Mères porteuses : le débat relancé au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant
L'affaire Mennesson, emblématique de la lutte pour la reconnaissance des mères porteuses, connaît un nouveau rebondissement. Contre toute attente, le parquet général s'est dit favorable à l'inscription à l'état civil des jumelles Mennesson, nées il y a dix ans d'une mère porteuse américaine.
Interdite en France, la pratique de la gestation pour autrui (mères porteuses) est autorisée à l'étranger. Cette technique ne concerne que les couples en désir d'enfant mais dont la femme n'a pas d'utérus et dont c'est la seule solution (hormis l'adoption) d'avoir un enfant. Certains pays européens (Angleterre, Grèce) ont autorisé cette pratique pour mieux l'encadrer quand d'autres ne l'ont pas explicitement interdite (Pays-Bas, Belgique). Ce qui entraîne un tourisme procréatif et des difficultés de reconnaissance par l'Etat Civil des enfants nés par cette technique.
Sortir des enfants d'une impasse juridique
Ayant eu recours à une mère porteuse californienne, les époux Mennesson étaient revenus en France avec les certificats de naissance établis conformément à la législation californienne qui les désignaient comme parents. En France où la gestation pour autrui (GPA) est illégale, la justice ne leur avait pas reconnu ce droit. Cette annonce du parquet général est-il l'aboutissement du combat de 10 ans du couple Mennesson pour faire reconnaître leurs filles par l'Etat Civil ? Pas forcément mais c'est une étape importante, même si l'époux Dominique Mennesson reste très prudent de peur d'être déçu.
“On a peur d'être déçus“ par Europe1fr
L'avocat général Marc Domingo, représentant du ministère public, a invoqué l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH), selon lequel toute personne a “le droit au respect de sa vie privée et familiale“. Rappelant que la France est opposée à la gestation pour autrui, il a cependant estimé qu'il n'était pas juste de garder les enfants des époux Mennesson dans “une clandestinité juridique“, “dans une situation de sans-papiers“.
Si la Cour de Cassation suit l'avis du parquet, cet avis pourrait faire jurisprudence et sortirait de l'impasse les enfants nés de gestation pour autrui pratiquée de manière légale hors de nos frontières. Une évolution en accord avec l'évolution des mentalités ?
Le débat sur les mères porteuses avait été rouvert en 2008 lorsqu'un groupe de travail au Sénat avait proposé une légalisation encadrée de cette procédure. Dans les esprits, les Français semblent plus ouverts que le Ministère public jusqu'alors intransigeant. D'après notre enquête sur la bioéthique conduite auprès de nos internautes début février 2011, deux internautes interrogés sur trois (66,72 %) se disaient favorables aux mères porteuses en France.
Aujourd'hui encore, les pétitions pour ou contre les mères porteuses se multiplient. En décembre 2010, une tribune en faveur de la gestation pour autrui comptait parmi ses membres Elisabeth Badinter et plusieurs élus de l'opposition. Un mois plus tôt, une autre tribune signée par plusieurs personnalités du PS dont Lionel Jospin, Michel Rocard ou Benoit Hamon s'était opposé à une telle légalisation. Le 15 février dernier, le texte révisant les lois de bioéthique a été adopté sans que ce sujet ne soit même abordé.
Et vous que pensez-vous de cette situation ? Faut-il autoriser les mères porteuses ? Venez-vous exprimer sur nos forums. Luc Blanchot
Source : - Enquête Doctissimo réalisée du 31 janvier 2011 au 10 février 2011 une enquête auprès de ses internautes, via un questionnaire électronique accessible en ligne. Au total, 2 028 personnes ont répondu, en majorité des femmes ; Résultats en ligne
- Contribution à la réflexion sur la maternité pour autrui, rapport d'un groupe de travail du Sénat, 2008 (disponible en ligne).
Europe 1 - 9 mars 2011
Photo : Procès en appel de Sylvie et Dominique Mennesson, qui se battent depuis dix ans pour faire inscrire leurs deux filles, nees d'une mere porteuse americaine a l'etat-civil francais - HADJ/SIPA