L'industrie pharmaceutique se dote d'un comité de "déontovigilance"
Les laboratoires pharmaceutiques suscitent actuellement beaucoup d'interrogations : éthique et déontologie des études scientifiques, de la pharmacovigilance, de la communication, influences politiques et économiques, etc. La mise en place par le Leem (Les entreprises du médicament) du Comité de déontovigilance des entreprises du médicament, le Codeem, a pour objectif affiché de tenter de répondre à ces interrogations par un travail de veille, de réflexion, d'analyse, de médiation voire de sanction.
Une structure légère, interne mais se voulant indépendante
Le Codeem a été présenté à la presse le 26 septembre par le Leem (Les entreprises du médicament) et son président, Christian Lajoux. Ce dernier le qualifie d'“évènement important dans la vie des entreprises du médicament“. En pratique, il s'agit d'une structure dotée d'un budget annuel d'environ 200 000 euros et intégrée au Leem. Malgré cette intégration, le Codeem regroupe des personnalités majoritairement extérieures au Leem, ce qui laisse espérer un travail “indépendant“ selon Mr Lajoux. Onze personnalités, différentes compétences
Le Codeem regroupe 11 personnalités nommées pour 3 ans (de manière “irrévocable“) et qui auront donc la lourde charge de veiller à l'éthique de l'industrie pharmaceutique : - 3 “personnalités qualifiées“ qui cumulent de nombreux titres en dehors de l'industrie pharmaceutique : Yves Medina, président du Codeem, qui a notamment travaillé à la Cour des Comptes, Alain Anquetil, professeur d'éthique des affaires à l'ESSCA (école de management) et Bernard Charpentier, Chef de service en néphrologie à Bicêtre (région parisienne) - 3 “parties prenantes“ qui font partie de différentes associations de patients : le Dr Véronique Fauchier (Action contre les Spondylarthropathies), Franck Gérald (Union des associations d'usagers du système de santé) et Pierre-Albert Lefebvre (Association Française des diabétiques) - 3 “industriels“ : Nathalie Billon (Sanofi, direction des affaires scientifiques), Christine Hache (AstraZeneca, “directeur compliance“) et Cyril Titeux (président de Janssen-Cilag France) - 2 magistrats, pour gérer les “litiges et sanctions“ : Jean-Bertrand Drummen, président de la conférence générale des juges consulaires de France et ancien directeur général du laboratoire Novartis, ainsi qu'un deuxième, non encore connu. Trois missions principales
Le Codeem pourra être saisi par des laboratoires, mais aussi par telle ou telle partie prenante (associations, syndicats, Afssaps, etc.), mais pas par des individus isolés. Il constituera une sorte d'“observatoire des meilleures pratiques possibles“, selon Yves Medina. En conséquence, ces 11 personnalités se réuniront en moyenne une fois par mois pour : - Emettre des recommandations au Conseil d'administration du Leem, recommandations qui seront rendues publiques - Assurer une mission de conseil et de médiation - Produire des avis personnalisés sur telle ou telle pratique Mais le Codeem a également une mission de sanction, allant de la mise en garde jusqu'à la suspension ou la radiation du Leem en cas de constat d'anomalies déontologiques graves. Une véritable “mise au ban de la profession“, souligne Mr Medina. “Une information médicale de meilleure qualité“ ?
Selon Yves Medina, il est possible de “mettre en place dans ce pays une information médicale de meilleure qualité“, allusion au débat actuel sur l'information possiblement biaisée des médecins par Servier sur le Mediator ® et à la réforme éventuelle de la visite médicale (dans un premier temps, le ministre de la santé Xavier Bertrand souhaite la limiter, ce que conteste le Leem). Il estime de plus que “l'entreprise d'aujourd'hui a une responsabilité, une morale“ et que la “déontologie de ses pratiques est la condition de son succès“. Il a donc accepté “avec enthousiasme“ de présider le Codeem afin d'aider l'industrie pharmaceutique à tendre vers cette déontologie, dans un contexte bien sûr marqué par l'affaire Mediator et les révélations permanentes sur les influences (ou tentatives d'influence) non déontologiques de Servier sur des médecins, agences sanitaires, parlementaires ou encore simples patients.
Et si le Codeem avait existé avant l'affaire Mediator ?
Selon Christian Lajoux, l'existence du Codeem aurait permis d'accélérer les décisions, de tirer plus rapidement les conséquences (appréhension du risque par les entreprises du médicament) et de mieux répondre aux interrogations de la population. Difficile d'affirmer que les choses se seraient passées ainsi, mais en tout cas le Codeem a pour but affiché de travailler en toute transparence (les déclarations publiques d'intérêt de ses membres devraient être publiées) et en profondeur. Yves Medina demande à “être jugé sur pièces“ et donne rendez-vous à la presse dans un an pour un premier bilan. Jean-Philippe Rivière Source : présentation du Codeem à la presse par le Leem, 26 septembre 2011. Documents de présentation mis en ligne sur le site du Leem Photo : Yves Medina