Les traitements contre le cancer vivent actuellement une véritable révolution. Grâce aux progrès de la génétique et de la biologie moléculaire, la médecine dispose aujourd'hui de composés inimaginables il y a dix ans.
Aujourd'hui, le traitement phare de nombreux cancers continue d'être la chimiothérapie, en association bien sûr à la radiothérapie et à la chirurgie. La chimiothérapie sauve des vies, mais au prix d'une importante toxicité. Comment augmenter l'efficacité des traitements et en limiter la nocivité ? La dernière session de la Société américaine d'oncologie clinique à San Francisco du 12 au 15 mai dernier est indiscutablement porteuse d'espérances sur ce plan.
De nombreux médicaments autres que la chimiothérapie sont aujourd'hui testés chez les malades cancéreux. Nouveauté essentielle, certaines de ces molécules ont une action plus ciblée (en intervenant à un niveau précis du processus tumoral), ce qui devrait leur conférer une meilleure tolérance. Retour sur les plus importantes découvertes présentées lors du grand congrès annuel des cancérologues du monde entier.
Des progrès espérés avec un anticorps dans le cancer du côlon
Le cancer est une maladie aux multiples visages, aussi les chercheurs sont-ils amenés à explorer diverses voies de traitement. Comment empêcher la multiplication anarchique des cellules cancéreuses ? Une des techniques consiste à bloquer le signal de prolifération que reçoit la cellule cancéreuse en déréglant ou en stimulant continuellement un de ses récepteurs membranaires ou l'une de ses enzymes.
Composé star du dernier congrès annuel de cancérologie de San Francisco, le Glivec s'est avéré capable de neutraliser l'une de ces enzymes, la tyrosine kinase. Des résultats très significatifs ont ainsi pu être obtenus dans la leucémie myéloïde chronique, une forme de cancer du sang. Déjà, des données encore préliminaires suggèrent que ce produit pourrait également ralentir l'évolution de certains cancers digestifs.
D'autres formes plus répandues de tumeurs digestives pourraient également tirer parti des retombées de la biologie moléculaire. Ainsi, une étude américaine présentée pendant le congrès propose une solution aux cancers du côlon et du rectum ne répondant plus à la chimiothérapie. Un anticorps, le cétuximab (ou IMC-C225), améliore l'efficacité de la chimiothérapie classique pour ces cancers résistant. Le mécanisme en jeu diffère de celui du Glivec. Ce composé empêche le récepteur d'un facteur de croissance d'être activé à la surface de la cellule tumorale. Et, par voie de conséquence, la multiplication des cellules cancéreuses est ralentie.
Ce médicament semble d'autant plus prometteur que ce facteur de croissance est présent dans des cancers très courants comme ceux du poumon, du pancréas et de la tête et du cou. Les cancérologues espèrent ainsi lui trouver bientôt d'autres applications. Des études sont actuellement en cours pour conclure sur son efficacité.
Vers un vaccin dans le cancer du poumon ?
Autre possibilité thérapeutique d'avenir, le vaccin contre le cancer suscite bien des espoirs, depuis longtemps, mais deux études présentées à San Francisco laissent penser que l'on se rapproche du but.
En développant un vaccin contre une protéine présente sur certaines catégories de cellules tumorales (l'antigène carcino-embryonnaire), des biologistes de l'université de Stanford ont observé une régression tumorale chez deux malades porteurs d'un cancer du côlon ou du rectum s'accompagnant de métastases et ne répondant plus à aucun traitement. Un patient vit d'ailleurs actuellement sans aucune tumeur depuis presque un an.
Utilisant un mode de fabrication différent, les résultats concernant le GVAX ® apparaissent encore plus encourageants. Dans ce cas, le principe consiste à prélever les propres cellules cancéreuses des malades, les manipuler afin de les inciter à fabriquer un facteur de croissance activant le système immunitaire. Testé sur 300 malades, ce vaccin a démontré une activité dans des cancers aussi variés que ceux de la prostate, du rein et de la peau (mélanome).
Surtout, une étude entreprise par des cancérologues américains de Dallas, Philadelphie, San Francisco et Portland a mis en évidence une efficacité assez importante de ce vaccin dans le cancer du poumon. Prudence toutefois, le vaccin GVAX ® n'en est qu'aux premières phases de son développement et il faudra encore attendre un peu avant d'être certain de son intérêt thérapeutique.
Des progrès à attendre aussi des agents anti-vascularisation
Autre moyen thérapeutique, "affamer" les tumeurs en limitant leurs circuits d'alimentation. Ainsi, des recherches tentent de ralentir le processus cancéreux en s'opposant à la formation des nouveaux vaisseaux formés en périphérie de la tumeur qui contribuent à sa croissance en l'irriguant.
De multiples substances peuvent agir à ce niveau par des mécanismes différents. Et déjà, des patients victimes de cancer colorectal ou de leucémie ont vu leur tumeur diminuer de volume avec des médicaments comme le sémaxanib (SU5416) ou l'anticorps HuMV833 qui contrent l'action d'un facteur de croissance des cellules vasculaires.
Attention, trois ou quatre ans seront au minimum nécessaires avant d'apprécier à leur juste mesure les effets de ces nouvelles thérapeutiques et savoir comment les utiliser au mieux chez les malades.