Polymédication, surmédication... : comment limiter les risques ?
Les Français comptent parmi les plus gros consommateurs de médicaments. Pour limiter les effets indésirables et les accidents liés à ces produits, le plus simple est sans doute, lorsque c'est possible, de limiter leur prise. Quels que soient l'objectif et la durée du traitement, il est par ailleurs indispensable de respecter des règles de bon usage.
Selon la dernière enquête de l'Assurance Maladie, menée en Europe sur les principales classes médicamenteuses, les Français sont conscients que les médicaments sont des produits actifs pouvant présenter des risques 1. Ils sont également les plus grands consommateurs de médicaments en valeur et les seconds en volume 2 : en France, 42 % des plus de 18 ans prennent au moins un médicament tous les jours, une proportion qui augmente avec l'âge.
C'est quoi la polymédication ?
La polymédication est définie par l'OMS comme étant "l’administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou l’administration d’un nombre excessif de médicaments". Fréquente chez les personnes âgées et en cas de maladies chroniques, la prise de nombreux médicaments n'est pas sans risque pour la santé des patients.
Il peut aussi s'agir d'automédication de façon démesurée.
Tout médicament présente des risques potentiels
Si les médicaments demeurent indispensables, voire vitaux dans certaines pathologies, ils présentent des risques potentiels, dits iatrogènes, dont les utilisateurs et patients doivent être conscients.
"Au-delà du risque allergique, difficilement prévisible, tout médicament, du fait même de son efficacité, peut présenter des effets indésirables," note Bernard Delorme, pharmacien, responsable de l'unité information des patients et du public à l'Afssaps 3.
"Même le paracétamol, qui a prouvé sa sécurité d'emploi et qui est disponible en libre accès sans ordonnance, présente un risque, faible mais réel pour la santé des patients."
Les effets indésirables sur la santé augmentent avec la dose, la durée du traitement et le nombre de médicaments. Ils peuvent aussi être liés au phénomène d'interaction, certains médicaments pouvant modifier l'activité d'autres, que ce soit en diminuant leur efficacité ou en la démultipliant, de même que les risques associés. Ces interactions existent aussi avec des aliments, boissons ou plantes et des facteurs environnementaux.
En France, 3,6 % des hospitalisations, soit 144 000 chaque année, sont liées aux effets indésirables des médicaments sur la santé. Un tiers d'entre elles pourraient être évitées 4.
Certaines populations sont particulièrement exposées
"Les femmes enceintes, par précaution vis-à-vis du bébé, les personnes qui présentent une défaillance au niveau d'un organe (coeur, foie, rein, poumon...) et les personnes âgées doivent être particulièrement attentives au risque iatrogène", avertit le pharmacien.
Avec l'âge, les capacités d'épuration de l'organisme diminuent et certains organes sont déjà affaiblis. Cependant, les pathologies sont aussi plus fréquentes, nécessitant la prise au long cours de différents médicaments par le malade. Les 65 ans et plus, qui sont 83 % à prendre au moins un médicament tous les jours 1, présentent deux fois plus d'accidents liés aux médicaments que le reste de la population 5. Les chutes, en cas de malaise ou confusion, leur sont aussi plus préjudiciables.
Faire régulièrement réévaluer son traitement
"La liste des médicaments figurant sur l'ordonnance ou la prescription des patients est parfois impressionnante", concède Bernard Delorme. "Le médecin traitant n'en est pas toujours responsable, son patient pouvant être suivi par différents spécialistes. L'automédication est aussi à prendre en compte. Pour vérifier l'absence d'interactions, chaque prescripteur doit être tenu au courant de l'ensemble du traitement du malade".
En fonction des souhaits du malade, et pour réduire au maximum les risques de surdosage et d'interactions, le médecin peut établir des priorités et tenter de diminuer les doses de certains médicaments, voire les supprimer totalement de la prescription du patient.
D'ailleurs, pour le Pr Jeandel, "savoir "déprescrire" est aussi important que savoir prescrire des médicaments" 6. Dans certains cas, il est possible de compenser les bénéfices des médicaments sur la santé du patient en jouant sur d'autres paramètres (alimentation, activité physique, relaxation...). Certains patients peuvent aussi préférer tolérer leurs symptômes pour préserver leur organisme plutôt que de multiplier les médicaments.
Enfin, il arrive que la recherche du traitement minimum permette de s'apercevoir qu'un médicament est devenu inutile pour la santé. La prescription est alors à revoir.
En cas de pathologie longue ou de maladie chronique, il est d'ailleurs recommandé de faire des bilans réguliers pour réévaluer l'ensemble du traitement.
Bernard Delorme insiste : "Cette évaluation doit se faire avec un médecin, généraliste ou spécialiste, qui, s'il décide d'interrompre un médicament, le fait souvent progressivement en s'assurant que son patient reste bien équilibré. Certains traitements et, parmi les plus courants, ceux prescrits pour le diabète, l' hypertension artérielle, les maladies du coeur, l' asthme, les problèmes de thyroïde, l' épilepsie ou certaines affections psychiatriques... ne doivent jamais être interrompus sans avis médical." Au regard des risques qu'entraînerait leur absence pour la santé, il peut être nécessaire pour les patients de les poursuivre à vie.
La notice, un élément de sécurité trop souvent négligé
Que le médicament ait été délivré avec ou sans ordonnance, il est indispensable de lire au moins une fois sa notice avant toute prise. Elle rappelle notamment dans quel cadre le médicament est indiqué, ce qu'il faut savoir avant de l'utiliser (contre-indications, précautions d'emploi, interactions...), sa posologie habituelle et les effets indésirables en liste quasi exhaustive. "Toutes les informations contenues dans le Vidal y figurent en version simplifiée, résume Bernard Delorme. En cas d'interrogation, il ne faut pas hésiter à s'y référer et, si besoin, solliciter l'avis de son médecin ou pharmacien".
- L' Afssaps , Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, en particulier :
*son dossier thématique sur les interactions médicamenteuses ; extracturl fusionne liste-pages-1-2-test.txt liste-pages-1-2.txt pagesdoubles.csv suivantes-sans-visites-test.txt suivantes-sans-visites.txt tmp.htm Le communiqué de presse " Médicaments et aliments : lire la notice pour éviter les interactions ", octobre 2008 ; *ses brochures et fiches patients téléchargeables, dont " 7 clefs pour avoir confiance dans vos médicaments , 2009 et " Toujours lire la notice de votre médicament ", 2007 ;
- L' Assurance Maladie , en particulier la page sur l' iatrogénie médicamenteuse , juin 2010.