Maisons de naissance : de l'expérimentation à la pérennisation
Depuis le 13 juin 2013 et l'adoption d'une proposition de loi en ce sens, les maisons de naissance ont été expérimentées en France. Adoptés depuis 2020, ces dispositifs se présentent comme un compromis pour les femmes qui cherchent un environnement moins médicalisé mais avec une sécurité optimale en cas de complication.
Les pratiques autour de l'accouchement sont intimement liées aux systèmes obstétricaux conçus par chaque pays. Comment cela se passe ailleurs ? Avec quels succès ? Eléments de réponse. Et quel est le dispositif expérimenté en France ?
Les maisons de naissance en Europe
L'accouchement naturel est un courant né dans les années 1970 en Amérique du Nord, puis dans le Nord de l'Europe, en réaction à la forte médicalisation de l'accouchement des années 1960. Il promeut la liberté d'accoucher où la femme le souhaite, selon la position qu'elle souhaite, sans médicalisation, et notamment sans péridurale.
En Grande-Bretagne, cette liberté est sacrée et la femme a le choix de son lieux d'accouchement : à l'hôpital, dans une structure gérée par une sage-femme ou à domicile 1. Au Canada, où le métier de sage-femme avait quasiment disparu, le gouvernement a dû réhabiliter la profession et une dizaine de maisons de naissance ont vu le jour depuis 2. Mais ce sont surtout les Pays-Bas qui ont poussé la logique le plus loin : aujourd'hui, 30 % des femmes néerlandaises accouchent à domicile 3.
Des évaluations de cette approche ont été publiées très récemment. En Grande-Bretagne, elles sont encourageantes : l'étude réalisée à l'initiative du NPEU (National Perinatal Epidemiology Unit) de l'Université d'Oxford indique que la morbidité périnatale n'est pas plus élevée en maison de naissance qu'à l'hôpital 4. Une étude hollandaise est en revanche moins positive sur le sujet, illustrant les difficultés d'un système obstétrical qui détermine le lieu d'accouchement selon un risque estimé 5.
" L'exemple néérlandais ne constitue pas un modèle car la future maman n'a pas toujours le choix de son lieux d'accouchement", observe Sabrina Ben Brahim, porte-parole du Collectif Maison de naissance et présidente de l'association Comme à la Maison. Résultat : " Si elle est considérée comme une grossesse à bas risque, elle ira automatiquement en maison de naissance ou à domicile, alors que certaines souhaitent accoucher à l'hôpital, mais n'en ont pas les moyens". Selon elle, dans le contexte d'un accompagnement global, les deux critères à prendre en compte pour un accouchement réussi sont " la sécurité affective de la future maman, mais aussi la qualité du partenariat entre les professionnels de santé, notamment si un transfert est nécessaire".
L'OMS favorable aux maisons de naissance
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) voit d'un oeil favorable le développement des maisons de naissance. " Elles permettent un suivi plus personnalisé de la maman, y compris pendant l'accouchement, alors que les grosses maternités se focalisent à juste titre sur les accouchements avec complications", remarque le Dr Maurice Bucagu, gynécologue-obstétricien au département de la santé de la mère, du nouveau-né, de l'enfant et de l'adolescent.
En revanche, " le risque pour la mère et pour l'enfant n'étant pas prédictible avant la fin de l'accouchement", l'OMS recommande " un système de référence et de contre-référence adéquat pour une prise en charge effective des complications, car chez le bébé l'intervention est dans ce contexte une question de minutes". " C'est à chaque pays de déterminer son modèle selon les moyens dont il dispose sur un plan logistique", analyse le spécialiste. Mais selon ce dernier, les priorités pour une bonne coordination dans la chaîne d'intervention sont " le temps de transfert" et " l'accessibilité".
2013-2020 : le temps de l'expérimentation
En 2013, la France a légalement autorisé les maisons de naissance à titre expérimental grâce à la loi du 6 décembre 2013 et au décret du 30 juillet 2015 fixant les conditions de l’expérimentation. Ces dispositifs se présentent comme un compromis pour les femmes qui cherchent un environnement moins médicalisé mais avec une sécurité optimale en cas de complication.
Des établissements contigus à un établissement de santé
C'est la Haute Autorité de Santé qui a participé à la mise en œuvre de cette expérimentation en publiant en septembre 2014 un cahier des charges définissant le cadre des futures maisons de naissance.
Placées sous la responsabilité de sages-femmes, ces structures autonomes doivent être contiguës à un établissement de santé avec lequel elles passent convention. L'objectif est de garantir une meilleure qualité et sécurité des soins en cas de complication ou de nécessité de transfert.
Toutes ces structures offrent une prise en charge moins médicalisée du suivi de grossesse, de l’accouchement et du post-partum. Mais attention, elles n’assurent ni l’hébergement des parturientes et de leurs nouveau-nés ni la prise en charge des urgences obstétricales. Comme dans les pays où elles sont déjà mises en place, seules les femmes enceintes à bas risque de grossesse et d’accouchement sont concernées par ces structures.
9 maisons de naissances autorisées
Après un appel à candidature lancé en juillet 2015, 9 maisons de naissance sont autorisées à fonctionner à titre expérimental pour une durée de 5 ans :
- CALM - Maison de naissance à Paris
- Premier cri à Vitry sur Seine
- Maison de naissance DOUMAIA à Castres
- La Maison à Grenoble
- Le Temps de Naitre à Baie-Mahault
- Joie de naitre à Saint Paul
- Premières heures au monde à Bourgoin-Jallieu
- MANALA, Maison de naissance Alsace à Sélestat
- Un nid pour Naitre à Nancy
Des structures considérées comme "sûres"
En 2019, une équipe de chercheuses de l'INSERM et du CNRS a publié un rapport d'évaluation6 des 8 maisons de naissances en activité en France. Toutes ont été considérées comme "sûres" pour la maman et le bébé.
A l’échéance de l’autorisation (2020), ces structures devront être à nouveau évaluées. Leur intérêt d’un point de vue médical mais également médico-économique sera étudié par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Si le bilan de cette phase expérimentale est positif et si la demande des femmes pour une naissance moins médicalisée continue sur la même tendance, on peut penser que ces "maisons de naissances" vont se multiplier sur le territoire français.
Un projet pérennisé
Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le gouvernement a annoncé7 la pérennisation des maisons de naissance et la création de 12 nouveaux établissements dédiés à un accouchement sans hospitalisation. "Les résultats ont été positifs, tant du point de vue de la qualité et de la sécurité des soins prodigués, de l’efficience de la prise en charge, que de la diversité d’approches ainsi apportée aux femmes et aux couples. Elles peuvent donc être développées sur le territoire pour organiser l’accès des femmes qui le souhaitent à ce type de prise en charge" informe le ministère de la Santé.