L'homéopathie vue par le Dr Jeulin, présidente du syndicat des médecins homéopathes français
"Méthode obsolète", "doctrine à l'écart de tout progrès". Au-delà de la demande de déremboursement total des médicaments homéopathiques, l'Académie nationale de médecine jette un profond discrédit sur cette discipline. Le Dr Dominique Jeulin, présidente du syndicat national des médecins homéopathes français, répond à cette attaque.
Comment réagissez-vous à la demande de déremboursement souhaitée par l'Académie nationale de médecine ?
Dr Dominique Jeulin : Nous sommes surpris pour ne pas dire stupéfaits par une telle déclaration, qui arrive pour le moins tardivement, près d'un an après le premier débat initié fin 2003 et qui avait abouti à un abaissement du remboursement de 65 % à 35 % des médicaments homéopathiques. Nous regrettons donc une attaque basée sur des a priori, sans qu'aucun médecin homéopathe n'ait été consulté.
L'Académie de médecine estime que faute de recherche, aucun médicament homéopathique n'a pu avancer la preuve de son efficacité…
Dr Dominique Jeulin : Dire qu'il n'y a pas de recherche en homéopathie est faux, comme l'atteste des centaines de publications dans des revues scientifiques de référence. De plus, l'homéopathie est reconnue dans plusieurs services hospitaliers. Dans le service d'hépatologie du Pr. Trepo à l'Hôtel-dieu (Lyon), au service de gynécologie obstétrique du Docteur Querreux du CHU de Reims… Enumérer tous les services et toutes les applications de l'homéopathie serait rapidement fastidieux, mais de récentes études attestent des effets de l'homéopathie face à la fibromyalgie, l'hyperactivité de l'enfant ou la diminution des effets secondaires des patients sous chimiothérapie, etc.
Malgré cela et malgré l'engouement pour l'homéopathie, cette discipline a du mal à s'affirmer comme une véritable discipline médicale, basée sur un principe scientifiquement contestable…
Dr Dominique Jeulin : L'homéopathie est reconnue par l'Ordre des médecins et est enseignée en faculté de médecine. De plus, la France a la chance de voir l'homéopathie pratiquée par des médecins. Conscient de la nécessaire évaluation de nos pratiques, notre syndicat a beaucoup communiqué avec les politiques, les scientifiques, l'Agence Française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES), les assureurs et les médias afin de préciser l'enjeu de santé publique que représente notre discipline. De plus, nous envisageons de créer très prochainement une société savante de médecine homéopathique.
Quelle pourrait être le rôle de cette future société ?
Dr Dominique Jeulin : Ces rôles seront multiples. Outre l'interlocuteur privilégié auprès des différents partenaires publics, cette société devra proposer des méthodes d'évaluation des pratiques de médecine homéopathique ainsi que des médicaments homéopathiques, avec l'industrie pharmaceutique.
Le cadre actuel d'évaluation des médicaments repose sur des essais cliniques en double aveugle* et compare les résultats sur certains critères d'efficacité, sur les effets secondaires et le coût des médicaments de la même classe thérapeutique : anti-inflammatoires, antalgiques, antiulcéreux, etc.
Un médicament homéopathique ne correspond pas à une prescription dans une seule classe thérapeutique (par exemple, l'Arnica est bien connue pour son intérêt dans les traumatismes mais aussi dans certaines conditions face à la dépression réactionnelle, l'insomnie, etc.). Il est ainsi difficile d'imaginer que nous pourrions multiplier les études à réaliser, en sachant le coût de telles expérimentations et la nécessité de nombreux investigateurs dans une communauté de médecins homéopathes déjà bien occupés à soigner de nombreux malades.
Le dossier médical du patient pourrait apporter des éléments de réponse en facilitant le recueil des données et donc le coût des études. C'est à nous de proposer de nouvelles règles d'évaluation de nos pratiques. Nous y travaillons actuellement en partenariat avec les autorités sanitaires.
Quelle pourrait être selon vous la place de l'homéopathie dans la médecine de demain ?
Dr Dominique Jeulin : Des études actuellement en cours pourraient prochainement confirmer que les médicaments homéopathiques entraînent un moindre recours aux antibiotiques face à des pathologies respiratoires récurrentes, et seraient ainsi source d'économies et de réduction des phénomènes de résistance des bactéries.
Les preuves scientifiques de l'efficacité de l'homéopathie manquent aujourd'hui pour démontrer un effet supérieur à un placebo. En cas de symptôme inquiétant ou persistant, il est nécessaire de consulter votre médecin. Bien que dénuée d'effets secondaires, l'homéopathie ne doit en aucun cas se substituer à une prise en charge allopathique sans avis médical.