Nous parlons trop à nos enfants. Et si nous testions parfois… le silence ?
A trop commenter chaque action de nos enfants, nous installerions au final une distance qui les empêche de vivre le moment présent, selon une psychologue britannique spécialisée en parentalité. Et si nous gardions nos remarques pour nous de temps en temps ?
"Que ressens-tu ?", "Comment t’es tu débrouillé ?", "Aimes-tu cette activité ?"... La parentalité d’aujourd’hui, portée notamment par la parentalité positive, nous invite à échanger avec l’enfant et à mettre des mots sur toutes ses émotions, constamment. Pourtant, cette attitude aurait aussi ses limites comme l’évoque Anita Schmalor docteur en psychologie et coach en parentalité dans le média Psychology Today. En comblant tous les moments de silence, nous éloignerions nos enfants de leur propre ressenti.
Nous racontons constamment l'expérience des enfants
Selon elle, nous aurions bien souvent perdu la valeur du silence dans nos cultures occidentales. Au contraire, nous passons notre temps à poser des questions à son enfant, à le féliciter pour son dessin, à lui proposer de verbaliser ce qu’il ressent et pourquoi. Un comportement qui n’est pas toujours nécessaire. "Ces types de questions et de remarques détournent l’attention de l’enfant de l’expérience vécue pleinement du moment avec ses sens et ses émotions vers l’analyse mentale de l’expérience", rappelle l’experte.
Trop de mots empêchent l’enfant de se connecter pleinement à ce qu’il fait
Ainsi, au lieu d’être entièrement absorbés par une activité pour elle-même, éventuellement sans objectif précis, ils évaluent désormais leurs performances, comprenant qu’ils s’attendent à bien faire. Au lieu de laisser une émotion les traverser et de la vivre pleinement, ils commencent à intellectualiser leur frustration.
Mais malgré nous, nous aidons ainsi nos enfants à cesser de vivre le moment présent dans leur corps, nous leur apprenons à se déconnecter "le contraire de ce que nous, en tant qu'adultes, essayons d'apprendre à travers la méditation, la pleine conscience et d'autres pratiques visant à nous reconnecter à notre corps".
Et en même temps, nous créons également de la distance avec nos enfants. "En obligeant notre enfant à évaluer le moment présent (ou en le faisant nous-mêmes), nous manquons l'occasion de vivre le moment à ses côtés. Par conséquent, nous non plus n’incarnons pas notre moi authentique".
S’inspirer d’autres cultures qui vivent simplement ensemble
Il y a bien sûr plusieurs raisons qui font que nous brisons si souvent le silence. D’une part, nous ne sommes généralement pas à l’aise avec lui dans nos sociétés, et nous n’avons pas appris à le valoriser. D’autres part, nous partons du principe qu'il faut décrire aux enfants tout ce qu’ils vivent pour donner un sens au monde et à leurs émotions.
Mais ce n’est pas le cas partout. Comme l’évoque l’experte, dans les cultures autochtones, il y a beaucoup moins d’instructions verbales. Les enfants sont intégrés dans la communauté et participent (de manière ludique) aux tâches quotidiennes en recevant un minimum de commentaires verbaux. Pendant ce temps, les adultes qui les entourent sont profondément à l’écoute et présents, prêts à offrir un espace bienveillant en cas de besoin. La parole n'est pas interdite, mais elle intervient dans les moments nécessaires.
Selon la psychologue, et des études sur le sujet, cela agit sur le bien-être de ces enfants. "Ils ont tendance à être beaucoup plus heureux, plus gentils, confiants et compétents que les enfants de notre culture d’aujourd’hui. Ils apprennent à se sentir à l’aise avec toutes les émotions qui surviennent et ils sont capables d’être davantage dans le moment présent au lieu d’évaluer constamment ce qui se passe".
Et si vous testiez le silence ?
Alors pourquoi ne pas tester cette méthode, bien moins épuisante également pour le parent que l’incessant questionnement ? L’experte propose un exercice simple :
- Restez silencieux avec votre enfant pendant environ une demi-heure ;
- Mettez votre téléphone de côté et soyez simplement présent dans l'instant présent ;
- Évitez de commenter, d’instruire, de poser des questions, de féliciter ou toute autre manière de raconter ou de diriger le comportement de votre enfant ;
- Soyez juste présent, et observez leur jeu, leur joie… Ce qu’ils ressentent.
Cela offre peut-être un moyen de communiquer différemment avec votre enfant et de le laisser libre de vivre pleinement son jeu.