Continuer à travailler avec la sclérose en plaques

 Mathilde Pujol
Mathilde Pujol Journaliste rédactrice
Publié le  , mis à jour le 

Sclérose en plaques et travail
Validation médicale : 01 mai 2024
Dr Gérald  Kierzek
Dr Gérald Kierzek Directeur médical de Doctissimo

La sclérose en plaques affecte considérablement la vie quotidienne. Au travail, si la maladie n'effraie pas l'entourage, elle n'est pas toujours bien comprise dans la mesure où ses symptômes sont peu visibles. Doctissimo a recueilli le témoignage de deux patientes.

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie chronique invalidante au quotidien entraînant un handicap plus ou moins lourd. Cette atteinte du système nerveux central entraîne la destruction progressive de l'enveloppe protectrice des nerfs du cerveau et de la moelle épinière. Elle se caractérise par une grande variété de symptômes neurologiques (troubles moteurs, sensitifs, grande fatigue...) qui surgissent par poussées et ne sont pas toujours visibles.

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Peut-on travailler avec la sclérose en plaques ?

Vivre et travailler avec la sclérose en plaques

Les 3/4 des personnes souffrant de SEP considèrent que leur maladie a un impact significatif sur leur activité professionnelle, révèle une enquête menée par la Ligue française contre la sclérose en plaques (LFSEP).1 En effet, la SEP peut avoir des conséquences professionnelles et socioprofessionnelles qui sont handicapantes. Elle peut causer notamment :

  • Des absences plus élevées à causes des symptômes qui surgissent par poussées ou de la fatigue chronique ;
  • Une productivité plus faible ou des risques d’erreur dans les tâches effectuées (en raison des troubles cognitifs, de la fatigue...) ;
  • Un risque plus important d’accidents du travail liés à la fatigue, aux troubles de l’équilibre, de la coordination, de la vision, de la sensibilité, de la motricité… ;
  • Des problèmes relationnels avec les collègues et les supérieurs (tolérance et compréhension vis-à-vis de la maladie et de ses conséquences).
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Est-ce que la sclérose en plaques est un handicap ? Quel est le taux d'invalidité ?

Ces conséquences dépendent toutefois de plusieurs choses : le stade de la maladie, les symptômes, les traitements, et surtout le type d’emploi. Les malades atteints de SEP ont encore un fort taux de désinsertion. Aujourd’hui, leur taux d’emploi est de 32 à 61 % selon le niveau d’études. La moitié d'entre eux perdent leur emploi entre 9 et 15 ans après le début de la maladie, et ce, parfois même s'ils peuvent continuer de d'effectuer correctement leur travail.1

De plus, 87 % des patients interrogés estiment que la sclérose en plaques constitue un véritable frein pour trouver un travail.3

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Dois-je révéler ma maladie à mon employeur ?

En France, selon une enquête, 90 % des salariés atteints de sclérose en plaques ont révélé leur maladie à leur employeur et à leurs collègues.4 Pourtant, sachez-le : rien ne vous oblige à révéler que vous avez une SEP si vous ne le souhaitez pas. Votre employeur ne pourra pas vous licencier en raison de son état de santé (sauf dans des circonstances très précises) et n'aura pas le droit de vous demander des justificatifs médicaux.5 Si un licenciement était prononcé par l’employeur en raison de l’état de santé du salarié, il serait déclaré nul par les juges. Dans certains cas, il peut toutefois être judicieux de l'informer sur votre maladie : cela permettra de privilégier une relation de confiance (en cas de coups de fatigue, d'absences répétées...) et de faciliter ainsi les aménagements de poste.

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À noter : si la relation avec l’employeur est indifférente ou mauvaise, il est sans doute préférable de s’adresser au médecin du travail d'abord. De plus, juridiquement parlant, le début du contrat de travail et notamment la période d'essai sont une période délicate puisque le salarié peut être remercié sans justification. Vous avez deux solutions : attendre la fin de la période d'essai ou bien en parler d'abord à votre médecin du travail.

Témoignage de Françoise, atteinte de SEP à 26 ans

Françoise a 26 ans lorsqu'elle apprend qu'elle a la sclérose en plaques. (6) Elle ne connaît alors rien de cette maladie et n'a aucune idée de l'impact qu'elle peut avoir sur son travail. "Je n'ai pas le souvenir d'avoir reçu à l'époque la moindre explication sur les possibles conséquences de la maladie sur mon travail, et la fatigue est devenue réellement handicapante alors que j'étais infirmière dans un service de réanimation", témoigne-t-elle.

Françoise évoque sa maladie à ses supérieurs et à ses collègues. "Pas dans l'idée d'être plainte ou d'obtenir un poste aménagé", se justifie-t-elle, mais plutôt de faire prendre conscience à son entourage professionnel de ce qu'elle traverse. Car la SEP n'est pas une maladie visible et ses symptômes ne sont pas forcément caractéristiques. Rapidement, elle a le sentiment de "devenir un boulet, on ne sait plus quoi faire de vous". On lui a d'ailleurs clairement dit : "Restez à la maison !". Mais son envie de travailler est plus forte. Elle frappe alors à la porte de la médecine du travail. Finalement, elle accepte de troquer son poste d'infirmière pour celui d'aide-soignante.

"J'ai accepté tout en ayant le sentiment d'être placardisée". Une nouvelle poussée la conduit en arrêt maladie pendant 6 mois. "Je croyais alors que je n'avais plus d'avenir en tant qu'infirmière, un métier pas forcément adapté à une SEP", se remémore Françoise. À son retour cependant, elle retrouve un poste d'infirmière en hôpital de jour. Sa surveillante, compréhensive, lui adapte son poste, mais de manière officieuse. "Une semaine sur deux, j'assure la régulation, où je suis plus souvent assise".

Avec le recul, Françoise se rend compte que "si (elle) ne s'était pas battue, (elle) serait à la maison, en invalidité". Et son avenir, comment l'envisage-t-elle ? "Je sais qu'un jour ou l'autre, je ne pourrai plus travailler comme maintenant. Je demanderai alors un reclassement". Un moment qu'elle repousse mais qu'elle sait inéluctable.

Dois-je révéler ma maladie lors d’un entretien d’embauche ?

Vous n’êtes pas obligés, aux yeux de la loi, de révéler une maladie lors d’un entretien d’embauche, en vertu du droit à la vie privée. Et, à moins d’avoir postulé sur un poste "travailleur handicapé", il est préférable de ne pas mentionner sa maladie à un futur employeur. Bien sûr, il est possible (mais pas obligatoire) d’en parler au médecin du travail lors de la visite médicale d’embauche. Il pourra préconiser des adaptations de poste à l’employeur pour faciliter le travail.

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À noter : lorsqu’il s’agit d’un poste de sécurité pouvant mettre la santé ou la sécurité du salarié ou de tiers en jeu, et qui exige des aptitudes particulières, il est d’autant plus pertinent d‘informer le médecin du travail de sa maladie. Mais dans tous les cas, c’est au salarié d’en décider.

La relation avec le médecin du travail

  • Si vous êtes déjà en poste : lors de la consultation annuelle avec le médecin du travail, vous pouvez l’informer de votre maladie, même si vous n'en êtes pas obligé légalement. Et comme il est tenu au secret professionnel, il ne pourra pas en parler à l'employeur sans votre accord. Dans certains cas, il est tout de même préférable de lui révéler votre SEP, notamment si vous êtes amené par la suite à demander un aménagement de votre poste de travail. En effet, c'est le médecin du travail qui évaluera la nécessité de cette demande et transmettra ses recommandations à votre employeur.
  • Lors d'une embauche : le médecin du travail est tenu au secret médical, cela signifie qu'il n’est pas obligé d'informer l'employeur de votre SEP, mais qu'il doit lui donner son avis sur votre embauche en fonction de votre état de santé.
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Arrêt, fatigue, temps de travail...Quels sont les aménagements de poste possibles ?

Les aménagements dans la façon de travailler sont proposés à l’employeur par le médecin du travail lors de la visite de reprise. Ce dernier peut également solliciter son équipe pluridisciplinaire dans le maintien en emploi (ressources humaines, ergothérapeute…). L’employeur est dans l'obligation d"assurer la santé et la sécurité des salariés. Ainsi, s'il ne peut pas donner l'accès à certains aménagements, il doit le justifier par écrit. Une discussion peut alors s'amorcer autour du médecin du travail.

Mais avant tout, il faut se poser quelques questions clé pour savoir quels aménagements seront nécessaires : modulation du rythme de travail (répartition des heures), temps partiel thérapeutique, télétravail, accessibilité aux fauteuils roulants, climatisation de l’espace de travail, aménagement d'une salle de repos, agencement du poste de travail pour limiter les douleurs, les troubles visuels, etc.

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Témoignage de Mélanie, diagnostiquée SEP à 12 ans

Les difficultés de Mélanie ont commencé très tôt. (7) "J'avais 12 ans et demi quand le diagnostic a été posé. Du jour au lendemain, je ne pouvais plus marcher normalement". Parmi les symptômes qui l'affectent le plus, les problèmes de vue, qui nécessitent des aménagements au collège. "J'étais toujours devant, ce qui provoquait les moqueries de mes camarades. J'avais aussi un professeur entre midi et deux pour qu'il m'aide à rattraper mon retard. Mais j'ai dû me battre pour obtenir un tiers-temps pour mes examens", souligne la jeune femme.

Plus tard, Mélanie affirme avoir "plutôt des bons rapports avec le monde de l'entreprise", malgré plusieurs mauvaises expériences dans la fonction publique. Elle est aujourd'hui chargée de communication dans un grand groupe et ne bénéficie d'aucun aménagement officiel. "Je n'ai pas demandé d'adaptation de poste", précise-t-elle, mais en revanche, "dès le premier entretien d'embauche, je suis franche. J'explique d'emblée au recruteur comment se gère une personne handicapée et comment il me revient de gérer mon temps en fonction de mes difficultés".

Pour rassurer ses employeurs sur ses capacités de travail, Mélanie propose des solutions : "il existe des souris grossissantes, des ordinateurs ayant une loupe intégrée ; je peux également faire du télétravail". Avec un risque de 50% d'avoir recours au fauteuil roulant (en permanence ou pour limiter la fatigue) après 20 ans d'évolution, Mélanie sait qu'elle devra continuer à se battre à la fois contre la maladie et contre les préjugés. Son avenir, en revanche, elle l'envisage au jour le jour.

Se faire reconnaître en qualité de travailleur handicapé

Lorsqu’un salarié est reconnu travailleur handicapé, cela permet à son employeur de se conformer à l’obligation de toute entreprise de plus de 20 salariés d’employer des personnes handicapées. Ce statut permet également de bénéficier de certaines prestations ou droits, comme l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) et la Prestation de Compensation du Handicap (PCH).

L'AFSEP encourage vivement les malades à se faire reconnaître en qualité de travailleurs handicapés.8 Une démarche encore très peu entreprise : "le terme "handicapé" bloque les gens, il est trop stigmatisant. Pourtant, le statut est intéressant car il sert souvent dans la négociation avec l'employeur pour le maintien au sein de l'entreprise car celle-ci doit respecter un certain quota de travailleurs handicapés ; et il s'intègre dans le calcul des retraites anticipées. En revanche, il y a plusieurs mois d'attente et je conseille aux patients d'entreprendre les démarches avant qu'elles en aient besoin, pour pouvoir s'en servir au moment voulu".

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Pour être aidé à aménager le poste de travail d'un salarié atteint de SEP, il peut faire appel au Service d'Aide au Maintien dans l'Emploi des Travailleurs Handicapés-Cap Emploi. De son côté, le salarié peut se tourner vers l'Association de Gestion du Fonds d'Insertion des Personnes Handicapées (AGEFIPH) ou le Fonds d'Insertion pour les Personnes Handicapées de la Fonction Publique (FIPHFP), ou encore vers les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH).

Avoir une pension d'invalidité : quelle aide financière ?

En cas de diminution d’au moins 2/3 des capacités de travail ou de gain d’une personne, cette dernière peut être reconnue en situation d’invalidité par l’Assurance Maladie. Ce statut peut permettre, sous certaines conditions, d’obtenir une pension, y compris en cas de poursuite de l’activité professionnelle.

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"Lorsque la maladie s'aggrave, celle-ci est reconnue comme une affection de longue durée (ALD) ; les patients ont alors droit à des indemnités journalières", explique l'AFSEP. Un système qui fonctionnait plutôt bien jusqu'à l'avènement des nouveaux traitements. "Aujourd'hui, le revers de la médaille des traitements, c'est qu'ils sont fatigants et obligent beaucoup de patients à prendre régulièrement une journée par semaine ou tous les 15 jours pour récupérer. Ils perdent alors tous leurs droits".

Seule solution pour les malades travaillant dans le secteur privé : demander une pension d'invalidité. "Sur le principe, c'est bien, sauf qu'elle est calculée sur les 10 meilleures années ou sur la moyenne des années travaillées, et que ce calcul est établi une fois pour toutes. Pour un jeune, c'est très pénalisant financièrement", souligne l'AFSEP. Cette association en a d'ailleurs fait son cheval de bataille et mène régulièrement des actions pour dénoncer les faibles ressources des personnes atteintes de SEP.


Publié le 
Révision médicale : 01/05/2024
Dr Gérald  Kierzek
Dr Gérald Kierzek Directeur médical de Doctissimo
Sources
  • Le travail et la sclérose en plaques", Par Pr Sophie Fantoni-Quinton Sous la coordination du Pr Patrick Vermersch, Fondation pour l’aide à la recherche sur la sclérose en plaques (ARSEP), 2015 (accessible en ligne). 
  • SEP et travail. Ligue Française contre la Sclérose en Plaques. (accessible en ligne)
  • Activité professionnelle et sclérose en plaques. CRCSEP. CHU de Bordeaux. Mars 2024 (accessible en ligne)
  • Sclérose en plaques au travail. Qualité de vie. 2020 (accessible en ligne)
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Contacts
  • Association française de la sclérose en plaques ( AFSEP )
  • Service d'Aide au Maintien dans l'Emploi des Travailleurs Handicapés (Présentation de l'offre de service à l'employeur, téléchargeable sur le site du SAMETH )
  • Association de Gestion du Fonds d'Insertion des Personnes Handicapées ( AGEFIPH )
  • Fonds d'Insertion pour les Personnes Handicapées de la Fonction Publique ( FIPHFP )
  • Maisons Départementales des Personnes Handicapées ( MDPH )

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