Grippe : faut-il vacciner les enfants ?
Le vaccin antigrippal est bien toléré et son efficacité varie entre 60 % et 90 %. Gratuit à partir de 65 ans, il est recommandé chez les adultes plus jeunes. Mais qu'en est-il de la vaccination infantile ? Aujourd'hui, son utilité apparaît controversée.
En France, 2 à 8 millions de personnes sont touchées par la grippe et 2 500 en meurent chaque année. Depuis une vingtaine d'années, les taux de vaccination antigrippale restent stables : près d'un Français de plus de quinze ans sur cinq se vaccine. Chez les personnes âgées, ce geste semble être entré dans les mœurs. Sachant que les enfants constituent des vecteurs importants du virus, ne serait-il pas utile de les vacciner ?
Une vaccination infantile limitée à des cas particuliers
Le calendrier vaccinal adopté par le Ministère recommande de vacciner les enfants et adolescents (entre six mois et 18 ans) dont l'état de santé nécessite un traitement prolongé par l'aspirine (essentiellement pour syndrome de Kawasaki compliqué et pour l'arthrite chronique juvénile).
Il préconise aussi la vaccination des enfants (et des adultes) atteints de certaines affections :
- Maladie immunitaire ;
- Maladie rénale grave ;
- Maladie de l'hémoglobine ;
- Diabète insulino-dépendant ;
- Affection respiratoire (asthme notamment) ou cardiaque chronique.
Pour ces cas particuliers, la grippe risque d'être sévère ou d'aggraver la maladie déjà présente.
En revanche, la vaccination n'est pas recommandée pour les enfants en bonne santé et les taux de vaccination semblent être quasiment nuls dans cette classe d'âge. Pédiatre à l'hôpital Louis-Mourier (Colombes), le Pr. Catherine Olivier estime "qu'il est rigoureusement exceptionnel qu'un pédiatre ou un généraliste aille au-delà des recommandations du Ministère". Pourtant, à partir d'un an, l'incidence de la grippe est similaire à celle observée chez l'adulte. Mais la mortalité reste exceptionnelle chez l'enfant sain, et les complications graves très rares.
Le cas des nourrissons
Avant l'âge de six mois, la vaccination est contre-indiquée. Le vaccin est cependant recommandé pour l'entourage du nourrisson qui présente des facteurs de risque de grippe grave : prématuré, enfant atteint de cardiopathie congénitale, déficit immunitaire congénital, pathologie pulmonaire, neurologique, neuromusculaire ou affection de longue durée.
Utile pour limiter les épidémies ?
Une protection vaccinale serait-elle pour autant dénuée d'intérêt ? Pas vraiment, car la grippe entraîne fréquemment des complications ORL (des otites en particulier) ou respiratoires (bronchites). Le vaccin aurait aussi l'avantage de supprimer une voie fréquente de diffusion de la maladie. Il serait possible de le proposer pour les enfants ayant des otites à répétition, par exemple.
Aux Etats-Unis, les pédiatres recommandent désormais la vaccination contre la grippe dès 6 mois. L'idée est non seulement de réduire le risque de mortalité des enfants, mais aussi d'"assécher" ce réservoir viral qu'ils représentent. La décision a été prise après l'hiver 2014-2015, où les 2/3 des enfants décédés ne présentaient pas de comorbidités pouvant expliquer leur décès*.
Hormis la Finlande et l’Autriche, les autres pays européens n’ont pas de recommandations vaccinales contre la grippe concernant les enfants. Ils estiment que les données d’efficacité chez le jeune enfant restent limitées pour les vaccins actuels et surtout que le calendrier vaccinal est déjà chargé chez l'enfant jusqu'à ses deux ans, période durant laquelle il a le plus de risque d'être infecté.
Une telle attitude est-elle envisageable ? "Oui, mais uniquement dans la perspective d'un nouveau vaccin plus facile à administrer", estime le Pr. Olivier. En effet, il paraît difficile d'encourager la pratique d'un vaccin injectable annuel contre une maladie bénigne, alors que l'enfant doit déjà recevoir des vaccins d'importance majeure.
Un nouveau souffle avec le vaccin en spray ?
Un vaccin nasal fabriqué par une filiale d'Astrazeneca (FluMist ou Fluenz en France) pourrait éventuellement faciliter la vaccination des enfants. Une modélisation réalisée par des chercheurs belges estime même qu'une vaccination de tous les enfants avec ce vaccin permettrait d'éviter deux fois plus de cas de grippe chez les enfants à risque et d'avoir un réel impact sur l'incidence des cas chez les adultes.
En vaccinant 75 % des enfants de 2 à 17 ans, ils estiment qu'on éviterait chaque année 374.000 cas de grippe symptomatique (soit 57 % du nombre actuel de cas déclarés en Belgique). La majorité de ces cas évités concernerait des adultes, soit 244.000 cas. Un effet indirect de la vaccination chez les enfants.
Mais alors qu'en 2016, l'Ontario et le Québec ont décidé d'offrir la gratuité de ce vaccin pour les enfants, les autorités sanitaires américaines (CDC) ont décidé de ne plus utiliser ce vaccin qu'elles jugent inefficace. Le laboratoire a réagi en émettant via un communiqué de presse soulignant que les données américaines étaient en contradiction avec celles d’autres pays.