Rapport du Sénat : les répercussions du travail sur la santé des femmes sont "rarement prises en compte"
Fruit d'un travail de six mois, le rapport de la délégation aux droits des femmes témoigne du manque de prise en compte des spécificités féminines au travail. La santé des femmes au travail reste un sujet "largement méconnu voire ignoré par les pouvoirs publics comme par les employeurs".
Durant le premier semestre 2023, la délégation aux droits des femmes, composée de Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richier et Laurence Rossignol a mené des travaux sur la santé des femmes au travail, afin d’évaluer l’impact de celui-ci sur leur santé, en particulier dans quatre domaines : les métiers du soin, de la grande distribution, du nettoyage et de la représentation. Elles viennent de rendre un rapport complet sur la question, le 27 juin dernier.
Troubles musculo-squelettiques, cancers professionnels, violences sexistes : la liste est longue
Ce rapport dénonce une situation accablante pour les femmes au travail : usure physique et psychique, troubles musculo-squelettiques (TMS), cancers, violences sexuelles et sexistes (VSS)… Autant de répercussions du travail sur la santé des femmes, encore "trop rarement prises en compte dans la sphère professionnelle" dénonce le rapport.
Parmi les chiffres rapportés par cette délégation aux droits des femmes, on peut citer que :
- 60 % des personnes atteintes de TMS sont des femmes ;
- Il existe trois fois plus de signalements de souffrance psychique chez les femmes ;
- 20 % des femmes ont subi au moins un fait de violence (agression, harcèlement…) dans le cadre de l’année écoulée ;
- On compte 26 % de cas de cancer du sein en plus chez les femmes travaillant la nuit ;
- 7 agents cancérogènes sont présents dans des produits d’entretien couramment utilisés.
Enfin, le rapport souligne également que les "difficultés associées à la santé sexuelle et reproductive, comme les pathologies menstruelles incapacitantes, la grossesse, l’infertilité ou la ménopause font encore l’objet, au mieux d’une méconnaissance, au pire d’un déni voire d’une stigmatisation dans le monde du travail".
Des pistes sont proposées pour améliorer la santé des femmes au travail
En plus de dresser ce constat accablant, ce rapport apporte des solutions. Pour une meilleure prise en compte de la santé des femmes au travail, le rapport formule vingt-trois recommandations qui s’articulent autour de trois grands axes qui sont de :
Chausser systématiquement les lunettes du genre
Parmi les recommandations :
- Développer l’élaboration et surtout l’exploitation de données sexuées croisées ;
- Faire de l’approche genrée un axe stratégique du prochain plan de santé au travail (PST 5) ;
- Faire appliquer par les employeurs l’obligation légale d’un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) genré ;
- Former tous les acteurs de la prévention à une approche genrée
Développer et adapter la prévention à destination des femmes
Parmi les recommandations :
- Élaborer une stratégie nationale pour la santé des femmes, incluant un volet "santé au travail" reconnaissant le rôle pivot de la médecine du travail ;
- Adapter les mesures de prévention primaire et secondaire aux conditions de travail des femmes (ex. : postes et équipements adaptés, produits de nettoyage de substitution, interdiction des mono-brosses sur les sols amiantés, nombre minimum de soignants par patient…) ;
- Généraliser le développement de maisons de soignants sur tout le territoire ;
- Renforcer les moyens humains dédiés à la prévention et au contrôle (médecine et inspection du travail) ;
- Renforcer les sanctions à l’encontre des employeurs ne respectant pas les obligations d’aménagement de poste après un arrêt de travail de longue durée ;
- Faciliter la reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en maladie professionnelle - Revoir la liste des critères de pénibilité.
Mieux prendre en compte la santé sexuelle et reproductive au travail, en particulier les pathologies menstruelles incapacitantes et les symptômes ménopausiques".
Parmi les recommandations :
- Ajouter l’endométriose à la liste des affections de longue durée (ALD 30), permettant de supprimer le délai de carence et donc les pertes financières en cas d’arrêts de travail répétés ;
- Assurer une meilleure communication des employeurs auprès des femmes enceintes sur l’ensemble de leurs droits pendant la grossesse ;
- Adapter le régime des absences au travail, notamment pour les conjoints dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation ;
- Mettre en place une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité avec un volet "travail" ;
- Inciter les professionnels de l’AMP à s’adapter à la vie professionnelle des femmes ;
- Mieux informer les employeurs, employés et professionnels de santé sur les symptômes de la ménopause ;
- Réfléchir à une adaptation des conditions de travail à la symptomatologie de la ménopause ;
- Actualiser les recommandations de la Haute Autorité de Santé relatives aux traitements hormonaux de la ménopause.