Le "shoshin" ou les vertus de l’humilité en entreprise
On dit souvent que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Ce proverbe s’applique bien au monde de l’entreprise, où l’expérience professionnelle est souvent plus valorisée que les compétences. Mais les partisans du "shoshin" estiment que les salariés auraient parfois intérêt à se comporter comme des débutants.
"Shoshin" est un terme japonais, issu de la philosophie boudhiste zen, qui se traduit par "l'esprit du débutant". Il renvoie à l’idée que l’on est un novice toute sa vie. "J'aime penser que le shoshin, c'est comme ouvrir les yeux pour la toute première fois. C'est un état où l'on est complètement dans l'instant présent, où l'on absorbe ce qui est là, maintenant, sans expériences passées, contextes, présuppositions ou préjugés", explique Sarah Lloyd, coach de vie et de carrière, au magazine Stylist.
Car nous avons tous des biais cognitifs qui limitent intellectuellement. Certains pensent qu’ils sont mieux prémunis que d’autres face à ces raccourcis mentaux mais ils se trompent. Ils sont eux-mêmes victimes d’un biais cognitif connu comme l’effet Dunning-Kruger. Ce phénomène, théorisé en 1999, amène les personnes les plus qualifiées dans un domaine à se penser meilleures que les autres. Elles se font une fausse idée de leurs connaissances et de leur niveau de maîtrise, ce qui peut les conduire à prendre des décisions irréfléchies.
Le concept du "shoshin" permet de remédier à cela. Il implique de prendre une posture intellectuelle plus modeste et humble. En effet, le proverbe affirme que l’erreur est humaine. Mais on a trop tendance à l’oublier, surtout dans la sphère professionnelle. Dans le monde du travail, beaucoup cherchent à avoir raison à tout prix. Ils n’hésitent pas à user d’arguments faiblards, voire même fallacieux, pour avoir le dernier mot face à leur interlocuteur.
Se mettre dans une position d’apprenant, comme le conseille la philosophie "shoshin", permet de calmer ses pulsions d’ego et d’accepter le fait que l’on ne sait pas tout. Plusieurs travaux scientifiques ont montré que cette posture de modestie est très bénéfique pour celui ou celle qui l’adopte. Les individus intellectuellement humbles sont, par exemple, plus susceptibles de faire des efforts pour acquérir de nouvelles connaissances. Leur persistance leur permet souvent d’atteindre un degré d’expertise important sur une variété de sujets, ce qui fait d’eux un véritable atout en entreprise.
Mais alors, comment mettre en application la philosophie du "shoshin" dans son quotidien professionnel ? Tout d’abord, en travaillant son esprit critique. Il ne faut pas hésiter à remettre en question ses hypothèses et ses intuitions pour élargir le spectre des possibles. Aller à contre-courant permet souvent de donner naissance à des idées novatrices, même si cela implique de prendre le risque d’être pointé du doigt en cas d’échec. D’autre part, il est important d’être dans l’écoute pour challenger ses connaissances et progresser. Les autres ont beaucoup à nous apprendre : il serait dommage de se priver de leur savoir.