cheveux foufous !" ou "C’est mon côté sorcière !". Profitez-en aussi pour faire passer des messages, parler de la différence, rappeler qu’il ne faut jamais se moquer d’un(e) camarade à l’école. En clair, apprenez-lui l’empathie !

Quoi qu’il arrive, ne le punissez pas ! Cela n’aurait pas de sens. Ne lui interdisez pas non plus de s’exprimer : il doit pouvoir dire toutes ses vérités à la maison, dans un cadre rassurant, sous peine de se venger à l’école. Reprenez-le en douceur à chaque remarque, pour l’aider à intégrer progressivement ce fameux "filtre social" qui l’aidera à se faire des amis et à les garder. "En grandissant, c’est la même chose, même si les mots se font plus blessants, insiste Angélique Kosinski. Le plus important est de ne pas rentrer dans son jeu, quand c’en est un. Si l’enfant voit qu’il y a une faille, il va s’engouffrer dedans, notamment dans le cadre d’un divorce, lorsque les parents sont à couteaux tirés. C’est vous l’adulte, c’est à vous de garder votre calme". Répondez-lui posément : "J’entends bien ce que tu me dis. Mais j’aimerais comprendre : peux-tu m’expliquer pourquoi tu me dis ça ?". Redites-lui là encore que cela fait mal et qu’il y a d’autres moyens que l’attaque verbale injustifiée pour exprimer son mécontentement, sa frustration, sa tristesse ou sa colère.

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Quelles sont les erreurs à ne pas commettre ?

  • Répondre du tac au tac : "Eh bien moi non plus, je ne t’aime pas !". Surpris par votre colère et votre violence, votre enfant risque d’en remettre une couche. "Il cherche à vous dire quelque chose, à vous interpeller. Et il n’a trouvé que ce moyen - la provocation - pour entrer en communication avec vous", analyse la psychologue. Demandez-lui plutôt des explications, pour désamorcer la situation de tension. Travaillez aussi sur votre réception du message et la manière d’y répondre de manière appropriée. 
  • Vous énerver en public, en vous voulant affirmer votre autorité aux yeux des autres. "Ne cédez pas à la provocation, soyez ferme de manière à clore tout de suite la conversation : "J’ai entendu ce que tu m’as dit, on en reparlera à la maison", conseille la thérapeute.
  • Passer à côté d’un véritable malaise. Si les mots blessants se font trop envahissants, deviennent automatiques et flirtent avec l’agressivité, c’est qu’il y a autre chose que la simple provocation. Consultez un psychologue pour découvrir ce qui se cache derrière cette souffrance.
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