Chronothérapie des cancers : prédire la meilleure heure pour traiter
La chronothérapie des cancers consiste à administrer les traitements à une heure optimale en tenant compte des rythmes biologiques de l’organisme. En effet, l'efficacité des médicaments anticancéreux peut doubler, et leur toxicité diminuer de cinq fois selon l'heure d'administration. Seul problème : ces rythmes varient d’un individu à l’autre… mais une équipe française a construit un modèle mathématique permettant de prévoir cette période. Des résultats préliminaires sur un modèle animal qui reste à valider avec plusieurs médicaments.
Chronothérapie des cancers : un enjeu pour améliorer l’efficacité et réduire la toxicité des traitements
Le métabolisme de l'organisme est rythmé sur 24 heures par l'horloge circadienne. De ce fait, à certains moments précis de la journée ou de la nuit, un médicament donné peut s'avérer plus toxique pour les cellules cancéreuses et moins agressif pour les cellules saines. La chronothérapie des cancers, découverte il y a une vingtaine d'années par Francis Lévi part de ce principe pour améliorer l'efficacité des chimiothérapies. Ses recherches ont montré que l'efficacité des médicaments pouvait doubler selon l'heure à laquelle ils sont administrés. De plus, c'est à cette heure optimale que les médicaments se révèlent aussi jusqu'à 5 fois moins toxiques pour l'organisme.
Mais il existe d'importantes différences de rythmes biologiques entre les individus que la chronothérapie ne savait pas encore prendre en compte. Si, pour 50 % des patients l'heure optimale est la même, les 50 % restants sont soit en avance soit en retard sur cette heure. Mais une étude internationale menée chez des souris et coordonnée par des chercheurs de l'Inserm, du CNRS et de l'université Paris-Sud ouvre la voie à la personnalisation de la chronothérapie.
Prédire la meilleure d’administration de la chimiothérapie
Pour mieux comprendre les facteurs qui jouent sur ces différences dans les rythmes biologiques, les chercheurs ont étudié la toxicité d’un traitement anticancéreux (l’irinotécan) très utilisé face au cancer du côlon et du pancréas en fonction de son heure d'administration chez des souris mâles et femelles de 4 souches. Résultat : ils ont observé, pour la première fois, que l'heure de meilleure tolérance au traitement variait jusqu'à 8 heures d'un groupe de rongeurs à l'autre, selon leur sexe et leur patrimoine génétique. Mais comment prévoir l’heure optimale de traitement indépendamment du sexe et du patrimoine génétique ? Pour cela, ils ont mesuré l'expression de 27 gènes dans le foie et le côlon au cours des 24 heures. Avec ces informations, ils ont réussi à construire et valider un modèle mathématique permettant de prédire précisément l'heure à laquelle l'irinotécan est le moins toxique pour l'organisme grâce à la courbe d'expression de deux seuls gènes (appelés Rev-erbα et Bmal1), qui rythment le métabolisme et la prolifération des cellules.
La prochaine étape consiste à valider ce modèle avec d’autres traitements de chimiothérapie et à identifier d’autres paramètres physiologiques permettant de prédire l'heure optimale des traitements pour chaque patient (afin de rendre le modèle plus facilement utilisable qu’en s’appuyant uniquement sur l'expression des gènes). L’enjeu est de taille : la chronothérapie pourrait accroître l'efficacité et la tolérance des traitements, mais également améliorer la qualité de vie des malades.
David Bême
Sources :
A circadian clock transcription model for the personalization of cancer chronotherapy. Li XM, Mohammad-Djafari A, Dumitru M, Dulong S, Filipski E, Siffroi-Fernandez S, Mteyrek A, Scaglione F, Guettier C, Delaunay F, Lévi F. Cancer Res December 15, 2013 73:7176-7188. (abstract accessible en ligne)
Communiqué du CNRS – novembre 2013