Accouchement par césarienne : quels sont les risques ?
Bien que couramment pratiquée, la césarienne reste une intervention chirurgicale, et n’est donc pas anodine. Sur le court terme comme sur le long terme, pour la mère comme pour le bébé, elle présente certains risques. Le point avec Amina Yamgnane, gynécologue-obstétricienne et chef de service de la maternité de l’Hôpital Américain de Paris.
Sur les 800 000 bébés qui naissent chaque année en France, environ 160 000 arrivent au monde par césarienne, soit 20 %. Cette pratique, qui consiste à extraire l’enfant du ventre de sa mère par incision de l’abdomen et de l’utérus, est donc courante mais préconisée dans des cas bien particuliers. Pour cause, les risques qui y sont associés ne sont pas à négliger.
Césarienne : les risques à court terme
Pour le bébé
La détresse respiratoire transitoire, également connue sous le nom de tachypnée transitoire du nouveau-né, est le risque majeur auquel les bébés nés par césarienne sont exposés. Elle est liée à ce que l’on appelle un retard de résorption du liquide pulmonaire, explique Amina Yamgnane, gynécologue-obstétricienne : "Le fœtus, dans le ventre de sa mère, inhale du liquide amniotique qui sert à maturer le poumon. Lors d’un accouchement par voie basse, le déclenchement d’un système hormonal pendant le travail et le passage du bébé dans la filière génitale de sa mère font que toute cette eau qui remplit le poumon sort. Tandis qu’en cas de césarienne, le bébé ne subit pas les contractions et risque ainsi de naître avec de l’eau dans les poumons".
Le traitement consiste en l’administration d’oxygène, qui permet généralement de guérir le nouveau-né sous 2 à 3 jours1.
Pour la mère
Pour la mère, les risques sont plus nombreux. Parmi les principaux :
- L’infection du site opératoire ;
- La thrombose veineuse profonde qui peut se compliquer en embolie pulmonaire ;
- L’hémorragie.
Cette dernière constitue d’ailleurs la première cause de mortalité pendant l’accouchement. "Chaque année en France, environ 80 femmes décèdent des suites de leur accouchement, dont 40 d’une hémorragie, précise la gynécologue. Quand le taux de césariennes d’un hôpital commence à augmenter, il augmente également le taux de décès maternels par cause d’hémorragie".
Tous ces risques sont liés à l’acte chirurgical en lui-même. Ils "nécessitent des traitements spécifiques, voire une réintervention", explique la Haute Autorité de Santé (HAS)2.
Césarienne : les risques à long terme
Pour le bébé
Actuellement, les scientifiques cherchent à savoir si la césarienne a des conséquences à long terme sur le bébé, qui ne seraient pas présentes chez les enfants nés par voie basse. Certaines études ont déjà mis en évidence des risques accrus d’obésité, d’asthme et d’allergies3,4,5.
Mais comment expliquer cette association ? "On pense que cela serait dû au fait que l’enfant né par césarienne présente un déficit en colonisation du microbiote intestinal", indique Amina Yamgnane. Ces bactéries du tube digestif jouent un rôle dans la digestion, l’immunité et ainsi potentiellement l’apparition de nombreuses maladies. Lors d’un accouchement par voie basse, le bébé, en passant par le vagin, est "colonisé par le microbiote vaginal de sa mère" et reçoit donc l’ensemble des micro-organismes nécessaires à son bon développement, ce qui ne serait pas le cas avec une césarienne.
Autres risques, cette fois d’ordre psychologique : des troubles de l’attachement. "Dans la plupart des maternités, après une césarienne la mère et l’enfant sont séparés, pour des raisons de surveillance maternelle notamment. Or, on sait que la séparation mère-bébé est très délétère pour la mise en œuvre de l’attachement du petit à sa mère", souligne Amina Yamgnane, qui rappelle que "l’instinct maternel n’existe pas : l’attachement d’un petit à sa mère ne relève pas de l’instinct, mais des apprentissages, et cela commence dès la naissance. Et plus vous séparez un nouveau-né précocement et longuement de sa mère, plus vous avez de risques d’entraver les processus d’attachement".
Pour la mère
Selon la HAS, "les deux risques principaux pour un futur accouchement par les voies naturelles après une césarienne sont l’échec d’un accouchement par les voies naturelles et la rupture utérine (déchirure de la cicatrice sur l’utérus)". Ainsi, on estime qu’une femme sur deux ayant accouché par césarienne aura de nouveau une césarienne.
Or, c’est précisément le fait d’avoir recours plusieurs fois à cette pratique qui expose la femme "à des complications chirurgicales, explique Amina Yamgnane, en particulier le placenta accreta". Cette condition, causée par un "accolement excessif du placenta à la cicatrice de l’utérus", peut avoir une "conséquence fatale" : l’hémorragie fœto-maternelle massive. Le passage d’hématies fœtales dans la circulation maternelle peut s’avérer mortel pour le bébé et la maman. "Ce sont des complications rares mais redoutables, et plus les femmes ont des cicatrices sur leur utérus, plus elles sont fréquentes".
De la même façon que la césarienne peut entraîner des troubles de l’attachement chez le bébé, elle augmenterait également les risques de dépression post-partum et autres troubles psychologiques chez la maman, notamment lorsqu’elle est réalisée en urgence6 : "30% des femmes qui subissent des césariennes non programmées ont un syndrome de stress post-traumatique", affirme notre experte. Entre autres, leur caractère inattendu et la douleur occasionnée joueraient un rôle dans cette association.
Ces risques peuvent-ils être évités ?
Finalement, les séquelles d’un accouchement par césarienne sont "trois fois plus lourdes" que lors d’un accouchement par voie basse. Mais ces risques peuvent-ils être évités ? Concernant ceux liés à l’acte chirurgical, la Haute Autorité de Santé rappelle qu’ "un traitement anticoagulant (piqûre quotidienne) [est] instauré pendant la période de l’hospitalisation afin de réduire le risque de phlébite ou d’une embolie pulmonaire". Des antibiotiques sont également administrés à la future mère afin de réduire le risque d’infection. "Nos techniques opératoires sont quand même relativement abouties. Je ne pense pas que l’on puisse davantage réduire ce chiffre, qui est déjà très bas", note Amina Yamgnane.
En revanche, selon la gynécologue, des efforts restent à faire pour éviter certaines conséquences psychologiques. "Il y a un énorme travail à faire pour que les nouveau-nés restent près de leur mère après la naissance, y compris en salle de réveil. Cela suppose par exemple que les infirmiers ou les puéricultrices soient formés à surveiller un nouveau-né et soient suffisamment nombreux. Et les raisons pour lesquelles tout cela ne se fait pas, c’est un manque de moyens hospitaliers".
Rappelons toutefois que la césarienne est recommandée lorsque ses risques sont considérés inférieurs à ceux d’un accouchement naturel : "Si une équipe médicale est dans la nécessité de faire une césarienne, c’est parce que la santé de la mère ou de l’enfant représente un tel danger qu’il y a moins de risques à faire une césarienne qu’un accouchement par voie basse".
Qu’en est-il des césariennes sur demande maternelle ? Exposent-elles à des risques inutiles ? Loin de là, selon la gynécologue. D’abord, "parce qu’elles représentent moins d’1 % de la totalité des césariennes réalisées". Ensuite, parce que "la plupart de ces césariennes sont faites chez des patientes qui redoutent la douleur à la suite d’un événement traumatique, comme un viol, une césarienne précédente réalisée en urgence ou un accouchement extrêmement compliqué". Pour ces femmes, le recours à la césarienne s’avère donc nécessaire, malgré l’absence d’indication médicale à proprement parler.