Cancer du sein : un test sanguin pourrait aider à mieux choisir le traitement
Un test sanguin de détection des cellules tumorales pourrait aider à choisir le traitement le plus adapté des formes avancées du cancer du sein le plus fréquent. Ce test pourrait potentiellement améliorer la survie des patientes.
Les biomarqueurs tumoraux circulants pour changer la prise en charge du cancer
Lors du développement ou de la croissance d’une tumeur, des cellules cancéreuses peuvent quitter la tumeur pour aller dans la circulation sanguine. Ces cellules tumorales circulantes (CTC) se détachent d'une tumeur solide (par exemple un cancer du sein, du poumon, du côlon…) et si elles ne meurent pas, elles pourront se fixer sur d’autres organes et être à l’origine de la propagation du cancer (métastases).
Détecter ces cellules dans la circulation sanguine s’apparente à trouver une aiguille dans une botte de foin : dans 10 millilitres de sang, elles sont quelques-unes à peine, mélangées à plus de 50 millions de cellules parfaitement normales. Mais le jeu en vaut la chandelle. Ces cellules pourraient aider à améliorer le pronostic, le diagnostic initial ou des rechutes, mais aussi l’évaluation ou la personnalisation du traitement…
En 2016, le Professeur François-Clément Bidard de l’Institut Curie avait démontré lors du sommet annuel de la recherche sur cancer du sein à San Antonio (Texas), que la quantité de cellules tumorales circulantes dans le sang des patientes reflétait le pronostic de la maladie : un taux de CTC élevé étant synonyme d’une propagation du cancer, potentiellement fatale à terme. En 2018, lors de ce même congrès, il a montré que cette information peut être utile pour la patiente. Une demande de remboursement par la sécurité sociale de ce test est actuellement déposée et en cours d’examen.
Un test sanguin qui permet de mieux choisir le traitement
Les femmes atteintes d'un cancer du sein avec métastases dit "hormonosensible" (le plus fréquent) sont le plus souvent soignées par traitement hormonal. La chimiothérapie, qui est à l’origine de plus d’effets secondaires, est réservée aux patientes atteintes des formes les plus graves. Mais actuellement, "les critères permettant aux médecins d'évaluer cette gravité, et donc le choix du traitement, restent flous", soulignent dans un communiqué l'Institut Curie et l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.
Sachant que la quantité de cellules cancéreuses circulantes témoigne du stade de la maladie et du risque de complications métastatiques, les chercheurs ont voulu savoir si le test sanguin permettait de mieux guider le choix du traitement et d’améliorer la survie des femmes atteintes.
Les chercheurs avancent une amélioration de la survie des patientes
Au cours d'un essai clinique qui a inclus 778 patientes d'une quinzaine d'hôpitaux français, la moitié a vu son traitement choisi en fonction de l'évaluation du médecin et l'autre moitié en fonction de son taux de cellules tumorales circulantes (CTC).
Pour 300 d'entre elles, le traitement indiqué par le dosage des cellules tumorales circulantes ne correspondait pas à celui qu'aurait choisi le médecin : pour la plupart, le test avait conclu à la nécessité d’une chimiothérapie contrairement à la prescription médicale qui avait limité les soins à une hormonothérapie simple.
Un test à généraliser à toutes les patientes ?
Et, selon les chercheurs, "les femmes qui auraient été traitées par hormonothérapie d'après le médecin mais avaient finalement reçu une chimiothérapie à cause de leur taux élevé de CTC dans le sang voyaient leur survie augmentée (…) C'est la première étude qui montre qu'en utilisant cette information, on permet d'améliorer la survie des patientes” explique Pr Jean-Yves Pierga, chef du département d'oncologie médicale de l'Institut Curie. Néanmoins le Pr François-Clément Bidard juge ainsi qu’il serait utile de "combiner les deux approches pour orienter les choix thérapeutiques : le regard du clinicien et le dosage des CTC".
Cette étude a été financée majoritairement par l'Institut national du cancer (INCa) avec "une petite contribution" de CellSearch, la société américaine qui fournit la technologie de dosage des CTC, a précisé le Pr Pierga. "C’est un dosage relativement simple, disponible dans plusieurs centres en France ; et il est peu coûteux (environ 500 euros) au regard des bénéfices qu’il peut apporter aux patientes. Nous espérons que ces données permettent l’acceptation de son remboursement, dans les conditions précises de l’essai", conclut François-Clément Bidard. Les résultats de l’étude STIC CTC sont actuellement sous presse dans un grand journal scientifique américain.
Où en est cette piste de recherche en 2020 ? "En France, la demande de remboursement du test pour mesurer la gravité de la maladie métastatique et essayer d’adapter le traitement a été déposée en septembre 2020", explique le Pr François-Clément Bidard.
L’ADN tumoral circulant, espoir de la recherche
"L’ADN tumoral circulant est constitué de fragments d’ADN issus de cellules tumorales qui meurent et relâchent leur ADN", explique le Pr François-Clément Bidard. Plusieurs applications sont actuellement à l’étude, dont le dépistage des cancers et surveillance des rechutes éventuelles. "En suivant l’ADN tumoral circulant, on espère détecter plus précocement les rechutes éventuelles et donc de commencer plus tôt les traitements de la phase métastatique", poursuit le spécialiste. Il est à noter que l’ADN tumoral circulant peut aussi renseigner sur la présence de mutations dans le cancer, mutations qui peuvent faire parfois l’objet de traitements ciblés – comme par exemple l’alpelisib, qui peut être actif sur les cancers du sein métastatiques présentant une mutation du gène PIK3CA.
Enfin, les variations quantitatives précoces de cet ADN tumoral circulant peuvent renseigner précocement sur l’efficacité de la chimiothérapie – "Nous proposerons en 2021 à des patientes prises en charge à l’Institut de participer à notre nouvelle étude, appelée « MONDRIAN », qui permettra de guider la chimiothérapie selon les variations précoces d’ADN tumoral circulant, et éviter de leur faire perdre du temps avec des chimiothérapies inefficaces" conclut le Pr Bidard.