Migraines et céphalées augmentent-elles le risque d'AVC ?
Les maux de tête chroniques, migraineux ou non, concernent des millions de personnes. Devant la violence et l'intensité de certaines douleurs, nombreux sont ceux qui se posent des questions sur l'état de leur cerveau suite aux crises. Un certain nombre d'études soulignent un risque accru d'attaque cérébrale. Doctissimo fait le point sur ces relations encore mal élucidées.
Communément appelés "attaques cérébrales", les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent la troisième cause de mortalité derrière les maladies cardiovasculaires et le cancer. Leur prévention repose sur un suivi médical régulier et une bonne connaissance des facteurs de risques. Faut-il rajouter à une liste déjà longue les céphalées chroniques ?
La migraine, facteur de risque de maladies cardiovasculaires
Les résultats d'une étude danoise publiés en 2018 dans le British Medical Journal 1 ont confirmé le lien entre migraine et les risques de maladies cardiovasculaires.
- Pour arriver à ces résultats, les chercheurs de l'Aarhus University Hospital et de l'Université de Stanford ont étudié les dossiers de 51 032 personnes par le biais du Registre National des Patients Danois. Les sujets de l'études avaient tous eu un diagnostic de migraine entre 1995 et 2013 et ne souffraient alors pas de maladies cardiovasculaires ;
- Les chercheurs ont également étudié les dossiers d'environ 510 320 personnes non migraineuses et également sans antécédents cardiovasculaires.
- Pour chaque migraineux, les dossiers de 10 personnes du même âge, même sexe et ne souffrant pas de ces céphalées typiques ont été comparés.
Résultat, la migraine augmente le risque de souffrir d'une maladie cardiovasculaire. Pour 25 AVC ischémiques chez les patients non migraineux, le chiffre s'élève à 45 en cas de migraine. Concernant l'AVC hémorragique, ce ratio et de 6 patients dans le groupe témoin pour 11 migraineux. Les risques d'infarctus du myocarde, de thrombose veineuse ou encore de fibrillation auriculaire sont également augmentés par la migraine.
Toujours selon cette étude, le risque est le plus élevé au cours de la première année suivant le diagnostic de migraine. Le risque d'AVC est ainsi multiplié par 8. La migraine avec aura ressort comme étant la plus à risque.
Femmes migraineuses et AVC, attention !
Différentes études statistiques montrent qu'il y a plus de migraineux chez les personnes ayant été victimes d'un AVC. Cependant, de telles observations permettent-elle pour autant de considérer la migraine comme un facteur de risque des accidents vasculaires cérébraux ?
Conduite par l'Organisation Mondiale de la Santé 2, une vaste étude réalisée en 1999 auprès de cinq centres européens a permis d'établir le lien entre migraine et attaques cérébrales chez les femmes de 20 à 44 ans. Passant en revue 291 cas d'attaques cérébrales, les chercheurs ont établi que :
- Les femmes migraineuses en âge de porter un enfant ont 3 fois plus de risque d'accident vasculaire lié à une ischémie que les femmes non migraineuses ;
- Par contre, il n'y a pas de risque supplémentaire d'AVC hémorragique ;
- La coexistence avec la migraine d'une contraception orale, d'une tension artérielle élevée ou d'un tabagisme aurait un effet multipliant le risque associé aux seules migraines.
Il est à noter que les données de ces patientes ont été reprises 3 en 2002, afin de préciser ces résultats. Il est apparu que les patientes migraineuses les plus à risques étaient celles souffrant de migraine avec aura (migraine accompagnée), surtout si elles subissaient plus de 12 crises par an.
Une étude allemande publiée 2003 4 est venue confirmer ces données. Il a été montré, chez 160 femmes migraineuses de moins de 46 ans, que la migraine multipliait par 2 le risque d'attaque cérébrale, tous mécanismes et causes confondus et indépendamment des autres facteurs de risques.
Céphalées chroniques chez l'homme, un risque accru d'AVC
Les maux de tête chroniques non migraineux semblent également à risque vasculaire cérébral, du moins chez l'homme, comme le montrent les résultats d'une gigantesque étude réalisée en 2003 5 sur les facteurs de risque cardiovasculaire conduite en Finlande pendant 23 ans auprès de plus de 35 000 hommes et femmes.
L'analyse des dossiers de ces patients a montré que parmi les 2167 personnes ayant fait un AVC pendant la période de suivi, les hommes souffrant de céphalées chroniques non migraineuses avaient un risque d'AVC dans l'année multiplié par 4, et multiplié par 2 (1,86 pour être précis) dans les 5 ans, indépendamment des autres facteurs de risques. Par contre les femmes souffrant du même type de céphalées ne présentaient pas de risque supplémentaire d'AVC, quelle que soit la période étudiée.
Les auteurs en concluent que les maux de tête chroniques non migraineux sont un facteur prédictif indépendant d'AVC chez l'homme. Ils expliquent le risque particulièrement élevé à court terme par la possibilité que ces douleurs soient le reflet d'un processus sous-jacent précurseur d'une attaque cérébrale.
Migraine et AVC : comment expliquer ce lien ?
Même s'il demande encore à être vérifié, un scénario du fonctionnement de la migraine peut être proposé : des facteurs psychologiques (stress), hormonaux ou alimentaires stimulent le système nerveux central et entraînent la sécrétion d'un messager chimique (la sérotonine) au niveau des vaisseaux intracrâniens. On constate alors :
- Une vasodilatation des artères des méninges (couche protectrice du cerveau) ;
- Une augmentation du flux sanguin et le passage de substances inflammatoires et algogènes (sources de douleur) dans les tissus environnants ;
- Ces substances vont stimuler les fibres sensitives du nerf trijumeau qui va, en retour, entretenir et aggraver la vasodilatation et la douleur. Chacun des deux nerfs trijumeaux innerve la paroi des artères méningées d'un côté du crâne, ce qui pourrait expliquer le caractère souvent unilatéral des céphalées migraineuses.
Ce mécanisme de la migraine, qui entraîne une succession de contraction et dilatation des vaisseaux sanguins dans le crâne, favorise la formation d’un caillot de sang qui va bloquer la circulation.
Les facteurs de risque aggravants
- Sexe féminin : les femmes sont plus à risque ;
- Tabagisme ;
- Hypertension ;
- Contraception ;
- Âge : le risque est plus élevé en dessous de 45 ans ;
- Migraine avec aura.
Un risque à ne pas négliger
Si vous êtes migraineux, écoutez d'autant plus attentivement votre médecin traitant lorsqu'il vous parle des facteurs de risque cardiovasculaire, par exemple en vous prescrivant une pilule, en commentant votre taux de cholestérol ou encore en vous incitant à arrêter de fumer. Vos migraines vous font courir un risque supplémentaire certain. Quant aux hommes, les maux de tête chroniques ne sont jamais anodins, d'où l'importance de consulter rapidement pour en faire le diagnostic. Ils cachent peut-être une pathologie plus grave que la "simple" céphalée de tension liée au stress de votre vie quotidienne. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, consulter permet de trouver un traitement adapté et donc de ne plus souffrir !
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