Le "dad blessing", ce comportement à bannir dans les familles (et en société)
"Féliciter" un papa parce qu’il sait changer les couches de l’enfant, ou s’occupe des devoirs peut sembler positif. C’est en réalité une autre façon de souligner la différence de ce qu’on attend des pères et des mères sans réellement faire changer les mentalités sur le sujet.
"Tu as de la chance avec Laurent, il t’aide beaucoup avec le bébé et il fait même le baby sitter !" Ces remarques dites sur le ton de l’admiration laissent pourtant un sentiment amer quand on est une femme : certes, il est bon d’avoir un enfant avec un papa impliqué, mais doit-il pour autant être érigé en héros quand il joue son rôle ?
Ce "dad blessing" qui enfonce un peu plus les femmes
Cet applaudissement, c’est ce qu’on appelle communément le "dad blessing", un comportement plus toxique qu’il n’y paraît. Pourquoi ? Parce qu’il souligne la différence de traitement réservée aux pères et aux mères : qu’elles travaillent ou non, les femmes héritent généralement de la responsabilité des soins et de rendre toute la famille heureuse en enfilant leur cape de mère parfaite au passage, quand les hommes sont soit disant mal équipés pour les tâches du quotidien. La moindre couche changée relèverait donc du truc "en plus" qu’ils parviennent à faire (whaou !)
Malgré une évolution des papas, (qui sont plus impliqués que les générations précédentes) rappelons tout de même que les mères sont toujours plus attendues au tournant. Comme le révèle la sociologue Illana Weizman dans le média Parents.fr :
"Si les pères font des bêtises avec leurs enfants, c’est comique ou mignon. Si une mère fait le moindre écart, c’est vu comme une défaillance".
L’autre problème du dad blessing, c’est qu’il s’invite aussi dans le monde professionnel, pénalisant là aussi les mères. Ainsi, après avoir bénéficié d’un congé plus long que le père, la mère, déjà éloignée plus longtemps du monde professionnel est souvent celle qui adapte son emploi du temps aux absences (enfant malade, etc. ) Mais si cela est perçu comme normal pour la société, un père qui prend un congé pour enfant malade est aujourd’hui valorisé. A quel titre ?
Les nouveaux pères, une belle image dont il ne faut pas se contenter
La sociologue prévient également : cette image de nouveaux papas peut aussi être trompeuse. Ainsi, on valorise volontiers les pères qui s’investissent davantage, mais dans les faits, le changement se fait attendre. Concrètement, aujourd’hui seules 35% des tâches parentales en moyenne sont prises en charge par les pères au sein des couples hétérosexuels (et ce sont souvent les plus gratifiantes, non pas les prises de rendez vous, etc).
"Ces pères sont des licornes, pas du tout représentatives de la classe sociale des pères. Le fait de prendre un congé parental n’est pas la norme, il ne faut donc pas se focaliser sur eux" soutient-elle.
Par ailleurs, pour un père qui joue avec sa fille, qui fait les soins de son bébé ou s’implique dans les devoir de son grand, qui est le parent qui a pensé aux rendez vous médicaux, qui est passé à la pharmacie, a cherché davantage une nounou ou pris rendez vous avec le professeur ? Les mères, le plus souvent. La charge mentale est encore loin d’être partagée.
Et si nous arrêtions de complimenter un comportement normal ?
Pourquoi ne pas complimenter davantage les femmes, alors, pour tous leurs efforts ? Si un "mum blessing" serait bienvenu, la sociologue remet les pendules à l’heure :
"La solution n’est pas là, mais bien dans la répartition équitable des tâches. On ne devrait plus avoir à se faire encenser ou critiquer, mais que ça soit juste normal pour tout le monde de tout partager. On vivra alors plus sereinement nos maternités", soutient-elle.
La meilleure façon de remercier une mère de tout ce qu’elle fait pour soutenir sa famille n’est pas de l’applaudir en effet. Ni de changer une couche comme un don de soi. Mais d’en faire autant qu’elle, sans attendre une pluie de compliments.