Grossesse superfétatoire : comment expliquer ce phénomène ?
Troublantes, fascinantes et rarissimes, les grossesses superfétatoires demeurent un mystère même pour le corps médical. Et pour cause, elles consistent à retomber enceinte alors qu'on l'est déjà... À ce jour, une dizaine de cas dans le monde ont été décrits dans la littérature médicale. Explications avec le Dr Emmanuelle Cohen, gynécologue-obstétricienne à l'Institut Mutualiste Montsouris.
La presse s'est parfois fait l'écho de ces histoires de grossesses hors du commun. Comme le quotidien britannique The Sun, qui en 2021, racontait l'histoire d'une mère britannique ayant donné naissance le même jour à deux bébés conçus à 28 jours d'intervalle. Un phénomène extraordinaire appelé "grossesse superfétatoire".
Tomber enceinte en étant déjà enceinte : comment est-ce possible ?
Tout d'abord, il convient de préciser que la grossesse superfétatoire est un phénomène extrêmement rare. "Il y a très peu de cas décrits dans la littérature médicale", explique le Dr Emmanuelle Cohen. "C'est pourquoi, ce sujet est encore mal maîtrisé par les professionnels de santé", ajoute la spécialiste. Mais quelles sont ses spécificités au juste ? Ce type de grossesse implique l'implantation et la fécondation d'un deuxième ovocyte dans l'utérus, chez une patiente qui a déjà une grossesse en cours. La femme porte alors deux embryons, d'âge sensiblement différent. "Cela donne lieu à une grossesse de type gémellaire, qu'on dit bichoriale biamniotique. C'est-à-dire avec deux sacs amniotiques et deux placentas différents", précise le Dr Emmanuelle Cohen.
Alors comment ce phénomène est-il possible ? La gynécologue-obstétricienne Emmanuelle Cohen tient à souligner que le corps médical, à ce jour, ne connaît pas tous les mécanismes physiopathologiques liés à la superfétation. Néanmoins, les publications médicales estiment qu'il existe probablement une seconde ovulation, quand bien même une grossesse est déjà en place. La grossesse superfétatoire peut advenir soit de manière spontanée, soit par procréation médicalement assistée (PMA). "Cette seconde ovulation serait alors favorisée par des modifications hormonales et histologiques, propices au tout début de la grossesse", note la gynécologue-obstétricienne.
Peut-on ovuler en début de grossesse ?
Le phénomène de la superfétation nous apprend que oui, a priori, il est possible d'ovuler une seconde fois au tout début de la grossesse. "Que les femmes se rassurent néanmoins, cette probabilité est extrêmement rare. L'ovulation n'a lieu qu'une fois par mois au cours du cycle menstruel", déclare le Dr Cohen. La grossesse commence au moment de la fécondation et s'accompagne de changements hormonaux destinés à stopper le cycle menstruel, et par conséquent, à bloquer toutes possibilités d'une nouvelle fécondation. D'où le caractère mystérieux et fascinant de la grossesse superfétatoire.
Superfécondation et superfétation : quelles différences ?
Comme évoqué précédemment, la superfétation réside dans le fait qu'il y ait un second ovocyte fécondé et implanté dans la cavité de l'utérus, alors qu'une grossesse issue d'une précédente ovulation et fécondation est déjà en cours.
La superfécondation, en revanche, est définie par la fécondation rapprochée de deux ovules par deux spermatozoïdes pouvant provenir de deux pères différents, ou alors de deux rapports sexuels distincts avec le même père. "Toutefois, la fréquence des superfécondations est, elle aussi, très rare", précise le Dr Emmanuelle Cohen.
Une superfécondation peut être liée à une grossesse spontanée ou advenir dans le cadre d'un parcours de PMA. Comme la grossesse superfétatoire, la superfécondation donne lieu à une grossesse de type gémellaire.
Quels risques peut comporter une grossesse superfétatoire ?
Comme toutes les grossesses gémellaires, la grossesse superfétatoire est plus à risque qu'une grossesse normale. "Du fait qu'il y ait deux fœtus d'âges différents si la grossesse évolue normalement, il peut y avoir une différence de taille et de poids entre les deux bébés", note le Dr Cohen. "Le second, qui est potentiellement plus prématuré, peut nécessiter des soins intensifs à sa naissance", ajoute la spécialiste. D'après certains articles parus dans la littérature médicale, il est constaté que certaines grossesses superfétatoires n'arrivent pas au terme, entraînant des fausses couches précoces ou tardives et des décès in utero.
Superfétation : quand est-elle diagnostiquée ?
Selon le Dr Cohen, le diagnostic d'une superfétation peut être établi lors de différentes échographies qui prouvent la présence d'un seul embryon au tout début de la grossesse, puis l'apparition plus tardive d'un deuxième bébé. La question de la superfétation peut alors se poser.